vendredi 1 août 2014

lettre ouverte d'un Congolais au président Obama, dans la perspective du sommet Etats-Unis Afrique




 Mouvement pour l’Unité et
le Développement du Congo
M.U.D.C
*******
Le Secrétaire Général

190B, rue des Landes
78400 Chatou
France
Monsieur OBAMA Barack Hussein, Président des Etats Unis d’Amérique,
1600 Pennsylvania, Ave NW Washington, DC 20500

Paris, le 30 juillet 2014


Objet : Avez-vous bien compris le rôle historique qui vous
attend pour que les choses changent en Afrique ?

Monsieur le Président,

Les 5 et 6 août prochains, vous allez accueillir, à Washington, les chefs d’Etat africains à l’occasion du premier sommet Etats Unis / Afrique. Il s’agit d’un grand moment historique, qui ouvre une nouvelle ère dans les relations entre les Etats Unis d’Amérique et l’Afrique. Mais c’est surtout pour nous, Jeunes et Démocrates Africains, l’opportunité de vous poser cette question fondamentale : Avez-vous bien compris le rôle historique qui vous attend pour que les choses changent en Afrique ?

Cette question devrait interpeller votre conscience, en tant que démocrate mais aussi en tant que le fils de votre père, Barack OBAMA Sr, qui s’était beaucoup battu en son temps pour cette problématique cruciale de la démocratie dans son pays, le Kenya. Aujourd’hui vous êtes face à l’Histoire et c’est tous les peuples opprimés d’Afrique qui ont placé leurs espoirs en vous et qui attendent de ce sommet des mesures concrètes et non pas de simples postures diplomatiques sur cette problématique cruciale de la Démocratie et du respect des Constitutions en Afrique. Ce sommet USA / Afrique est le sommet de tous les espoirs et c’est tout un continent qui retient son souffle et attend ses conclusions. Ne les décevez pas.

Aussi, compte tenu de l’importance et du caractère historique de ce sommet, et pour que chacun prenne bien conscience des enjeux historiques qui se jouent actuellement sur le continent africain, nous avons pensé qu’il était de notre devoir de vous apporter un certain éclairage, en mettant en exergue quelques éléments d’appréciation avant la tenue de cette rencontre tant attendue de Washington.

Vous avez dit, à Accra, au Ghana, que l’Afrique a besoin d’institutions fortes et non d’hommes forts, et parmi les Institutions fortes, il y a la Constitution. Pourtant, comme vous le savez, ils sont un certain nombre de chefs d’Etat africains qui sont concernés par la limitation du nombre de mandats et qui sont tentés par des modifications constitutionnelles. Nous pouvons citer, pêle-mêle : le Béninois Thomas Boni YAYI, le Burkinabè Blaise COMPAORE, les Congolais Denis SASSOU N’GUESSO (Congo Brazzaville) et Joseph KABILA (République Démocratique du Congo), le Rwandais Paul KAGAME, etc.
Parmi eux, certains affichent à leur compteur 27 voire 30 années d’exercice de pouvoir sans partage, une longévité au pouvoir hors norme. Et d’ailleurs, nous ne vous apprendrons rien si nous vous disons que Denis SASSOU N’GUESSO par exemple, qui est aujourd’hui âgé de 72 ans dont la moitié passée au pouvoir, était déjà Président, en 1979, quand vous n’étiez vous-même encore qu’un jeune garçon de 18 ans, loin, très loin même, d’imaginer que vous deviendriez un jour le premier Président Noir des Etats Unis d’Amérique.

Nul doute qu’ils seront tous présents à Washington les 5 et 6 août. Ils vous écouteront sagement mais au final, ils vous rétorqueront que chaque Etat est souverain et que par conséquent, ce qui est important, c’est ce que pense le peuple.

Leur stratégie est simple et c’est une stratégie commune. Il s’agit d’utiliser l’arme constitutionnelle du référendum pour abroger le verrou constitutionnel de la limitation du nombre de mandats. Nul besoin donc de s’appeler Cassandre ou Protée pour deviner qu’ils se concertent régulièrement et en parlent entre eux. De toute façon en Afrique c’est bien connu, dès qu’un chef d’Etat ouvre la marche, tous les autres suivent comme par reflexe. C’est un vrai club d’amis et ils agissent par mimétisme.

