mercredi 26 décembre 2012

des voeux mauritaniens


Très chers,
voici la Lettre-Voeux de l'évêque de Nouakchott. Elle me dispense de récrire des mots comme "paix, joie, santé..."fort utiles au demeurant, mais surtout elle montre que pour une large part ces grands mots sont déjà réalité, qui plus est dans un contexte duquel beaucoup d'Européens, voir d'Africains, voire d'autres encore, n'attendraient pas grand'chose.
La Pièce Jointe ne veut que vous faire regarder, contempler ou davantage. C'est la vue que, loin dans le désert, Mohamed Lémine a de sa maisonnette en pierres sèches construite pour ses lointains vieux jours.Il est agent UNICEF .
( dans cette lettre, comme sur une piste de désert: quand on est fatigué on décroche.)           Cordialement      Paul
 
Luc 3, 6 (2ème dimanche de l’Avent)
Chers amis,
Il y a quelques semaines, j’étais en voiture avec Soeur Mia. J’avais à faire à
Rosso et la Soeur avait demandé de pouvoir m’accompagner. Elle était sur le
point de quitter la Mauritanie après 10 ans de présence dans le pays. Pendant
ce temps passé au Milieu des Mauritaniens, elle n’avait pas seulement appris le
Hassaniya, langue des Maures, qu’elle enseignait même, mais aussi le Wolof,
langue comprise par beaucoup de nos chrétiens africains et un peu la « lingua
franca » entre les étrangers résidants en Mauritanie. Et le Wolof, elle l’avait
justement appris en séjournant à plusieurs reprises dans une famille
mauritanienne qui habite tout près de Rosso. C’est là qu’elle voulait se rendre
pour y faire une visite d’adieu.
En cours de route, nous avons évidemment parlé des nouvelles responsabilités
qui lui ont été confiées par sa congrégation, mais aussi avons nous fait un peu
une rétrospective sur son temps passé en République Islamique de Mauritanie et
sa vie vécue au quotidien au contact des Mauritaniens qui, eux, sont tous
musulmans. Et ensemble nous avons fait le constat que nos relations avec nos
amis et voisins mauritaniens ne correspondent absolument pas à l’image des
Musulmans et de l’Islam qu’on a tendance à présenter dans la presse et à la
télévision. Pour illustrer cela, j’ai raconté deux petites anecdotes qui se sont
passées, toutes les deux, dans le hall de départ de l’aéroport de Nouakchott.
Alors, Soeur Mia m’a encouragé fortement à les partager dans ma prochaine
lettre de Noël. Les voilà :
Un soir, du temps où en France on discutait beaucoup sur une interdiction du
port, dans des écoles et autres lieux publics, de signes « ostentatoires »,
démontrant l’appartenance à une religion, je me trouvais dans le hall de départ
de l’aéroport de Nouakchott. Comme l’avion, que je devais prendre, avait du
retard, je me suis levé, un moment donné, pour me dégourdir un peu les jambes.
Ce faisant, je passe devant un Maure d’un certain âge qui porte une grande
barbe blanche. Il me fait des grands sourires, au point que je me sens interpellé
et que je m’arrête pour le saluer et pour lui demander la cause de son sourire.
Et voilà que, tout en continuant de sourire, il me dit : « Vous avez de la chance
de vous trouver en Mauritanie et pas en France avec votre croix autour du cou.
En France on vous créerait des problèmes, alors que chez nous, en République
Nouvelles Diocésaines N° 60 / Décembre 2012
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Islamique de Mauritanie, vous pouvez la porter! » En effet, je portais, comme
toujours, ma petite croix en bois, cadeau de mon prédécesseur Mgr de
Chevigny.
La deuxième rencontre, dont j’avais parlé à Soeur Mia, s’est passée au même
endroit à l’occasion d’un autre voyage. Au moment de sortir du hall pour aller à
l’avion, tout le monde doit passer devant un policier posté près de la porte.
Quand c’est mon tour de me trouver en face de lui, il prend ma petite croix entre
ses deux mains, puis se passe les mains sur la figure en signe de respect et me
dit : «Mon Père, revenez-nous vite ! »
Je m’excuse auprès de Soeur Mia, mais j’ai envie d’ajouter le récit d’une
troisième rencontre du même genre. Cette fois-ci, cela se passe à Tunis où je me
trouvais pour y participer à une réunion. Un soir, l’archevêque m’invite à aller
faire les 100 pas avec lui après un repas copieux. Nous nous promenons donc le
long de l’Avenue Bourguiba où se trouvent beaucoup de gens attablés devant les
cafés, mais aussi bon nombre de flâneurs, comme nous. L’archevêque était en
clergyman; moi, qui étais en civil, je portais ma petite croix en bois. Pendant
que nous causions, voilà un monsieur d’une quarantaine d’années qui s’arrête,
nous salue et me demande, s’il peut embrasser ma croix. Et avant que j’aie eu le
temps d’y réfléchir, il le fait, puis continue son chemin.
Certes, pendant les 17 années passées en Mauritanie, j’ai eu aussi des
rencontres moins agréables où des gens ont fait montre de mépris envers le
chrétien que je suis. Mais je dois dire qu’il s’agit là d’exceptions à la règle !
Venez voyager avec moi dans ma voiture et vous pourrez le constater par vousmêmes
! Depuis le kidnapping de quelques Européens dans le pays, les autorités
ont multiplié les postes de contrôle où il faut s’arrêter et montrer patte blanche.
J’ai l’habitude, alors, d’ouvrir la vitre et de dire tout de go: « C’est l’Eglise de
Nouakchott qui vous salue ! », déclaration qui, de manière générale suffit
comme « pièce d’identité » et ouvre toutes les barrières.
Je dois avouer, que ce comportement de gentillesse et d’ouverture de beaucoup
de Mauritaniens envers des gens qui viennent d’une autre culture, d’une autre
religion et qui parlent une langue étrangère, continue de m’interpeller, même
après tout ce temps passé ici. Il y a quelques jours, je recevais une délégation du
Secours Catholique de Bretagne qui venait de passer quelques jours seulement à
l’intérieur du pays. Eux-aussi marquaient leur étonnement devant la gentillesse
et la joie de vivre des gens rencontrés. Ils faisaient surtout le constat que ces
mêmes Mauritaniens, s’ils arrivaient en Bretagne, ne recevraient
vraisemblablement pas le même accueil.
Nouvelles Diocésaines N° 60 / Décembre 2012
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D’ici quelques jours, nous fêterons Noël. Pour nous chrétiens la fête de
l’Incarnation du Verbe : Dieu s’est fait homme, est devenu Juif et a souffert avec
les compatriotes de son temps de l’occupation de son pays par une puissance
étrangère. Mais à la différence de beaucoup de ses compatriotes qui n’avaient
que du mépris pour les Romains païens, Lui s’est montré ouvert et accueillant à
la demande du centurion romain qui demandait la guérison de son esclave. Il a
même fait l’éloge de la foi de ce païen ! – Un autre jour, il est allé encore plus
loin en demandant à boire à une femme Samaritaine, alors que l’usage voulait
qu’on n’ait pas de commerce avec les Samaritains « hérétiques » et surtout pas
avec leurs femmes. Pas étonnant que cette rencontre inattendue et inouïe ait
complètement bouleversé la vie de cette femme. Et que dire du « collaborateur »
des Romains, le douanier Zachée, qu’il a fait descendre de son arbre pour
passer la journée chez lui. Là aussi, la rencontre fut un bouleversement complet
d’une vie et un bouleversement vécu dans la joie !
A travers ces rencontres (et d’autres dont nous parlent les évangiles) Jésus, qui
dit de lui-même « qui me voit, voit le Père » rend visible cette volonté de salut de
la part de Dieu pour « toute chair », sans exclusive ! Il n’y a pas, dans ce plan
de salut, de place privilégiée ni pour les Juifs ni pour les Chrétiens. Simplement
pour nous et pour tous ceux qui on vu, qui ont eu la grâce d’une rencontre avec
ce Jésus, il s’agit là d’une invitation à faire comme Lui : rendre visible, concrète
la bonté de Dieu pour tous ! Etre acteurs dans ce plan de salut universel !
Osons prendre ce risque ! Je suis sûr que cela nous libérera et nous remplira de
joie et de bonheur à l’instar de la Samaritaine ou de Zachée ou de Bartimé,
l’aveugle au bord du chemin à Jéricho (qui, d’aveugle assis, devient un homme
debout à la suite de Jésus)! Si nous sommes nombreux à oser voir le monde et
nos contemporains à la manière de Jésus, le visage de notre monde changera et
il deviendra plus habitable, j’en suis sûr !
Joyeux Noël et une Bonne Année pleine de rencontres enrichissantes !
Père Martin Happe
Evêque de Nouakchott
 
