Adieu
Complice !
Hommage au regretté doyen Mohamed Said Ould Hamody
Doyen !
Pour tout dire d’emblée , notre amitié , quelque part ,
suspecte était une façon de violer discrètement , par un
accord tacite, les normes ,stupidement , établies par la
pensée de la domination . C’est là, n’est-ce pas ? , une
parfaite définition de la ‘’complicité’’ par laquelle vous
aimiez qualifier notre relation.
Cette complicité au sens positif est , de mon point de vue,
la plus belle et , probablement , la moins comprise des
précieuses qualités qui caractérisent votre si attachante
personnalité.
Il s’agissait , dans l’absolu , d’une morale qui
s’insurgeait , spontanément , contre la négation de
l’adversaire supposé ou réel au risque de marquer contre son
propre camps . En pratique, le résultat fut fascinant.
Tout en accomplissant , loyalement , votre mission en tant
que haut commis de l’Etat , vous avez été , dans des moments
difficiles, la main tendue aux ‘’opposants’’ qui n’étaient
pas en odeur de sainteté .
Malgré votre statut de serviteur de la République censé vous
astreindre à l’obligation de réserve , souvent agaçante ,
vous avez su , admirablement , résister à la tentation de la
démagogie et à son ridicule corolaire : la langue de bois.
Votre sens de la fidélité à un illustre respectable ami qui
vous avait conduit à s’engager, avec lui , pour la création
d’un parti politique au lendemain du déclenchement du fameux
processus démocratique en 1991 , n’excluait , nullement ,
votre aversion naturelle pour le parti pris.
Votre appartenance à la classe dominante ne vous a jamais
empêché , sans éprouver le besoin d’écrire la lutte des
classes en Mauritanie , de surfer , jour et nuit , sur le
cri des opprimés et autres exlus.
Sans ignorer la gravité existentielle de l’incompréhension
suscitée , dans votre milieu naturellement conservateur, par
certaines positions que vous avez prises sur des sujets qui
fâchent , , vous avez démontré , par et pour l’exemple , que
l’indépendance de l’esprit consiste à ne pas céder sur
l’essentiel .
Pour l’essentiel, vous être restés , tout au long d’une
brillante carrière et dans votre attirante retraite un bel
esprit qui produisait les idées et qui faisait de la
production des idées sa profession habituelle , un homme de
culture qui tenait , avant tout, à préserver et à vulgariser
, avec un sens élevé du patriotisme , le patrimoine de toute
une nation.
Que peut-on attendre de plus d’ un intellectuel qui a tenu ,
dans un univers politico- social dominé par la raison du
plus faux , à vivre à travers sa propre pensée ?
Il se peut que de tels mots soient , à défaut d’être versés
dans le compte de ‘’l’éloge des morts’’, perçus comme
l’expression d’une certaine subjectivité voire d’une
subjectivité certaine par qui connait la légendaire
proximité ataroise de l’auteur de ces lignes avec le milieu
du célèbre fils de Edahah .
A ce propos , le doyen disait ‘’que l’histoire de la
présence à Atar de ma famille ( qu’il qualifiait de jésuites
de l’Islam) est aussi floue que celle de la sienne ( Ahl
Homody ) avec la différence que pour l’une c’est la science
tandis que pour l’autre c’est le commerce’’ .
Déjà en 1960 , l’année de l’indépendance, l’année qui
précéda celle de ma naissance , le jeune Said , fils du
Bourgeois de la ville , revenu en vacances de Saint-Louis où
il faisait ses études secondaires , s’insurgeait contre la
vente des produits ‘’made in Israël’’ exposés à Atar par la
boutique du Breton Gateau dans laquelle travaillait mon père
, un brave fils du petit peuple , descendant d’une
aristocratie religieuse fauchée , par le temps qui courait
.
Le doyen Mohamed Said aimait bien confier sa profonde
admiration à ce marabout ‘’ Ould Ahmedou des Ahl Mohamed
Salem ‘’ qui , gagnait sa vie avec la sueur de son front et
qui n’a pas hésité, un instant, à envoyer ses rejetons à
‘’l’école des chrétiens’’.
A l’occasion de son départ en France pour poursuivre des
études universitaires, le doyen prit , à l’image de camus ,
parti pour son adorable mère Salka mint Bdebba , la proche
disciple de Safiyya mint Ntahah , ma sainte grande mère côté
maternel, qui , disait –il fièrement , ne lui demanda que de
respecter scrupuleusement deux règles : ne jamais rater
l’une des cinq prières obligatoires pour un Musulman et ne
jamais avaler une goutte de Vin .
Cette délicieuse confiture ‘’Bonne Maman’’ constitue ,
justement l’un des traits caractéristiques de la
personnalité du doyen lequel savait s’ en servir pour faire
passer ses contradictions , parfois déroutantes .
A vrai dire la contradiction qu’il porta , jusqu’au bout ,
en soi même ,n’est qu’apparente car au fond elle est
l’unique moyen de faire progresser la connaissance d’autrui.
Elle ne pouvait , en tout cas , étonner que ceux qui méconnaissent le parcours de ce haut fonctionnaire qui avait horreur de la culture du parti unique dont il fut , dans sa jeunesse , un dignitaire atypique , qui cachait , en bon complice ,dans son foyer , les contestataires recherchés par la police .
Elle ne pouvait , en tout cas , étonner que ceux qui méconnaissent le parcours de ce haut fonctionnaire qui avait horreur de la culture du parti unique dont il fut , dans sa jeunesse , un dignitaire atypique , qui cachait , en bon complice ,dans son foyer , les contestataires recherchés par la police .
Mais quoi qu’on dise de ce fabuleux complice , d’ailleurs
dans la complicité on apprend à ne pas se soucier du
qu'en-dira-t-on , le Doyen Mohamed Said Rahimaou Allah a été
, pour ses nombreux amis mauritaniens et étrangers , la
conjonction d’une honorable personnalité consensuelle et
d’une belle manière de faire comprendre la Mauritanie dans
son intrigante complexité .
Il appartenait à la catégorie des personnalités , bien rares
, capables de rassembler les Mauritaniens malgré et à cause
de leurs contradictions . Mais , au final, il appartenait ,
comme tout le monde , à Allah et …. A Allah, nous revenons !
انا لله وانا اليه راجعون
A.K.M
انا لله وانا اليه راجعون
A.K.M
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