dimanche 19 janvier 2014

polygamie et droit religieux - christianisme et Islam - point de vue d'un chrétien qui a été juge au Maroc à l'époque du protectorat

 
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Sent: Sunday, January 19, 2014 10:05 PM
Subject: Re: je ne le connaissais pas - textes du jour

Je change de sujet. Je constate que les structures familiales musulmanes sont en fait beaucoup plus solides que celles issues du christianisme rectifié par les lumières. Je veux dire que la répudiation, bien que formellement plus aisée puisque par déclaration verbale devant notaires (les adoul), est d'une pratique beaucoup moins courante que le divorce occidental. Cela est dû au réalisme musulman qui, justifiant l'exclusivité masculine de la répudiation par l'obligation de paiement d'une dot par le mari à sa femme préalablement à la consommation du mariage, a astucieusement introduit une efficace dissuasion pécuniaire au caprice masculin. La dot, loin d'être symbolique, négociée âprement qu'elle est par le père de la fille avec le fiancé, peut atteindre plusieurs années du revenu de ce dernier. Pendant le mariage, il entretient seul le ménage (qui devient vite une famille nombreuse) sans pouvoir exiger de contribution pécuniaire de son épouse. S'il répudie celle-ci, elle s'en va avec sa dot, libre de remarier, et lui n'a plus qu'à mettre des sous de côté pour doter une nouvelle épouse. En somme, le mari paie par avance la prestation compensatoire que le juge prononce chez nous seulement lors du divorce. Pour cette même raison, la polygamie urbaine est rarissime et la bigamie très peu courante : le mari doit en outre entretenir ses épouses dans des logis distincts et en toute égalité de traitement. Je n'ai connu qu'un cas lors de mes années au Maroc : un riche agriculteur devenu d'âge très mûr s'est doté d'une seconde épouse jeune ; la dot a consisté en un fonds de commerce de vêtements en ville nouvelle. J'ajoute que la loi marocaine prévoyait alors la possibilité d'inclure dans le contrat de mariage, à la demande de la fiancée, une clause obligeant le mari à la répudier avant de conclure un second mariage et même une clause permettant à une épouse d'obliger discrétionnairement son mari à la répudier en lui remboursant la dot et les intérêts. J'ai également été témoin d'un cas où, le mari ayant battu son épouse, le père de celle-ci a conduit cet homme de force devant les adoul pour qu'il prononce la répudiation et il a obéi. Le législateur musulman a été réaliste et a créé les conditions d'une vraie proportionnalité des droits et des devoirs. Ce régime est plus protecteur, pour la femme, que le pacs. Le mariage chrétien, monogame et indissoluble, demeure un sacrement réservé aux couples capables d'amour et de discipline morale sous le regard de Dieu. Ce problème mériterait un débat public qui serait d'une autre hauteur que celui concernant les minables rustines actuelles.   
            
Fraternellement.

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