mercredi 13 août 2014

chronique d'Ould Kaïge - publié déjà dans le Calame . 9 Novembre 2010



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9 Novembre 1970 & 9 Novembre 2000

mort du général de Gaulle
&
arrestation pour « menées subversives »
de cinq dirigeants de l’UFD








Le 9 Novembre 1970, le général de Gaulle meurt subitement en début de soirée, chez lui, à Colombey-les-Deux-Eglises. Il a quitté le pouvoir dix-huit mois auparavant, au soir d’un referendum négatif, et allait avoir quatre-vingt ans. Le premier tome de ses Mémoires d’espoir venait de paraître. Le président Moktar Ould Daddah télégraphie aussitôt à son homologue français, alors Georges Pompidou : « De Gaulle aura été et demeurera l'un des plus illustres hommes d'Etat de l'histoire contemporaine dont il a marqué le déroulement d'une façon assurément exceptionnelle (...) L'illustration la plus vivante de cette œuvre capitale reste incontestablement son action, d'une hauteur de vues, d'une lucidité et d'un courage exemplaires, dans le domaine de la décolonisation et dans l'instauration d'une amitié renouvelée et plus solide entre la  France et le Tiers-Monde dont il a compris et servi remarquablement les profondes aspirations. » Le 12, le chef de l’Etat assiste au service à Notre-Dame de Paris et il se recueille le lendemain devant la tombe de l’homme du 18-Juin.





Le 9 Novembre 2000, cinq dirigeants de l’U.F.D. [1] : Ahmed Ould Lefdal, Mohamed Ould Haroune, Ahmed Ould Bah et Sidi Ould Salem, ainsi que d’Ahmed Ould Wdiaâ, directeur du journal Raya (islamiste), sont arrêtés pour « menées subversives ». Tout juste un mois plus tard, le 9 Décembre, à sa descente d’avion retour de France, à une heure du matin, Ahmed Ould Daddah est arrêté : « il répondra de certaines rencontres qu’il a eues à Paris avec des éléments terroristes ». En même temps, la garde à vue des dix jeunes présumés membres de l’organisation clandestine Conscience et résistance, est prolongée pour un mois.

C’est sa troisième arrestation en deux ans… Arrêté le 13 Décembre 1998 et détenu à Boumdeid pour avoir porté atteinte « aux intérêts du pays et à son image à travers des accusations non fondées », concernant un accord conclu entre la Mauritanie et Israël pour l’enfouissement des déchets de provenant de la centrale nucléaire de Dimona, dans le sol mauritanien  [2] –, il avait été libéré le 17 Janvier 1999 pour être finalement acquitté le 30 Mars 1999 par le tribunal correctionnel de Nouakchott, en même temps que Mohameden Ould Babah. Le 24 Avril 2000, il avait été de nouveau arrêté. Il est devenu « l’opposant historique » à Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, puisqu’il n’a jamais été son ministre, au contraire de beaucoup qui s’en sont ensuite séparés. Accusé d’« incitation à la violence » après voir appelé à la tenue d’une manifestation pacifique de grande ampleur pour protester contre l’absence d’Etat de droit et réclamer des enquêtes sur les assassinats politiques, disparitions et actes de torture depuis la fin des années 1980. On l’avait relâché le 29 Avril, sans inculpation.

Le président régnant – depuis une révolution de palais le 12 Décembre 1984 (Le Calame du 12 Décembre 2007 – chronique anniversaire du 12-12), davantage que depuis deux élections à la tête de l’Etat en 1992 et en 1997, chacune contestée [3] – vient de remanier, à la fin de l’hivernage, son gouvernement : le 12 Septembre 2000. Cheikh El Avia Ould Mohamed Khouna est resté Premier ministre, la propre fille du colonel Mustapha Ould Mohamed Saleck, le premier des présidents putschistes en 1978, est entrée au gouvernement (Fatimetou Mint Mohamed Saleck). Pour fraudes et irrégularités au sein du système éducatif, Sghaïr Ould M’Bareck, ministre de l’Education nationale est limogé dans les huit jours, remplacé par Sid’El Moktar Ould Nagi, ancien ministre du Plan. C’est le début d’une « purge » à l’Education nationale : le 28 Septembre, les sept plus hauts fonctionnaires sont à leur tour limogés.

