vendredi 26 décembre 2014

ce que je pense


début de soirée du vendredi 26 Décembre 2014

Pour y échapper – à la mort politique, et peut-être physique, « la balle amie » d’Octobre 2012 – Mohamed Ould Abdel Aziz amène la Mauritanie à ce qu’elle n’a jamais été : le Nigeria, l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie de l’Etat soi-disant islamique…  C’est un mécanisme qui une fois remonté, tendu, ne se laisse plus maîtrise. Déjà au début de l’année, il y eut ces appels au lynchage des blasphémateurs. Le Prophète comme le Christ,comme tout prophète de tous temps et de toutes civilisations, point n’est besoin d’y mettre foi et dogme, « révélation » quelconque, ont subi ces hurlements de foule se déguisant en piété pour assassiner collectivement.

Mohamed Khouna Ould Haïdalla, en Décembre 1984, payait sans doute aussi les exécutions par mutilations, selon la charia…  en début de règne. Moktar Ould Daddah, certainement ni sanguinaire ni simpliste ni inculte, en voulant achever la « mauritanisation » du droit et l’unifier, fut mis en minorité au Bureau politique national au début de Juillet 1978 et l'organisation de la Jeunesse du Parti communiqua même contre cette éventuelle novation - confusion d'ailleurs sur ces derniers jours car l'information, y compris de source diplomatique, est contradictoire, des discours même sont "prêtés" au Président dont il saute aux yeux à les lire, qu'il ne peut les avoir prononcés. Les racines religieuses d’un pays, le christianisme en France et en Europe, l’Islam en Mauritanie ne sont pas du droit positif mais une exigence intérieure et morale propre à chacun. La laïcité n’est pas la négation ni de la foi des uns ni de l’authenticité d’une fondation, ni des convictions et des souhaits de mutuelle compréhension des autres, elle me paraît même ne pas contredire le beau titre mauritanien de République Islamique. Religion et tolérance vont ensemble. Dieu tolère notre péché pour nous en racheter et nous sauver. Lui seul juge et purifie, pas la meute, pas des juges. On ne tue pas pour un écrit. La France sait ce genre de crimes collectifs, soi-disant patriotiques : l’exécution de Robert Brasillach en Février 1945. Et il y eut la retentissante affaire du chevalier de La Barre, à la fin du règne de Louis XV : Voltaire alors préfigura la politique religieuse de la Révolution, et si Louis XVI fut renversé et exécuté, ce n’était pas pour « intelligence avec l’ennemi » (les papiers contenus dans l’armoire de fer, dont j’ai copié beaucoup à la main, il y a vingt-cinq ans), c’est pour son refus de signer des décrets attentant selon lui au clergé catholique. On était passé d’un excès à un autre, on tua deux justes, un aristocrate libre-penseur, un des souverains le plus éclairés et de grande bonté personnelle qu’ait jamais eus la France. La Mauritanie ne peut se reconnaître dans la « condamnation » d’avant-hier. Elle ne peut non plus, pour la pureté et la sincérité humaniste de sa conviction musulmane, éluder la question du condamné : sur quoi donc fonder l’esclavage et l’injustice ? de quel droit vous abritez-vous par la religion ?

Il se peut que ces débats longtemps politiques, devenus sociaux depuis six ans et tournant au religieux à présent, entament une marche sensationnelle et exemplaire en Mauritanie : la maturité d’une nation acceptant et finalement aimant et cultivant la diversité de ce qui la compose ethniquement et socialement, la maturité faisant lire les écritures saintes dans la prière et non dans des simplismes incultes et anacrhoniques. Une dictature malhonnête donnerait à un peuple qui la subit ou l’ignore, peur et mépris également contestataires, cette lucidité qui fait avancer l’Histoire.

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