lundi 24 août 2015

décédé vendredi 21... Mohamed Saïd Ould Hamody - évoqué par Abdel Kader Ould Mohamed


 
Adieu Complice !
 
Hommage au regretté doyen Mohamed Said Ould Hamody
 
Doyen !
 
Pour tout dire d’emblée , notre amitié , quelque part , suspecte était une façon de violer discrètement , par un accord tacite, les normes ,stupidement , établies par la pensée de la domination . C’est là, n’est-ce pas ? , une parfaite définition de la ‘’complicité’’ par laquelle vous aimiez qualifier notre relation.
 
Cette complicité au sens positif est , de mon point de vue, la plus belle et , probablement , la moins comprise des précieuses qualités qui caractérisent votre si attachante personnalité.
 
Il s’agissait , dans l’absolu , d’une morale qui s’insurgeait , spontanément , contre la négation de l’adversaire supposé ou réel au risque de marquer contre son propre camps . En pratique, le résultat fut fascinant.
 
Tout en accomplissant , loyalement , votre mission en tant que haut commis de l’Etat , vous avez été , dans des moments difficiles, la main tendue aux ‘’opposants’’ qui n’étaient pas en odeur de sainteté .
 
Malgré votre statut de serviteur de la République censé vous astreindre à l’obligation de réserve , souvent agaçante , vous avez su , admirablement , résister à la tentation de la démagogie et à son ridicule corolaire : la langue de bois.
 
Votre sens de la fidélité à un illustre respectable ami qui vous avait conduit à s’engager, avec lui , pour la création d’un parti politique au lendemain du déclenchement du fameux processus démocratique en 1991 , n’excluait , nullement , votre aversion naturelle pour le parti pris.
 
Votre appartenance à la classe dominante ne vous a jamais empêché , sans éprouver le besoin d’écrire la lutte des classes en Mauritanie , de surfer , jour et nuit , sur le cri des opprimés et autres exlus.
 
Sans ignorer la gravité existentielle de l’incompréhension suscitée , dans votre milieu naturellement conservateur, par certaines positions que vous avez prises sur des sujets qui fâchent , , vous avez démontré , par et pour l’exemple , que l’indépendance de l’esprit consiste à ne pas céder sur l’essentiel .
 
Pour l’essentiel, vous être restés , tout au long  d’une brillante carrière et dans votre attirante retraite un bel esprit qui produisait les idées et qui faisait de la production des idées sa profession habituelle , un homme de culture qui tenait , avant tout, à préserver et à vulgariser , avec un sens élevé du patriotisme , le patrimoine de toute une nation.
 
 
Que peut-on attendre de plus d’ un intellectuel qui a tenu , dans un univers politico- social dominé par la raison du plus faux , à vivre à travers sa propre pensée ?
 
Il se peut que de tels mots soient , à défaut d’être versés dans le compte de ‘’l’éloge des morts’’, perçus comme l’expression d’une certaine subjectivité voire d’une subjectivité certaine par qui connait la légendaire proximité ataroise de l’auteur de ces lignes avec le milieu du célèbre fils de Edahah .
 
A ce propos , le doyen disait ‘’que l’histoire de la présence à Atar de ma famille ( qu’il qualifiait de jésuites de l’Islam) est aussi floue que celle de la sienne ( Ahl Homody ) avec la différence que pour l’une c’est la science tandis que pour l’autre c’est le commerce’’ .
 
Déjà en 1960 , l’année de l’indépendance, l’année qui précéda celle de ma naissance , le jeune Said , fils du Bourgeois de la ville , revenu en vacances de Saint-Louis où il faisait ses études secondaires , s’insurgeait contre la vente des produits ‘’made in Israël’’ exposés à Atar par la boutique du Breton Gateau dans laquelle travaillait mon père , un brave fils du petit peuple , descendant d’une aristocratie religieuse fauchée , par le temps qui courait .
 
Le doyen Mohamed Said aimait bien confier sa profonde admiration à ce marabout ‘’ Ould Ahmedou des Ahl Mohamed Salem ‘’ qui , gagnait sa vie avec la sueur de son front et qui n’a pas hésité, un instant, à envoyer ses rejetons à ‘’l’école des chrétiens’’.
 
A l’occasion de son départ en France pour poursuivre des études universitaires, le doyen prit , à l’image de camus , parti pour son adorable mère Salka mint Bdebba , la proche disciple de Safiyya mint Ntahah , ma sainte grande mère côté maternel, qui , disait –il fièrement , ne lui demanda que de respecter scrupuleusement deux règles : ne jamais rater l’une des cinq prières obligatoires pour un Musulman et ne jamais avaler une goutte de Vin .
 
Cette délicieuse confiture ‘’Bonne Maman’’ constitue , justement l’un des traits caractéristiques de la personnalité du doyen lequel savait s’ en servir pour faire passer ses contradictions , parfois déroutantes .
 
A vrai dire la contradiction qu’il porta , jusqu’au bout , en soi même ,n’est qu’apparente car au fond elle est l’unique moyen de faire progresser la connaissance d’autrui.
Elle ne pouvait , en tout cas , étonner que ceux qui méconnaissent le parcours de ce haut fonctionnaire qui avait horreur de la culture du parti unique dont il fut , dans sa jeunesse , un dignitaire atypique , qui cachait , en bon complice ,dans son foyer , les contestataires recherchés par la police .
 
Mais quoi qu’on dise de ce fabuleux complice , d’ailleurs dans la complicité on apprend à ne pas se soucier du qu'en-dira-t-on , le Doyen Mohamed Said Rahimaou Allah a été , pour ses nombreux amis mauritaniens et étrangers , la conjonction d’une honorable personnalité consensuelle et d’une belle manière de faire comprendre la Mauritanie dans son intrigante complexité .
 
Il appartenait à la catégorie des personnalités , bien rares , capables de rassembler les Mauritaniens malgré et à cause de leurs contradictions . Mais , au final, il appartenait , comme tout le monde , à Allah et …. A Allah, nous revenons !
انا لله وانا اليه راجعون
A.K.M
Photo de Abdel Kader                        Ould Mohamed.

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