jeudi 29 janvier 2015

lettre au roi de Jordanie - le remercier pour avoir marché avec les Français le 11 janvier dernier



Sire,

veuille Votre Majesté accueillir ces quelques mots que je Lui adresse – selon la pensée et le cœur de beaucoup de Français de toutes religions et confessions – pour Sa participation à notre marche nationale, le 11 Janvier dernier, à Paris, aux côtés notamment du président de la République française.

Cette présence d’un descendant du Prophète Mohamed, au 43ème degré, a été la plus éminente qui soit, et une preuve remarquable de la confiance de Votre peuple et de tant de croyants musulmans pour la France, telle qu’elle est et telle qu’elle se veut, pour elle-même et pour le monde entier.

Nous nous souvenons d’ailleurs aussi bien de l’estime et de l’amitié qu’avait le général de Gaulle pour Votre très noble et courageux Père, Sa Majesté le Roi Hussein, que de ce que nos propres rois conservaient avec fierté de leur lignage du Prophète par la reine Blanche de Castille, familialement unie aux souverains de Cordoue.

Nos parentés pour la défense de la liberté et de la démocratie doivent être de plus en plus fécondes dans le moment actuel que traversent, à grands risques et périls, mais ensemble l’Oumma et l’Union européenne. Les organisations mises sur pied à Barcelone pour notre partenariat euro-méditerranéen ne suffisent certainement plus. Le vrai règlement du conflit israëlo-palestinien passe – je le crois bien – par l’édification d’un Etat palestinien, unitaire, laïc parce que multiethnique et multiconfessionnel, Arabes et Juifs citoyens ensemble de cet Etat. Utopie ? aujourd’hui, mais nécessité pour toute suite et notamment pour que nous ayons ensemble, dans votre environnement et dans notre propre pays, raison des extrêmistes qui se réclament à tort de la religion. Daech et islamophobie s’appuient l’un l’autre.

Bien évidemment, nous refusons que Votre geste du 11 Janvier fasse ensuite de Votre Majesté, ainsi que de Sa Majesté la Reine, ayant marché à Vos côtés avec nous, des otages de certaines de nos maladresses ensuite.

Nous sommes beaucoup à regretter que le président de la République française ne soit pas allé aussi sinon d’abord, à la suite de l’attentat du 7 – antérieur à celui perpétré dans un commerce à enseigne juive – dans une ou l’autre mosquée française, de préférence d’ailleurs dans ces « quartiers » où la religion risque d’être mal comprise. Le président Hollande certainement fera ce geste de solidarité reconnaissante pour Votre Majesté et pour nos compatriotes Français musulmans. Beaucoup aussi à regreetter que nos gouvernants n’aient pas simplement gardé le silence pour manifester leur compréhension des indignations publiques dans le monde arabe et dans le monde musulman, jusques chez Vous, à la suite d’un nouveau numéro, maladroit, des rescapés de Charlie-Hebdo.

Pardonnez-le nous. Vous nous connaissez assez pour savoir que ce n’est pas notre fond et que notre laïcité et notre respect des droits de l’homme sont l’espace mental pour la dignité de chacun, chez nous et au dehors, et notamment la liberté de chacun de choisir, de cultiver et d’instruire en profondeur et en vérité sa foi religieuse. Nous avons d’ailleurs dans l’Eglise catholique nos propres talibans et djihadistes.

L’amitié que Votre Majesté a bien voulu nous redire le 11 Janvier dernier de la place de la République à celle de la Nation, chez nous, à Paris, est bien le gage qu’ensemble nous récusons ces extrêmistes et ces faussaires d’un faux dieu, celui de la haine.

Mon admiration pour la nation arabe et pour l’Islam me viennent d’un service national à mes vingt ans, en République Islamique de Mauritanie. J’y ai – de 1965 à sa mort – recu l’honneur et le bonheur dont m’ont gratifié la confiance et l’affection du président-fondateur Moktar Ould Daddah. Et je sais qu’il y a entre la culture profane et religieuse de Votre pays et du pays de Chinguit, de très vivantes parentés. Pays de Chinguit qui m’a si bien reçu depuis cinquante ans et tant apporté, que je le considère comme une seconde patrie par adoption.

Mes parents, dans les années 1930, depuis Le Caire où ils résidaient alors et où est né l’ainé de mes frères, ont souvent parcouru avec passion Votre Royaume./.

Veuillez agréer, Sire, l’hommage de ma grande admiration et de ma reconnaissance.


 à la très haute attention de Sa Majesté le Roi Abdallah II de Jordanie

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