Dans cette ambiance tendue, l’attaché militaire français est expulsé au prétexte qu’il préparait l’assassinat du chef de l’Etat avec la complicité d’opposants installés à Paris ( !) [4]. Le commandant Saleh Ould Hanena, commandant le bataillon des blindés, est radié pour avoir critiqué, en caserne, l’établissement des relations diplomatiques avec Israël. Or, le conflit israëlo-palestinien est juste en train de rebondir. Le 6 Octobre, des manifestations non autorisées ont lieu à Nouakchott contre les relations nouées avec Israël. En tête des cortèges, plusieurs dirigeants de l’U.F.D. (Union des Forces démocratiques) : ils sont arrêtés et l’amalgame est fait avec l’organisation islamiste clandestine Hassem. Les manifestations reprennent, relayées par l’Alliance populaire progressiste, étiquetée « pro-nassérienne », que préside Messaoud Ould Boulkheir. Pour donner le change, le parti dominant, le P.R.D.S. [5] organise une marche de soutien au peuple palestinien, le 14 Octobre : elle réunit entre dix et quinze mille manifestants. Mais la cible est autre : le 28, le gouvernement dissout l’U.F.D. pour « incitation à la violence » alors qu’Ahmed Ould Daddah, son président, est à l’extérieur du pays. Le 31, le Front des partis d’opposition (F.P.O.) décide en réplique de rompre tout contact avec le gouvernement, appelle à un arrêt de travail de quarante-huit heures et met ses moyens à la disposition de l’U.F.D., légalement réduit à la clandestinité. Le 1er Novembre, nouvelle manifesation hostile aux relations avec Israël : arrestations brutales de Mohamed Ould Maouloud, Cheikh Ould Sidaty et Mohameden Ould Babah, chacun représentant l’un des principaux mouvements d’opposition. Des élèves du secondaire manifestent à leur tour : répression brutale, le 4, à Noukchott. Au terminus de l’autobus circulant du dispensaire polyclinique à Teyarett, Aminetou Mint Eleyat trouve la mort par gaz lacrimogènes (que Dieu ait son âme). Les arrestations qui suivent, frappent surtout l’U.F.D. et, pour contourner l’interdit et la dissolution du parti, une de ses branches, dirigée par Mohamed Ould Mouloud, décide – le 12 Novembre – de changer son nom en Union des Forces du Progrès (U.F.P.). Le lendemain, huit de ses militantes sont arrêtées.

Comme il ne saura plus le faire ensuite, Maaouyia Ould Sud’Ahmed Taya comprend qu’il lui faut « lâcher du lest » ; il réédite la manœuvre de 1986 et de 1991, la démocratie réintroduite sans bilan du passé et unilatéralement. Pour le quarantième anniversaire de l’indépendance, il annonce, le 27 Novembre, une réforme des lois relatives à l’élection des députés et des sénateurs : «  une dose de proportionnelle qui permette une plus grande participation des différents acteurs politiques ». Le Front des partis d’opposition (F.P.O.) juge « recevable » le projet et la toute nouvelle U.F.P. estime que se referme «  le chapitre des répressions et de rupture qui ont marqué ces dernières semaines ». Le 13 Décembre, le ministre de la. Communication, Rachid Ould Saleh, annonce des élections municipales anticipées (au lieu de leur tenue régulière en Janvier 2003) pour coincider en Octobre 2001 avec les élections législatives. La « dose » de représentation proportionnelle pour l’élection des députés n’est introduite qu’à Nouakchott, à Nouadhibou et à Sélibaby, soit pour 17 sièges sur les 91 composant l’Assemblée nationale, celle-ci élue en un seul tour de scrutin. Pour les sénatoriales, la proportionnelle est établie seulement à Nouakchott (trois circonscriptions de 3 sièges chacune) et toujours pour un seul tour de scrutin. Surtout, des facilités nouvelles sont accordées aux partis : réduction de 60% de la caution financière, abaissement de 10 % à 5% des suffrages exprimés du seuil de remboursement des cautions, financement forfaitaire des mouvements politiques même à faible représentativité (1% au plan national dans les élections municipales). Le 3 Janvier 2001, le Parlement adopte les lois portant réforme électorale. La détention d’Ahmed Ould Daddah donne son sens à celle-ci… le 9 Janvier, il est ramené à Nouakchott, de Tichitt où il était emprisonné depuis un mois, sans la moindre explication ou comparution.