Le principal argument avancé pour défendre leur projet de référendum sur la modification ou le changement de Constitution, c’est de dire que le peuple est souverain et c’est à lui de décider. Or, cela suppose que le vote soit totalement libre, honnête et transparent ; ce qui, chacun conviendra, est très loin d’être le cas dans tous ces pays aujourd’hui. Il s’agirait en réalité d’organiser de pseudo-référendums en trompe-l’oeil pour masquer leur passage en force. Et d’ailleurs, ils disent tous, « je vais gagner car le peuple est avec moi ».

Et puisque leurs peuples sont avec eux, seraient-ils donc prêts à accepter que, dans un souci d’équité, de sincérité et de transparence, le référendum que chacun d’eux appelle de ses voeux soit organisé, en amont et en aval, par un organe véritablement indépendant, sous le contrôle strict et la supervision totale des Nations-Unies ? Si tel n’est pas le cas, il s’agit donc bien là d’un argument purement fallacieux. En vérité, chacun sait que s’ils envisagent tous d’organiser des référendums pour abroger le verrou constitutionnel sur la limitation du nombre de mandats destiné à limiter la durée de vie au pouvoir de chefs d’Etat, c’est tout simplement parce qu’ils savent qu’ils vont en truquer les résultats.

Quant à l’idée selon laquelle la limitation du nombre de mandats serait anti-démocratique, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne tient pas la route non plus car cela reviendrait à mettre en question la réalité même de la démocratie aux Etats Unis, qui est la plus grande démocratie du monde, et où la limitation, au nombre de deux maximum, des mandats présidentiels est pourtant la règle admise par tous et incontestée.

C’est autant dire que le véritable enjeu est là. Il faut donc à tout prix maintenir ce verrou constitutionnel sur la limitation du nombre de mandats, seul gage de l’alternance à la tête de l’Etat dans ces pays où l’histoire des élections prouve à chaque scrutin que les gens ne peuvent pas faire leur choix librement et en toute sincérité.

L’autre argument tout aussi fallacieux qui est également avancé c’est de dire que ces chefs d’Etat sont indispensables notamment pour la paix et la stabilité de leur pays mais aussi plus généralement pour le reste du continent. Véritables artisans infatigables de paix dans l’espace continental, que deviendrait donc l’Afrique sans eux ?

Ce genre d’argument montre à quel point ces chefs d’Etat manquent cruellement de sagesse et d’humilité. Ils se considèrent comme étant irremplaçables. C’est à se demander qu’en serait-il advenu du peuple de l’Inde sans le Grand GANDHI, du peule Noir-Américain sans le Grand Martin LUTER KING ou du peuple Sud-Africain sans le Grand Nelson MANDELA ? C’est dire que notre Humanité a connu bien de Grands Hommes d’exception mais qui pourtant ont bien fini tous par partir un jour sans pour autant que cela n’interrompe la marche de l’Humanité. Nul n’est éternel et il faudra donc bien partir un jour. Ainsi va le cycle de la vie.

On voit bien qu’il s’agit là encore d’une insulte à l’intelligence collective des peuples africains. La vraie question ne serait-elle pas de savoir si ces chefs d’Etat qui passent pour d’incontournables négociateurs, médiateurs et pacificateurs, souvent autoproclamés, de la plupart des conflits sociopolitiques sur le continent et qui en ont fait leur assurance-vie et leur fonds de commerce pour se rendre indispensables, notamment aux yeux de la France, ne seraient-ils pas tout simplement de véritables « pompiers pyromanes » ? Et puis, faudrait-il croire par ailleurs en l’existence d’une corrélation intrinsèque entre le fait d’être un grand négociateur, un médiateur et un pacificateur des conflits sociopolitiques et le fait d’être chef de l’Etat, en ce sens que l’un n’irait pas sans l’autre ?

