mardi 23 mars 2010

lecture du Coran - sourate 113 . l'aurore ou la fente


soir du mardi 23 Mars 2010

Je ne suis pas assez fidèle ni à cette lecture ni à ma résolution de m’y donner régulièrement. Ne pouvant prétendre à première lecture, tout saisir, je peux cependant m’immerger à condition de répéter souvent, ce que le texte sacré fait lui-même et ce qui semble la base de l’enseignement coranique originel, en début de vie. Je ne suis pas non plus attentif à cette tentative implicite que – chrétien avec vocabulaire et habitude tenant à ma formation – je prie Dieu avec les mots et selon l’expérience d’autres croyants d’une autre culture et d’une autre formation. Alors même que l’Islam peut confirmer ma foi, et même le dogme chrétien pas seulement par contraste qui fait ressortir l’essentiel et l’original de ma foi, mais positivement. Ainsi, ces deux textes d’exégètes et commentateurs contemporains, l’un de Beyrouth et l’autre de Tunisie, qui me sont tombés sous les yeux, Taleb m’arrivant par un ami délicat.

Abd-el-Karîm el-Jîlî
Un commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran
(Albouraq . Beyrouth . Avril 2002 . 280 pages) p. 180

Le Cosmos tout entier n’est que l’expression de rapports multiples entre l’Etre et Lui-même, et ce sont les nombres qui traduisent ces rapports en mode intellectuel et « logique », ce qui revient à dire que les nombres sont la pure expression du « Logos », ou disons plus précisément, de l’activité du Logos, le nombre apparaît finalement comme l’instrument nécssaire à la qualification et à la reconnaissance (l’intelligibilité) des rapports créés par l’apparente division de l’Etre-Unité.
Dans cet ordre d’idées, la première chose qui doit être établie, c’est que l’unité (nous ne faisons pas de distinction ici entre l’Unité métaphysique et l’unité aruthmétique qui la symbolise) ne peut être perçue qu’à travers trois. C’est pourquoi Ibn Arabî enseigne constamment que le « premier singulier (fard) est trois ». Ceci résulte logiquement de ce que, dès lors qu’il y a perception, il y a sujet et objet, ce qui fait trois avec la perception elle-même. Même lorsque l’Unité est envisagée pour elle-même, elle demeure impliquée dans trois : celui qui la contemple, Elle-même, et la contemplation qui est la relation entre contemplant et Contemplé. Ce n’est que lorsque la dualité est dépassée, par la réalisation métaphysique, que l’Unité subsiste seule, sans second (c’est le tawhîd dont nous parlions au début de cette introduction), mais alors, on ne parle plus de perception ou de quelque autre relation, car connaissance, connaissant et connu sont unis dans l’Etre-Un qui se connaît lui-même en Lui-même et par Lui-même.
De ce fait, on peut dire que, du point de vue de la conscxience individuelle, dès lors qu’il y a un, il y a trois ; deux n’étant qu’un état de passage entre un et trois, une « limite » instable entre eux, sans existence autonome réelle. De quelque manière qu’on l’envisage, deux n’existe que par rapport à un premier avec lequel il fait trois, ou un troisième qui est son produit : par exemple tous les contraires (actif-passif, haut-bas, noir-blanc, grand-petit, etc…) n’ont d’existence que par le terme de référence auquel ils s’ordonnent et par lesquels ils s’équilibrent ; quant aux semblables il en est de même : seul un terme qui leur est extérieur permet de mesurer (ou qualifier) leur similarité ; ou si l’on veut, pour que les semblables ne soient pas purement et simplement identiques (c’est-à-dire un seul), il faut nécessairement quelque chose qui les distingue, ce qui fait encore un troisième.

Mohamed Talbi
L’Islam n’est pas voile, il est culte (Cartaginoiseries . Tunisie . 1er trim . 2009 . 413 pages) pp. 99.100

Réversible ou pas, le temps en lui-même n’est pas. Il n’est pas quelque chose que nous puissions saisir dans le creux de nos mains. Il n’est pas un objet. Il est une grandeur de quelque chose qui apparaît, croît, décroît et disparaît. Sans le quelque chose qui bouge, change et se transforme en autre chose, il n’est pas. Il est un accidenty qui modifie l’étant. Il est un mouvement créateur, et la physique des particules aujourd’hui nous laisse entrevoir que le mouvement peut se transformer en matière, que l’énergie se transforme effectivement, bel et bien en matière.
. . .
Ce temps qui passe inaperçu, le jeûne le fait passer au premier plan de notre conscience, et plus nous prenons conscience du temps, plus notre jeûne prend du sens, et nous intègre dans le mouvement du temps. D’où notre souci de lui consacrer quelque temps, dans notre exposé consacré au mois du jeûne, sacré et consacré à Alllah, que des hadîths, sur lesquels nous reviendrons, identifient au Temps.




Sourate 113 . La fente Chouraqui L’aurore Masson – éd. Pléiade

Chouraqui défend ainsi sa traduction : « les interprètes voient en cette fente celle qui, dans la nuit, permet l’irruption du jour et ils traduisent l’aurore. Mais cette traduction semble être réductrice d’un terme d’une tout autre ampleur évoquant tout ce qui, en l’homme, dans le couple et dans la nature, est fente génératrice de vie ou de mort ». Il fait écho à ce que j’ai lu d’une autre sourate, le sexe féminin étant ainsi désigné, et c’est bien vie et mort. Je lis ce texte si court comme le psaume récité à Complies, l’office du soir : tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole le jour, ni le fléau qui marche à midi. Le Prophète transmet : Je cherche la protection du seigneur de l’aube
contre le mal qu’il a créé
contre le mal de l’obscurité lorsqu’elle s’étend ;
contre le mal de celles qui soufflent sur les nœuds ;
contre le mal de l’envieux lorsqu’il porte envie.

La traduction de Chouraqui que je ne suis pas ce soir, me parait meilleure, elle épouse d’ailleurs les images du psaume de Complies : à l’ombre de tes ailes, protège-nous ! Je me réfugie chez le Seigneur… comme les sourates 109, 112 et 114, celle-ci commence par un legs, tout à fait analogue en mode de transmission, sinon en contenu, au Notre Père : Dieu charge son Prophète de dire, il lui intime l’ordre directe, dis. Le Coran n’explique pas, ne discute pas, il prescrit. La Bible, dans ses deux parties, est un récit pour l’essentiel, y compris de son enseignement : on nous montre des modèles, on nous raconte des relations d’hommes avec Dieu, de générations successives avec Dieu. Et un récit s’interprète, se discute, le lecteur et celui qui prie sont acteurs, ils peuvent s’assimiler à tel ou tel personnage et héros. Le Coran donne un rapport direct et un rapport de commandement.

Position musulmane du « problème » du mal. En 114 et dernière sourate, il s’agit du mal du tentateur qui se dérobe furtivement, ici l’affirmation est nette : le mal qu’il crée ou le mal qu’il a créé selon la traduction que j’emprunte. Est-ce là seulement que le Coran avance cette affirmation si grave ? L’Ancien Testament avait déjà cette vue :
Je suis Yahvé, il n’y en a pas d’autre
Je façonne la lumière et je crée les ténèbres, je fais le bonheur et je crée le malheur, c’est moi Yahvé qui fais tout cela. Isaïe XLV 7
Si nous accueillons le bonheur comme un don de Dieu,
comment ne pas accepter de même le malheur ! Job II 10
Bien et mal, vie et mort, pauvreté et richesse,
tout vient du seigneur Ben Sirac ou l’Ecclésiastique XI 14
Arrive-t-il un malheur dans une ville,
sans que Yahvé en soit l’auteur ? Amos III 6

Mais aussi bien les livres de Job que d’Amos insistent sur le dénouement : heureux et surtout maîtrisé par Dieu. En Islam, cette dualité reflèterait-elle le manichéisme du jugement dernier et surtout inciterait-il l’homme à choisir ? Choisir entre le bien et le mal ? entre la foi, l’adhésion au message transmis par le Prophète, et le reniement qu’est toute incrédulité ? reniement et refus de la situation où nous sommes : créatures. La réponse me paraît se trouver dans le texte-même : Dieu protège et Il nous demande de chercher cette protection, de nous réfugier. Réalisme : le mal existe quelle qu’en soit la théologie, comment l’éviter sinon en Dieu. Si le mal était créé par Dieu, selon ce qu’il est affirmé plus haut, comment en être protégé par Lui aussi ? le mal tient à ce que nous ne nous réfugions pas en Dieu, à ce que nous ne cherchons pas en Lui notre protection. Dialectique si décisive que le Coran se termine là-dessus, l’homme se réfugiant en Dieu. La Bible chrétienne achève le Nouveau testament par le verset final de l’Apocalypse de Jean, qui est un mouvement inverse : celui de Dieu venant à l’homme et sur la prière de l’homme ! Que celui qui entend, dise : « Viens ! » . . . Le garant de ces révélations l’affirme : « Oui, mon retour est proche ! ». Amen, viens, Seigneur Jésus ! Apocalypse XXII 17 & 20. Bible et Coran se concluent par une prière dictée . . .

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