 
----- Original Message -----
To:
Sent: Monday, December 24, 2012 10:54 PM
Subject: - JOYEUX NOEL

Une pensée pour les amis (e) de culture chrétienne qui célèbrent Noel , à travers le monde…Contrairement à une idée bien répandue , ma religion n’interdit , nullement, l’échange des meilleurs vœux . Bien plus,... l’islam recommande la fidélité , la convivialité et, par-dessus tout , le sens de l’amitié.. C’est , en vertu d’une amitié dictée par le cœur lequel a , toujours , des raisons que la raison ignore .. que je m’adresse à ces nombreux amis ( e) à ces familles , à ces groupes d’individus , à ces collègues, à ces confrères , à ces camardes , à ces compagnons qui ont eu à partager avec moi des moments de joie et de tristesse , d’enthousiasme et d’amertume , de fêtes et des deuils …. A toutes et à tous ceux qui ont partagé , avec moi , des connaissances et des réflexions.. A ces foyers de tradition chrétienne qui m’ont , offert , l’hospitalité , qui m’ont honoré par leur générosité , qui m’ont , malgré ma différence ou à cause d’elle, accueilli par la chaleur de leur intimité.
A toutes, à tous… Je souhaite un joyeux noël avec cet arbre des vœux exprimés jusqu’à l’infini.
Abdel Kader  ould Mohamed

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