Si l’on s’intéresse d’un peu plus près au cas particulier de Denis SASSOU N’GUESSO, l’homme qui fait feu de tout bois, médiateur autoproclamé dans les crises sociopolitiques en Centrafrique et en République Démocratique du Congo, qui, selon sa propagande officielle, serait devenu semble-t-il l’infatigable et l’incontournable artisan de la paix dans cette partie du continent, eh bien, hormis la fanfaronnade et le spectacle qu’il fait en organisant chez lui, à Oyo ou à Brazzaville, des rencontres à coups de millions de pétrodollars dont son peuple est privé, est-ce qu’il peut énumérer les francs succès qu’il aurait déjà obtenus dans le cadre de ces médiations et qui pourraient par conséquent être unanimement reconnus et salués par l’ensemble de la communauté africaine et internationale ?

Quant à l’argument qui consisterait à faire croire au monde entier que ces chefs d’Etat seraient les seuls hommes forts capables de garantir la stabilité dans leur pays, il faut tout simplement souligner que la véritable stabilité d’un Etat ce sont des Institutions fortes, l’indépendance de la justice et le respect du droit et de la Constitution. Ceux qui oppriment leur peuple, qui privent leur peuple de liberté et musellent leur peuple, sont ni plus ni moins que des dictateurs et certainement pas des garants de la paix et de la stabilité.

Un argument qui est également utilisé par ces chefs d’Etat africains pour justifier les bilans de leurs longs règnes à la tête de leur pays, qui sont largement négatifs à tout point de vue, c’est de dire qu’on a trop tendance à appliquer un peu facilement à l’Afrique les concepts occidentaux de gouvernance et de démocratie. Selon eux, être à la tête d’Etats africains, cela n’a rien à avoir avec être Président de la France ou des Etats Unis.

Il s’agit là encore, d’une insulte inacceptable faite à l’Afrique et aux Africains. Car cela reviendrait à dire que les pays et les peuples d’Afrique seraient un monde à part. De quoi accréditer cette théorie méprisante et insultante chère à l’ancien Président français Nicolas SARKOZY selon laquelle l’Homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire, ou donner raison à un autre ancien Président français, Jacques CHIRAC, lequel affirmait que l’Afrique n’est pas prête pour la démocratie. C’est dire combien de telles assertions émanant de surcroit de chefs d’Etat africains, dans ce monde mondialisé et interconnecté du 21ème siècle, sont tout simplement insultantes et inacceptables. Cela ne peut que témoigner de l’indignité de ces chefs d’Etat.

Pire, alors qu’ils ont déjà passé 10, 15, 20, 25 voire 30 ans au pouvoir, ils disent tous qu’ils ont encore besoin de plus de temps pour obtenir des résultats.

Par exemple, à 72 ans dont la moitié passée à la tête d’un petit pays riche en pétrole, avec une faible population d’à peine 3,5 millions d’habitants, Denis SASSOU N’GUESSO ne se gêne guère de dire haut et fort, au mépris total du principe élémentaire de la continuité de l’Etat, qu’il a besoin de plus de temps pour mener jusqu’à leur terme les « grands travaux » d’infrastructures qu’il aurait engagés et qui feraient, selon lui, du Congo un pays émergent en 2025. Autrement dit, il ne veut pas quitter le pouvoir avant 2025, au moins.

Or, tous les Congolais savent que Denis SASSOU N’GUESSO est le seul Président du Congo qui a eu et l’argent et le temps et la stabilité politique qui auraient pu lui permettre de faire beaucoup de choses pour ce pays mais il n’a rien fait.

Faudrait-il lui rappeler que la production pétrolière journalière du Congo s’élève à pas moins de 300 000 barils/jour et le prix du baril de pétrole est en moyenne de 100 dollars depuis 2008, avec des pics allant jusqu’à 150 dollars/baril ? Et qu’a-t-il donc fait de toute cette manne pétrolière pendant toutes ces années ?

