jeudi 12 juin 2014

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Le jeu trouble de Paris en Mauritanie

Par Vincent Hugeux, publié le 17/07/2009 à 10:01

A la veille du scrutin du 18 juillet, la France aura joué en catimini la carte du putschiste Mohamed Ould Abdel Aziz.

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Le jeu trouble de Paris en Mauritanie
Depuis son putsch, Abdel Aziz (au centre) a bénéficié de l'appui discret de Claude Guéant.
AFP PHOTO/GEORGES GOBET
Il paraît que la Françafrique a vécu. Que les émissaires de l'ombre et les manoeuvres d'antichambre n'ont plus cours. Que Paris s'abstient désormais de peser sur scrutins et successions. Pieuses balivernes. S'il en était besoin, la présidentielle mauritanienne - premier tour le 18 juillet - administrerait aux naïfs une piqûre de rappel.
Au pays des putschs
10 juillet 1978
Maître de la présidence depuis l'indépendance (1960), Moktar Ould Daddah est renversé par un coup d'Etat.
12 décembre 1984
Le colonel Maaouya Ould Taya s'empare du pouvoir.
10 juillet 1991 Instauration du multipartisme.
24 janvier 1992
Ould Taya est élu président. Réélu en 1997 puis en 2003, il survit à deux putschs avortés.
3 août 2005
Un Conseil militaire pour la justice et la démocratie, animé par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, détrône Ould Taya.
Mars 2007
Sidi Ould Cheikh Abdallahi remporte le premier scrutin présidentiel pluraliste.
Août 2008
Une junte conduite par le général Mohamed Ould Abdel Aziz évince Abdallahi.
18 juillet 2009
Le premier tour de la présidentielle met aux prises dix candidats, dont Abdel Aziz, Vall ou l'opposant Ahmed Ould Daddah.
Rembobinons le film. En août 2008, un putsch conduit par le général Mohamed Ould Abdel Aziz évince Sidi Ould Cheikh Abdallahi, porté au pouvoir dix-sept mois plus tôt à la faveur de la première élection pluraliste de l'histoire de ce vaste pays désertique aux 3,2 millions d'âmes. Coup d'Etat mollement condamné sur les bords de la Seine, où deux thèses s'affrontent.
Très vite, la ligne du fait accompli, qu'incarne le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, muselle les "légalistes", partisans de fermes sanctions et du retrait d'Aziz, à défaut d'un retour au statu quo ante que nul ne souhaite vraiment. Pour preuve, la galéjade de Nicolas Sarkozy, qui, le 27 mars, ose prétendre que le pronunciamiento n'aurait suscité aucun désaveu au pays...

Soutien et silences au palais de l'Elysée

Dès lors, le clan Guéant ne lâchera plus son poulain galonné. Certes, il dissuade celui-ci d'opter pour le passage en force, préconisé par le Libyen Muammar Kadhafi: un simulacre de scrutin, bricolé à la hâte dès le 6 juin. Mais en persuadant le chef de la junte de différer le défi des urnes, Claude Guéant lui épargne un procès en illégitimité aggravée.
Aziz et ses fidèles, à commencer par son mécène Mohamed Bouamatou, richissime homme d'affaires, sont traités avec des égards insolites. On les reçoit à l'Elysée, tandis que s'activent auprès d'eux des "conseillers" empressés, tels l'avocat Robert Bourgi, ou Patrick Balkany, intime de Sarkozy enclin à sillonner le continent, entre business et missions officieuses.
Pour Aziz, la victoire est-elle acquise? Pas vraiment. Plusieurs prétendants, souligne Alain Antil, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri), peuvent a minima l'acculer à un périlleux ballottage. Citons Messaoud Ould Boulkheir, servi par son image d'antiputschiste intransigeant, ou Ahmed Ould Daddah, rallié à cette ligne après maintes palinodies
Autre challenger, Ely Ould Mohamed Vall, parvenu au pouvoir en 2005 au prix d'un coup d'Etat militaire ourdi avec son cousin Abdel Aziz, mais qui orchestra en 2007 une transition démocratique jugée exemplaire. Autant dire qu'en cas d'échec de son champion - issue qui ne désolerait guère les authentiques "Africains" de l'Elysée - Guéant nous gratifiera d'un joli numéro d'acrobatie dialectique.

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