L’arrestation, le 8 Avril 2001, de Chbih Ould Cheikh Ma El-Aïnin, ancien ministre de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya et ancien candidat à l’élection présidentielle de 1997 contre lui, fait diversion : le chef du Front populaire est accusé – lui aussi – de sédition et son procès s’ouvre le 7 Juin, à Aïoun el Atrouss, presqu’au lendemain de la visite officielle en Israël du ministre des Affaires étrangères, Dah Ould Abdi. De son côté, Ahmed Ould Daddah continue de contester la décision de dissolution de l’U.F.D. mais une solution autant juridique que politique est trouvée : créer un Rassemblement des forces démocratiques : le R.F.D., succédant de fait à l’U.F.D. que dirigera un bureau exécutif de huit membres tous issus de l’U.F.D. mais sans qu’Ahmed Ould Daddah en fasse partie. A peu près au même moment, le 10 Juillet, Azeddine Ould Daddah confirme le retour de son père au pays. Cinq semaines auparavant, le ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine était venu à Nouakchott recommander le dialogue qui «  doit être constamment entretenu »…





[1] - l’Union des forces démocratiques (U.F.D.) avait succédé à l’automne de 1991 au Front démocratique uni des forces du changement, suscité au printemps par l’annonce d’une démocratisation du régime militaire en place depuis le 10 Juillet 1978. Quatre personnalités l’avaient d’abord dirigée : Hadrami Ould Khattri,  Mohameden Ould Babah, Amadou Mamadou Diop qui avaient été ministres de Moktar Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir ancien ministre de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya. Ahmed Ould Daddah ne s’était imposé qu’en tant que candidat libre mais soutenu par ceux-mêmes des mouvements politiques qui avaient d’abord décidé par principe le boycott du scrutin présidentiel. Celui-ci – intervenu le 24 Janvier 1992 – sera contesté autrement, peut-être même par la défaite du président du Comité militaire : les résultats officiels afficheront le contraire. Aussi, le jour de l’installation du Président de la République – le 18 Avril 1992 – , Ahmed Ould Daddah, présenté comme le « coordonnateur de l’opposition » dénonce en conférence de oresse un « régime sanguinaire et déstabilisateur ». Le compétiteur ne peut qu’être élu – le 15 Juin – à l’unanimité président d’une nouvelle UFD par le conseil national provisoire réuni à Nouakchott. Celle-ci est devenue, le 25 Mai, à l’initiative de Mohameden Ould Babah, premier coordinateur de l’UFD,  l’Union des Forces démocratiques UFD-Ere nouvelle et ses instances dirigeantes se sont élargies à l’entourage d’Ahmed Ould Daddah. Une longue histoire commence… celle des oppositions – toujours dirigées par les mêmes personnalités s’entendant puis se concurrençant – aux dictatures militaires successives, légitimées par l’habit civil et des scrutins périodiques.

[2] - informations publiées par le quotidien marocain Al Mounaddama, proche de l’extrême gauche

[3] - le 24 Janvier 1992, il recueille dès le premier tour 62,8% des voix contre 32,9% à Ahmed Ould Daddah, les abstentions estimées à 50% - il remporte l’élection suivante boycottée par le Front des oppositions, obtenant le 12 Décembre 1997, 90% des voix contre 7% à Mohamed Lemine Chbih Ould Cheikh Ma El-Ainin, ancien ministre du Plan, puis du Développement rural  que soutiennent en sous-main Messaoud Ould Boulkheir et Mohameden Ould Babah ; les abstentions sont alors estimées à 75%  

[4] - en fait, il s’agit pour le président régnant de répliquer à la mise en examen, le 2 Juillet 1999, du capitaine Ely Ould Dah, alors que celui-ci effectuait un stage au 81ème RI de Montpellier. Il est accusé d’avoir torturé, dans la prison de Jreïda en 1990 et 1991, deux ex-officiers Mamadou Diagana et Ousmane Dia. Le colonel Baby Ould Housseinou, attaché militaire à Paris, avait alors démissionné. Le parquet, sur pression du Quai d’Orsay, avait obtenu le 28 Septembre 1999, que la chambre d’accusation de Montpellier remette le tortionnaire en liberté mais sous contrôle judiciaire, après deux mois de détention ; l’officier avait ensuite disparu, non sans complicités

[5] -  fondé en Septembre 1991 pour soutenir la candidature présidentielle de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya à la première élection censément démocratique, le Parti républicain démocratique et social (P.R.D.S.), initialement dirigé par l’ancien ministre Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba, avec le titre de « coordinateur » d’une commission de seize membres – revendique aussitôt 3 à 500.000 adhérents … Il est le seul à diposer directement d’un journal Al Joumhouriya …


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