En 30 ans de pouvoir sans partage et couronnés de booms pétroliers ayant généré des flux financières colossaux dans le pays, est-il parvenu à améliorer significativement le niveau de vie des Congolais ? Eh bien, pas du tout. Et pour cause, dans son rapport 2014, la Banque Mondiale note que la moitié des Congolais vivent toujours sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1 dollar US par jour et le Congo est classé 136ème sur 182 à l’Indicateur de développement humain (IDH) du PNUD. Et que dire de la situation sanitaire du pays, de l’école, de la couverture du pays en électricité et en eau potable…

Quand il n’a pas servi à acheter des armes en Chine, en Russie ou en Corée du Nord (en violation de l’embargo international) destinées à massacrer le peuple en cas de révolte populaire, l’argent du pétrole congolais est utilisé à des fins purement personnelles de Denis SASSOU N’GUESSO et sa famille, qui le détournent et le placent dans leurs comptes bancaires privés, en Chine, au Maroc et dans des paradis fiscaux ; ou achètent des biens mobiliers et immobiliers de luxe en France (cf. Affaire des Biens Mal Acquis), à Dubaï et un peu partout ailleurs dans le monde ; ou organisent de somptueuses fêtes d’anniversaires à Saint-Tropez ou encore de pseudo-forums à Brazzaville, qui ne sont en réalité que des opérations de communication à la gloire de Denis SASSOU N’GUESSO lui-même, à l’instar des forums Build Africa et du fameux Forbes Africa.
Ces messes à sa gloire sont des moments qu’il affectionne particulièrement car cela lui permet surtout d’affirmer sa grandeur et d’afficher ostensiblement sa puissance financière devant des personnalités venues du monde entier et qui pour la plupart sont devenues ses obligés, et dont il ne boude même plus son plaisir de les voir à ses pieds et de les cadeauter à sa guise. C’est le cas notamment de l’ancien Président français Nicolas SARKOZY, lequel rêve pourtant de retrouver son fauteuil présidentiel en 2017 mais qui n’a pas hésité le moins du monde d’interrompre ses vacances, le 25 juillet, pour aller faire honneur au tout puissant Denis SASSOU N’GUESSO en échange de 100 000 euros. Et avant lui, le désormais ex-président de l’UMP, Jean-François COPE, s’était lui aussi plié à cet exercice, en 2013, et avait empoché 30 000 euros. Denis SASSOU N’GUESSO est donc devenu le maître du jeu. Pas sûr que si Nicolas SARKOZY redevenait Président de la France, il ait encore le courage de monter sur ses grands chevaux face à ce dernier.

Et, pendant que Denis SASSOU N’GUESSO s’amuse et dépense sans compter l’argent du pétrole congolais, les Congolais eux, broient du noir. A titre d’exemple, plus de deux ans après la catastrophe des explosions d’armes de guerre du 4 mars 2012, les milliers de sinistrés vivent toujours dans des abris de fortune et ne sont toujours pas indemnisés, tout comme les parents des victimes de cette catastrophe. Idem pour d’anciens salariés des entreprises étatiques ou multinationales qui ont été dissoutes (Office National des Postes et Télécommunications, Banque Commerciale du Congo, Compagnie Minière de Logoué, AIR AFRIQUE…). Le chômage est endémique et dépasse les 30% au niveau national, plus de 48% des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique…

Bref, partout dans le pays la situation devient intenable et le ressentissement est grandissant, à cause notamment de toutes ses frasques financières et de son mépris évident pour le peuple. Pourtant, Denis SASSOU N’GUESSO continue d’affirmer, avec le cynisme quasi-diabolique qu’on lui connaît, que s’il veut modifier ou changer la Constitution c’est parce que le peuple le réclame. Qui peut croire à cela surtout quand on sait que dans l’histoire de ce pays, d’autres Présidents avant lui comme Fulbert YOULOU ou Joachin YHOMBI-OPANGAULT ont été vilipendés pour avoir été accusés, à tort ou à raison, de détournement des deniers publics ? Comme tout le monde entier, tous les Congolais connaissent l’affaire des Biens Mal Acquis et l’affaire des 350 Disparus du Beach ; quel peuple au monde voudrait avoir à la tête de son pays des dirigeants véreux, qui le tuent et qui détournent à grande échelle l’argent public ?

A la lumière de ce qui précède, chacun peut comprendre aisément ce qui anime réellement Denis SASSOU N’GUESSO dans sa volonté de vouloir modifier ou changer la Constitution et rester au pouvoir à vie : c’est tout simplement la volonté de s’accrocher à ses privilèges. A moins qu’il ait tout simplement peur de se retrouver à la Cour Pénale Internationale pour crimes contre l’humanité (cf. Affaire des 350 Disparus du Beach dont l’instruction est toujours ouverte en France)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire