dimanche 15 septembre 2019

reçu du professeur Mohamed El Hacen - un ami de dix ans ou plus




Avant propos 
En 2007, Il y a 12 ans, j’ai publié l’ article,ci-dessous,  pour alerter.l’opinion mauritanienne et les décideurs sur l’urgence de faire quelque chose pour freiner le déclin de l’enseignement dans notre pays et pour remonter la pente. 
Certaines propositions ont été plus ou moins mises en œuvre 
- separation des services des œuvres universitaire et des services académiques 
- l’instituions d’un système qui comprte plus de contrôle 
- Des journées de concertation auxquels je n’ai pas pris part et qui ont  relevé plus de la communication et de la publicité que de l’entreprise qui vise le changement réel et utile. 
Je publie cet article à nouveau parce que la problématique de l’enseignement est on ne plus d’actualite et parce que la situation n’a pas changé fondamentalement.  En tout cas, pas dans le bon sens. 
J’espère que cette contribution servira à faire évoluer les idées sur une question stratégique et vitale et qui conditionne tout le reste. 
 
Mohamed Mohamed El Hacen
Nouakchott 
Le 12 septembre 2019
Le texte 
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https://initiativesnews.com/reformer-luniversite-developper-pays-on-faire-quelque-chose/

Réformer l’université pour développer le pays* : On doit faire quelque chose, ici et maintenant !




Il convient d’engager, rapidement, une réflexion sérieuse sur la manière de restructurer notre Université pour la rendre crédible, notamment, en permettant aux étudiants et aux étudiantes d’acquérir un niveau scientifique acceptable afin de les préparer à l’exercice de leur vie professionnelle dans de bonnes conditions.
Dans quelques jours, s’achève, ‘’normalement’’, une année universitaire qui n’a presque pas débuté… Et des étudiants qui passent des examens auxquels ils n’étaient pas préparés… Et des enseignants qui pensent déjà aux vacances après avoir fourni un effort en dessous de ce qu’ils auraient dû fournir…
Et une administration qui est entrain de présenter des résultats pour justifier son action au cours d’une année universitaire complète qui a été gérée avec légèreté. Tout cela se déroule en toute simplicité, comme si de rien n’était… Et chacun ‘’s’acquitte ainsi de son devoir’’.
Le but recherché à travers cette communication est de vous inviter à réfléchir sur un certain nombre d’idées relatives à notre mission en tant que professeurs en service à l’Université de Nouakchott, et ce dans un cadre purement professionnel, loin des pressions idéologiques et des manœuvres politiques ou syndicales… Et nous n’avons d’autres moyens d’y arriver que la pertinence de notre discours et notre capacité à exprimer clairement ce que nous souhaitons à travers l’identification des problèmes pour une meilleure compréhension de leurs causes et de leurs enjeux et pour la formulation des solutions à leur apporter.
En parlant de la sorte, je vous dis toute ma disponibilité à entamer, avec vous, une démarche positive permettant d’ouvrir des horizons nouveaux.
N’est-il pas temps d’échanger autour des problèmes réels auxquels nous sommes confrontés ?
N’est-il pas temps d’imaginer les solutions dictées par la conscience et le bon sens ?
N’est-on pas en droit d’éviter les douloureuses expériences que nous avons vécues dans le passé et qui ont conduit, en fin de compte au déclin et au fiasco ?
Sommes-nous capables d’affronter la réalité ou devons-nous continuer à nous berner, nous-mêmes, et à tromper les autres ?
Comme vous le savez, notre pays entame, aujourd’hui, une expérience, qui s’avère heureuse, tout au moins à ses débuts[1]… Comme toutes nos précédentes expériences se sont, malheureusement, terminées avec les accusations et les condamnations, souhaitons que celle-ci soit épargnée et fasse exception, à cet égard.
Notre pays songe maintenant à tourner la page du passé et se prépare à profiter de l’ère nouvelle qui s’annonce.
Chers collègues,
Chers étudiants,
Pouvons-nous, en ce qui nous concerne et dans le cadre de notre travail, en tant que professeurs et étudiants, œuvrer ensemble pour que cette expérience se termine de façon honorable, dans l’intérêt de notre université et de notre pays ?
Ne sommes-nous pas un important trésor d’énergie capable de mener les analyses les plus pertinentes et de proposer les solutions idoines à nos problèmes ?
Ne sommes-nous pas en droit de mobiliser, avec détermination, nos ressources à ce moment précis de notre histoire ?
Les forces de la régression sont-elles entrain d’exprimer une volonté et une capacité bien supérieures à celles de la renaissance et du progrès en recourant au charlatanisme et à la fraude, afin de décourager les esprits éclairés et de les empêcher de concevoir des projets novateurs ?
En tout état de cause, j’en appelle à votre jugement et à votre capacité d’appréhension pour rechercher les solutions qui conviennent aux problèmes posés avant que les forces de l’inertie et de la régression ne se coalisent contre toutes les formes de recommandations pertinentes.
Il s’agit, en l’occurrence, de l’année universitaire 2006-2007 qui coïncide avec l’organisation, en Mauritanie, d’une série de consultations électorales, municipales, législatives et présidentielles, précédées par le Référendum sur les modifications constitutionnelles.
Ces manifestations électorales sont, généralement, précédées d’intenses campagnes de sensibilisations qui se déroulent en appui à tel ou tel candidat et donnent aux uns l’opportunité de savourer leur victoire et aux autres le temps de ruminer leur défaite et de sombrer dans la déception.
Comme vous le savez, ni les professeurs ni les étudiants n’étaient indifférents par rapport à ces consultations. Si l’on ajoute à cela les vacances et les fréquents arrêts de cours engendrés par les grèves, on comprend aisément combien le temps consacré, par l’Université, aux cours et aux conférences, fut court.
Ce fut, en effet, une période insuffisante qui n’a pas permis aux professeurs de terminer leurs programmes ni aux étudiants de se concentrer sur les cours afin d’assimiler les quelques « bribes » d’enseignement qu’ils ont reçues.
Sommes-nous donc en droit de dire que cette année qui s’achève bientôt a été catastrophique? Ou encore qu’elle fut seulement mauvaise? Ou même pire?
La réponse par oui ou par non se base, à mon humble avis, sur notre capacité, dans le cas d’espèce, à réagir de façon responsable par rapport aux événements et à l’histoire.
En réalité, le peuple mauritanien dont nous faisons partie et constituons, en principe, l’avant-garde, a su s’exprimer à travers les urnes et à tous les niveaux pour choisir librement ceux qui vont gérer ses affaires.
Ces élections se sont déroulées sur la base d’une saine compétition suivie d’un dépouillement transparent qui a donné des chiffres et des pourcentages exacts.
Si nous transposons cette démarche aux professeurs et aux étudiants, passant ainsi de la situation vécue au niveau du pays tout entier à la situation scolaire, nous pouvons constater que l’année a été plutôt bonne. Nous gagnerons donc à tirer les leçons des échéances électorales et à nous inspirer de la transparence qui les a caractérisées.
Nous aurons ainsi transformé une situation négative en une situation positive génératrice de pardon et de clémence si nous considérons qu’il s’agit d’une année de lancement vers la renaissance dont le rôle dirigeant revient à l’Université.
Et il ne sera pas possible d’arriver à cette disposition sans reconnaître que les examens finaux ne sont nullement opportuns cette année.
En effet, le minimum requis n’a pas été atteint car les cours ont été dispensés à un pourcentage insignifiant accusant ainsi un grand déficit dans l’acquisition des connaissances, déficit aggravé par les échecs cumulés des années précédentes d’où le niveau actuel des étudiants qui n’est ni raisonnable ni acceptable.
Pour illustrer cet état des choses, force est de constater que les étudiants, à leur entrée ou à leur sortie de l’Université, ne possèdent guère le minimum requis que les diplômes que nous leur avons fournis sont censés représenter.
Nous devons donc reconnaître que nous leur affectons des notes qu’ils ne méritent pas. Cela relève du domaine de l’abus de confiance et de la fraude. Nous devons le reconnaître et travailler à dépasser de telles lacunes.
Le diplôme universitaire qui n’est pas reconnu sur le plan régional et international n’est guère différent, dans sa substance, du chèque sans provision.
C’est vrai. Le diplôme de Maîtrise est délivré par l’Université après 4 années d’études. Il est également vrai, à titre d’exemple que, pour aller à « Chegar », nous devons faire 4 heures de route, si nous empruntons une voiture qui roule à 80 Km/h, en moyenne, et sans arrêt. Si nous nous arrêtons plusieurs fois, pour à peu près 45 minutes, par exemple, afin de prendre du thé et que nous roulons à 50 Km/h, nous ne pourrons atteindre notre destination en 4 heures de temps. Si, d’aventure, la voiture tombe en panne, comme cela arrive souvent aux taxi-brousse, nous n’arriverons pas à temps car nous serons obligés de changer de véhicule ou alors de faire l’auto-stop et de demander à un automobiliste de nous transporter jusqu’à notre destination. Quatre bonnes heures seront alors passées et nous ne serons pas encore arrivés à « Chegar ». Nous nous retrouverons, peut-être, à Idini ou quelque part en plein désert, sur la route de l’Espoir Nouakchott – Néma.
Comme, pour nos fameux passagers, qu’on peut flouer, en leur disant vous-êtes arrivés à bon port, nous pouvons tout aussi bien dire à nos étudiants : ‘’vous avez terminé votre cursus universitaire et nous leur délivrons le diplôme de Maîtrise pour l’attester.
Et nous savons ce qui arrive au passager lorsqu’il a l’illusion d’être arrivé à destination alors qu’il doit continuer son voyage à pied ou en recourant à la location d’un autre véhicule, voire à l’auto-stop, si, toutefois, un automobiliste bienfaiteur consentait à le prendre.
Nous savons aussi ce qui arrive à nos étudiants dans leur fuite en avant avec son lot de désagréments émaillés de chômage, de déception, d’interventions diverses, de nouvelles formations, etc.…
On dit souvent : « Il vaut mieux être un savant sans avoir l’impression de l’être que de s’imaginer être savant sans avoir fourni l’effort nécessaire pour acquérir le savoir ».
En conclusion, l’enseignement universitaire, en Mauritanie, est en échec.
Tous les mauritaniens vous répètent la même chose mais ne sont malheureusement pas prêts à aller au-delà de ce triste constat.
Quant à nous, nous avons fourni un effort pour analyser cette problématique et formuler les solutions qui nous semblent lui convenir.
Pourquoi, en Mauritanie, l’enseignement, en général, et l’enseignement universitaire, en particulier, est-il plutôt proche de l’échec ?
Généralement, les mauritaniens se posent la question : « Qui a fait-quoi, Qui a causé quoi ? », ce qui suscite les rancœurs et les divisions qui nous éloignent de l’objectivité indispensable au traitement adéquat de telle ou telle question ou de telle ou telle problématique.
Bien que la question posée en ces termes soit tout à fait pertinente, nous avons choisi, quant à nous, une autre approche méthodologique pour analyser objectivement la situation afin de lui apporter les solutions consensuelles susceptibles de provoquer l’adhésion de l’ensemble des acteurs tout en évitant les tensions habituelles engendrées par ce genre de questionnement.
L’objectif essentiel que nous visons à travers cette démarche consiste justement à instaurer un dialogue constructif autour d’une question si importante et qui nous interpelle tous, dans le présent et dans l’avenir.
Quelques causes historiques
L’influence du système éducatif dans lequel nous avons été formés, nous les professeurs, avec son sérieux et ses performances, nous empêche souvent de comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants qui viennent de nos établissements secondaires.
En dépit des différences constatées au niveau des conditions de travail et des programmes scolaires appliqués au fondamental et au secondaire, la formation de notre génération a été assurée par des équipes d’enseignants de très haut niveau ayant des capacités indéniables.
L’enseignement supérieur dont nous avons bénéficié à l’extérieur, nous permettait, également, de nous éloigner, dans l’espace et dans le temps, pour nous consacrer entièrement aux études. Il nous a, en plus, apporté sa valeur ajoutée enrichissant ainsi notre expérience d’une maîtrise et d’une richesse supplémentaires avérées. Mais ce genre d’enseignement était l’affaire d’une élite très réduite.
Aussi le flux des étudiants arrivés dans les années 1970 et 1980 a-t-il contribué négativement en secouant fortement le bon système éducatif qui existait à l’époque.
Sans doute, l’accroissement de la population, engendré par l’explosion démographique à Nouakchott, n’a t-il pas été accompagné par une modification dans le style et les méthodes de traitement des questions scolaires.
Au moment où les résultats étaient, dans l’ensemble, positifs, voire excellents, au cours des deux décennies qui ont suivi l’Indépendance, nous constatons, depuis les années 1980, que l’enseignement n’a cessé de décliner.
Depuis lors, le secteur de l’éducation connaît, en effet, une situation déplorable tout comme l’ensemble des autres secteurs d’activités, situation dont nous sommes tous complices, ne serait-ce qu’indirectement.
Dans le passé récent, l’enseignement, comme l’ensemble des autres services publics, s’est détourné du but initial qui lui était fixé pour se concentrer sur les intérêts particuliers de ceux qui sont chargés de sa gestion. Les conversations portent toujours, en effet, sur les questions liées aux avantages matériels et financiers que génèrent le système, les nominations et autres promotions, laissant de côté les modalités relatives à l’acquisition par les étudiants du savoir et des connaissances.
Nous avons également souffert, pour une longue période, de la régression engendrée par la médiocrité ambiante au niveau du sommet et par la longévité dans les fonctions qui entraîne la sclérose des idées et l’inertie des comportements.
Les causes organisationnelles et institutionnelles
L’existence d’une seule université entraîne le monopole et ne favorise pas la saine émulation susceptible de rehausser le niveau de l’enseignement.
  • La centralisation excessive de l’Administration, en regroupant des tâches aussi diverses que la bureautique, le contrôle, les problèmes liés à l’écolage, la restauration, le transport et autres commodités, engendre la dilution des responsabilités et crée un climat malsain entre les membres de l’équipe dirigeante.
  • L’absence du contrôle interne et son impact négatif sur l’ensemble de l’opération éducative et sur le niveau de l’enseignement, puisqu’il n’y a pas de surveillance, ni d’examens périodiques, ni de présence, ni d’absence, comme si l’on n’exigeait de l’étudiant désireux d’obtenir son cachet universitaire que deux choses seulement :
  • l’inscription, à l’ouverture des classes ;
  • la présence à l’examen final, à la clôture de l’année universitaire.
Entre ces deux échéances, la liberté est totale, ce qui permet à l’étudiant de faire ce qu’il veut en fonction de ce que lui dictent sa volonté et son désir strictement personnels.
L’absence d’une stratégie nationale de l’enseignement universitaire.
Les causes liées aux mentalités
Il n’est ni raisonnable ni acceptable que le taux de réussite au sein d’une communauté du savoir et de la connaissance, comme la nôtre, dépasse les 80%.
C’est pourtant la règle depuis les années 1980, dans notre communauté scientifique, si bien que l’étudiant n’accorde plus d’importance à l’acquisition du savoir et de la connaissance, puisque la société ne se soucie plus de ce genre de valeurs.
Cela s’est répercuté négativement sur la communauté estudiantine où se développent, désormais, la culture de la Gazra (le forcing anarchique) et la glorification de l’ignorance.
Si nous analysons le comportement de certains groupes d’étudiants, nous constatons que quelques-uns parmi eux n’accordent aucune importance à la note universitaire qui n’intervient pas dans leur vie professionnelle, car ils peuvent être chauffeurs, coiffeurs, etc.… Et, en même temps, ils n’éprouvent aucun scrupule à se faire délivrer un diplôme universitaire qu’ils obtiendront, quand même, d’une façon ou d’une autre, afin de s’enorgueillir en jetant la poudre aux yeux.
Ceux-là sont, certes, peu nombreux, et utilisent spécialement le système d’intervention, les solidarités découlant des particularismes de tous genres et, parfois, le désordre et les perturbations qu’ils provoquent délibérément pour arriver à leurs fins.
Et avec çà, ils critiquent l’Université et dénigrent la société. Ils constituent, du reste et fort heureusement, le seul groupe qui s’oppose réellement à tout projet de réforme.
Un deuxième groupe accorde de l’intérêt à l’acquisition du savoir et de la connaissance, mais n’a pas conscience de l’effort et de la persévérance dont il doit faire montre pour y accéder.
Un troisième groupe cherche effectivement à acquérir le savoir et la connaissance et demeure conscient de l’effort qu’il doit fournir, pour y arriver, mais il reste otage du comportement des autres groupes et, par conséquent, ne voit aucune utilité à se sacrifier dans un environnement caractérisé par la recherche de la facilité et la pratique du laisser-aller. Naturellement, les deux premiers groupes fournissent un effort en deçà du minimum requis.
Pour ce qui est des professeurs, bien que je ne les connaisse pas suffisamment, j’attribue leurs insuffisances à leur situation financière et professionnelle qui ne leur permet pas de se concentrer sur leur métier. Certains parmi eux sont rétribués par l’Etat en dehors du cadre de l’Université, ce qui les pousse à mépriser « la corvée » que constitue, à leurs yeux, la fonction d’enseignant.
Comment alors pouvons-nous concevoir un enseignement universitaire qui se respecte quand le professeur méprise sa mission académique pourtant essentielle – je dirais même, sa raison d’être – qui consiste justement à dispenser des cours au sein de l’Université.
Il y a aussi ceux qui ont obtenu leurs diplômes à l’étranger et ne souhaitent pas exercer le métier d’enseignant à l’intérieur du pays.
D’ailleurs, certains d’entre eux s’efforcent toujours, après leur retour au pays, de trouver le moyen de sortir de nouveau.
En tout état de cause, le tort nous revient à nous, les professeurs d’Université, dans la mesure où nous nous désintéressons complètement de ce qui se passe autour de nous.
En ce qui concerne les parents d’étudiants, ils pensent que leur responsabilité vis-à-vis de leurs enfants s’arrête lorsque ceux-ci accèdent à l’Université, d’où le défaut d’un acteur essentiel à ce niveau.
On constate, par conséquent, un vide au niveau de l’encadrement en l’absence d’un élément vital – les parents – d’où la propension des étudiants à acquérir davantage de liberté et à en faire un mauvais usage, confondant souvent la liberté avec l’indiscipline et l’anarchie.
L’Administration considère que le monde étudiant est une source d’ennuis en tant que générateur de désordre et de perturbations, ce qui engendre chez ses dirigeants ce qu’on pourrait appeler le syndrome de « la phobie des étudiants ».
Pour s’adapter à cette situation, elle applique, vis-à-vis des étudiants, la politique du ‘’laisser tranquille’’ parce qu’elle est consciente de son incapacité à jouer le rôle qui lui revient dans la gestion de leurs affaires, dans l’état actuel des choses comme dans l’avenir.
Son souci se limite, dès lors, à la satisfaction de leurs désirs au lieu de consister à veiller à leurs intérêts, en appliquant en l’occurrence, la recette : « Ne te soucie pas de l’intérêt d’une personne majeure, cherche seulement à lui plaire ».
Pour l’histoire, la Mauritanie est entrée, depuis 1978, dans une crise existentielle qui s’est manifestée à travers une série d’événements malheureux ayant des conséquences négatives durables d’où le recul des valeurs morales, la résignation devant la baisse généralisée de niveau, à tous les échelons de l’enseignement, y compris à l’Université qui, pourtant, est censée être la pépinière de cadres où l’Etat puise les ressources humaines nécessaires à l’exécution de sa complexe mission.
La politique du repli sur soi, de l’isolement et de la régression a fermé l’horizon devant le progrès, nous privant ainsi de la possibilité de prendre conscience de ce qui se passe autour de nous.
Nous nous sommes alors focalisés sur nos propres problèmes et tournons en rond en invoquant sans cesse les difficultés auxquelles nous faisons face.
Cette obsession a engendré une baisse de niveau encore plus forte tant et si bien que nous nous sommes ostensiblement isolés du monde, abandonnant toute référence en dehors de nous-mêmes.
Et enfin, l’absence de dialogue et le rejet des idées d’autrui, sous prétexte que « la polémique est interdite » ont rendu presque impossible toute réflexion sérieuse destinée à la recherche de solutions en vue de faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés.
Après avoir examiné la problématique et passé en revue ses tenants et aboutissants, nous devons, à présent, réfléchir aux solutions qui s’imposent.
Il reste entendu que chaque problème porte en son sein sa solution, dans l’espace et dans le temps (Il n’y a pas de Problème sans Solution).
Puis, passons rapidement du stade de la réflexion au stade de la pratique, car les solutions proposées doivent être mises en œuvre avec diligence et en observant l’objectivité et la transparence que requiert leur bonne application.
Les solutions envisagées s’articulent autour de deux axes :
–          Des solutions à court terme ;
–          Des solutions à moyen et long terme.
Les solutions à court terme, à appliquer en toute urgence
Quand nous parlons de la réforme de l’enseignement, nous donnons, d’abord, l’impression qu’il ne s’agit que des effectifs scolaires fournis par les établissements du fondamental et nous ignorons, ce faisant, les autres cycles du système éducatif.
Dans l’imaginaire collectif, la réforme de l’éducation ne concerne pas l’enseignement supérieur, ce qui laisse à penser que nous sommes en face de deux systèmes séparés et que l’enseignement supérieur est le parent pauvre en matière d’appréciation et de réforme, car il ne fait l’objet d’aucune réflexion visant à améliorer son fonctionnement.
A cet égard, nous préconisons la méthode appliquée pour la protection du célèbre troupeau camelin des Lehmennat «qui plaçaient toujours leurs hommes, à l’avant-garde, à l’arrière-garde et sur les deux flancs de leur troupeau afin de le mettre à l’abri des assauts dévastateurs des pillards, qui hantaient leurs zones de pâturage».
Par ailleurs, les réformes qu’on pourrait envisager pour l’enseignement supérieur auraient certainement des incidences bénéfiques, non seulement pour l’enseignement supérieur lui-même, mais aussi pour les cycles inférieurs du système éducatif, à travers l’instauration d’un climat de sérieux et de persévérance où les élèves du cycle secondaire seraient obligés de fournir un effort conséquent pour accéder à l’Université dont l’entrée ne sera plus, désormais, aussi facile qu’ils se l’imaginaient.
Pour une application immédiate, c’est-à-dire, sans aucune possibilité de différé ou de louvoiement, nous soumettons à votre attention, à titre d’exemple, quelques pistes de réflexions:
  1. Annuler, pour l’année en cours, les examens de passage et organiser des examens blancs uniquement destinés à déterminer le niveau et à identifier les insuffisances, dans un premier temps, et à étudier, ensuite, la possibilité de compenser le retard et de combler les lacunes, dans une seconde phase.
  2. Organiser des ateliers de concertation entre les professeurs, d’une part, et entre les professeurs, les étudiants, les parents et l’Administration, d’autre part.
  3. Augmenter l’année universitaire en cours d’un mois supplémentaire pour nous permettre de réaliser les tests d’évaluation et d’engager les concertations évoquées plus haut.
  4. Le renouveau nous impose, à nous, professeurs, de participer, avec enthousiasme et détermination afin de compenser le temps perdu par les étudiants et de combler les lacunes relevées à tous les niveaux.
Dans ce cadre, je propose que nous commencions, à partir de l’année prochaine, par dispenser deux heures supplémentaires par jour (volontairement et à titre gratuit) au cours desquelles les professeurs travaillent à combler le retard constaté après examen du résultat des tests d’évaluation préconisés plus haut (environ 200 cours magistraux à raison d’un cours à un cours et demi, en moyenne, par professeur).
En outre, le professeur peut, en concertation avec ses étudiants, effectuer des heures supplémentaires et se faire indemniser par l’Université.
Par ailleurs, il serait souhaitable que chaque professeur crée un site électronique lui permettant d’échanger avec ses étudiants les cours magistraux et les conférences. Il lui sera également loisible d’échanger, à travers ce site, avec ses homologues étrangers, les connaissances et les informations utiles.
Aussi cet outil permettra-t-il à nos étudiants et à nos professeurs de consulter en permanence les nouveautés en matière de sciences et de techniques, et d’offrir, notamment, à l’étudiant et à l’étudiante, l’opportunité d’utiliser les moyens de communication les plus modernes et les plus performants.
A cet effet, il revient aux professeurs d’introduire, chacun en ce qui le concerne, les innovations qui s’imposent au niveau de la discipline qu’il est censé enseigner.
A titre d’exemple, j’enseigne ‘’l’audit’’, alors qu’il y a des centaines de petites opérations liées à l’audit. Pour familiariser les étudiants avec cette technique, je propose que l’Université établisse un accord avec le Ministère chargé des Finances pour permettre aux étudiants d’accompagner les missions d’audit afin d’appliquer sur le terrain les théories qu’ils ont apprises à l’Université, avec la possibilité de bénéficier d’indemnités de stage.
Dans le cadre de la recherche de solutions pour faire face aux problèmes posés par les professeurs, l’Etat doit éviter la fuite des cerveaux qui oblige les meilleurs cadres à émigrer en quête de conditions matérielles meilleures.
Je propose que l’Etat accorde une enveloppe de 2 Milliards d’Ouguiyas pour les deux années à venir, à travers un mécanisme d’appui à la recherche scientifique. Ce fonds pourra financer les études des différents ministères, y compris les consultations relatives aux questions ayant trait à l’enseignement supérieur.
Dans ce cadre, l’Université peut utiliser ses professeurs consultants et ses chercheurs, en plus des cabinets-conseils, nationaux et étrangers.
Il lui sera également possible de charger les étudiants de participer à certaines phases de ces exercices comme, par exemple, la collecte des données sous la supervision de leurs professeurs.
A ce niveau, le besoin qu’éprouvent les Pouvoirs Publics pour identifier, de façon sereine, les problèmes inhérents à cette composante du système éducatif n’échappe à personne,. En mobilisant toutes ses ressources en appui aux experts chargés de faire les études et les consultations envisagées dans le cadre de la réforme, l’Etat évitera les erreurs commises par le passé, notamment, l’improvisation et la précipitation qui conduisent, souvent, les décideurs à formuler des réponses arbitraires, sans aucun rapport avec la réalité.
N.B : Le montant de 2 Milliards d’Ouguiyas peut paraître exorbitant, à première vue. Il résulte, en réalité, d’un calcul très simple basé sur le principe de deux hommes/mois, pour chaque professeur, au cours d’une année de travail de consultant.
Quelques solutions institutionnelles

La solution des problèmes matériels des professeurs

  1. Encourager les professeurs établis à l’étranger à regagner le pays pour enseigner dans notre Université. Le mécanisme de financement évoqué plus haut pourra être utilisé à cet effet.
Une étude sur la question pourra être engagée, dans un premier temps, afin de fournir les recommandations utiles.
Ensuite, étudier la situation financière des professeurs en fixant leur rémunération pour les deux années à venir, en attendant de l’appliquer à partir de la troisième année.
  1. Appliquer le principe de la sanction et de la récompense afin de consolider le système de contrôle interne dans toutes les phases du processus éducatif.
  2. Appuyer le système de contrôle permanent et des contrôles périodiques des connaissances de façon à ce que l’examen final ne représente pas plus que les 30% de l’ensemble des notes obtenues par l’étudiant au cours de l’année universitaire[2].
  3. Augmenter la durée de l’enseignement dispensé à l’Université, en la portant à dix mois au lieu des 6 à 7 mois effectifs, aujourd’hui, et réfléchir au système horaire, car le système mensuel en vigueur actuellement ne permet pas de donner la mesure exacte du rendement des professeurs.
  4. Introduire une année scolaire préparatoire avant l’entrée à l’Université. Cette année pourra être consacrée à l’étude de la méthodologie, des langues, de la culture générale, etc. Cela permet de combler les insuffisances constatées au secondaire, d’une part, et de déterminer le niveau des candidats et leur aptitude à accéder à des études universitaires, d’autre part.
  5. Ajouter une cinquième année pour obtenir le diplôme des études approfondies (DEA) et supprimer celui de la Maîtrise afin de stimuler l’ambition des étudiants qui aspireront alors à consolider et à parfaire leurs connaissances pour améliorer leur niveau[3].
Le mot ‘’Maîtrise’’ signifie, en effet, aujourd’hui, 4 années d’études sans aucune considération pour leur contenu.
Le deuxième argument qui plaide en faveur de l’augmentation de la durée, se rapporte au temps, car si l’itinéraire est unique, la précipitation n’entraîne que le retard dans la réalisation des objectifs, d’où la nécessité d’ajouter une cinquième année[4].
Nous proposons également que cette cinquième année soit consacrée à la recherche et aux stages pratiques afin de préparer les étudiants au travail qui les attend.
Je souhaite signaler, ici, que la plupart des étudiants de la Faculté d’Economie préparent leurs mémoires de sortie sur ‘’le contrôle de gestion’’ qui est une notion inexistante dans la réalité mauritanienne puisqu’il s’agit d’un système appliqué, essentiellement, dans les pays industrialisés.
De là, découle l’importance de lier les recommandations et les mémoires des étudiants à la réalité. C’est ce qui nous a poussés à proposer une cinquième année dont trois à six mois seront réservés aux stages pratiques.
Certains peuvent rétorquer que le nombre d’étudiants en cinquième année peut dépasser la capacité d’absorption des services censés les accueillir pendant la période de stage.
L’Université doit également être ‘’agressive’’ afin d’imposer aux différents ministères de recevoir en stage ses étudiants, dans un premier temps, et d’inscrire, dans leur budget annuel, des prévisions conséquentes à cet effet, dans une seconde phase.
Pour ce faire, il serait nécessaire de créer au sein de l’Université une direction chargée de la coordination avec les administrations publiques.
L’Université doit, en effet, aider l’étudiant à connaître la réalité du monde professionnel en lui permettant de prendre contact avec le marché du travail.
Ce faisant, elle aura accompli, sans qu’elle le sache, une partie de son devoir vis-à-vis de ses étudiants en fin de cursus.
La plus-value apportée par la cinquième année permettra de diminuer le chômage et d’améliorer le niveau des étudiants en les préparant à intégrer le marché du travail dans de bonnes conditions.
  1. On doit dédoubler l’Université dans sa forme actuelle, afin de créer un esprit de saine émulation et de favoriser l’amélioration du niveau par la réduction du nombre d’étudiants dans chacun des deux établissements qui seront ainsi créés.
On doit également s’abstenir de développer l’idée selon laquelle il faut créer d’autres universités ou ouvrir un cycle doctoral.
Tout cela constitue une fuite en avant alors que ce qui est demandé et pertinent, c’est de réformer, de restructurer et de parfaire ce que nous avons déjà entre les mains, en attendant de réfléchir à une cité universitaire en dehors de Nouakchott, pour des raisons parfaitement évidentes.

Création de deux entités indépendantes[5]

  1. La première entité sera chargée de fixer les grandes orientations académiques et pédagogiques, de promouvoir la recherche scientifique, d’organiser les stages de formation. C’est l’Université.
La deuxième, qui sera indépendante de l’Université, s’occupera de la coordination avec celle-ci et sera chargée de tout ce qui concerne la vie universitaire et les activités estudiantines (le transport, les restaurants, les bourses, etc.)
En effet, il n’est ni raisonnable ni acceptable d’ajouter à la mission principale des professeurs d’autres tâches relevant de l’intendance (restaurants, stages etc.)
  1. La création d’un conseil supérieur de l’Université qui comprend des personnalités académiques, des membres de l’Administration, des étudiants et des parents d’étudiants.
Ce conseil sera chargé de fixer les grandes orientations de l’Université et de suivre et de contrôler leur mise en œuvre.
  • La mise en place d’un programme de financement, à titre exceptionnel, pour les sept prochaines années, avec le concours de l’Etat, des partenaires au développement et du secteur privé, afin de prendre en charge le coût des réformes proposées.
L’Education est, en effet, une question capitale, dont la réussite ou l’échec déterminent l’avenir du pays, tout entier.
  1. L’ouverture aux universités étrangères et l’échange des aides et des professeurs doivent être envisagés.
On doit, en particulier, profiter de l’expérience tunisienne qui constitue, sans aucun doute, une réussite dans le domaine de l’enseignement supérieur.
Ces propositions qui visent à régler la problématique de l’enseignement supérieur et à résoudre les problèmes de l’Université n’auront, cependant, aucune incidence si nous, les professeurs, nous ne manifestons pas la détermination, le sérieux et la persévérance qu’il faut.
Pour consolider cet effort, nous devons tourner la page d’un passé caractérisé par la pratique de l’abus de confiance et la fraude qui poussaient les professeurs à accorder des privilèges à ceux qui ne les méritent pas.
C’est seulement ainsi que nous pourrons accompagner le tournant opéré par la Mauritanie dans son nouveau parcours qui doit être, espérons-le, caractérisé par le sérieux, la rigueur et la recherche du progrès. Il nous revient alors, à nous les professeurs, d’être à l’avant-garde de ce mouvement.
En définitive, nous devons, tous, savoir que notre chère patrie traverse une période de turbulences provoquées par les crises économiques, sociales et culturelles et que l’Université n’est pas épargnée par cette situation.
Mais cela ne doit pas nous pousser à prendre peur ou à nous décourager, si nous sommes convaincus que nous avons la volonté et la détermination à collaborer et à nous entraider afin de surmonter les difficultés.
Lorsque l’économie faiblit et que la monnaie se dévalue, on ne doit, en principe, pas avoir de crainte si nous avons des analystes et des économistes capables de traiter ce genre de questions.
A titre d’exemple, lorsque les maladies surviennent et que nous avons de bons médecins pour y faire face, il n’a pas lieu de s’inquiéter outre mesure.
Le plus important, dans tout cela, c’est que nous soyons persuadés que nous avons le génie et les ressources nécessaires pour remédier à chaque situation difficile.
Il suffit, seulement, de manifester le sérieux, la détermination et la persévérance qui conviennent pour y arriver.
Nous devons donc nous abstenir de nous adonner à l’autodérision, voire l’autodénigrement, car les arabes disent : « Allumer un flambeau, une fois, vaut mieux que d’incriminer l’obscurité mille fois ».
Enfin, je reconnais et j’assume ma part de responsabilité et je suis prêt à consentir le sacrifice demandé afin de relever le défi.

Mohamed Mohamed El Hacen
*Article publié par le Quotidien  Nouakchott Info en  2007

[1] Pronostic confirmé et ne cessant de l’être.
[2] La récente réforme du cursus universitaire est conforme à cette préconisation.
[3] Réalisée.
[4] Idem
[5] Proposition mise en œuvre. Cette idée n’est pas nôtre. Nous avons copié l’organisation du système universitaire français et d’autres systèmes. C’est là une exception. Toutes les idées et propositions avancées antérieurement n’ont été inspirées que par notre méditation ou notre expérience vécue en Mauritanie.

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