mardi 8 juillet 2014

chronique d'Ould Kaïge - déjà publié par Le Calame . 6 Janvier 2009


41 .





12 Janvier 1965 & 2 Janvier 1996

Constitutionnalisation du Parti du Peuple Mauritanien
&
Limogeage de Sidi Mohamed Ould Boubacar,
Premier ministre




A trente ans de de distance, un régime est consacré par les textes et un autre fournit une interprétation particulière des textes qui l’ont fondé.

Le 12 Janvier 1965, à l’unanimité des 23 présents, l’Assemblée Nationale révise l’article 9 de la Constitution qui reconnaît désormais le Parti du Peuple Mauritanien comme le parti unique de l’Etat. Elle adopte aussi le projet de loi relatif à l’élection des députés, dont l’article 17 dispose que « seul le P.P.M. peut présenter des candidats ». Le 9, la commission de l’Intérieur et de la Législation avait adopté sans modification les deux projets gouvernementaux de révision de l’article 9 de la Constitution ainsi que le projet de loi donnant au P.P.M. le monopole de présentation des candidats à la députation.

L’inscription dans la Constitution du monopole du parti né de la fusion des mouvements existant lors de la proclamation de l’indépendance, n’était nullement dans les projets de qui que ce soit en Mauritanie. Elle n’a pas été débattue au congrès de Kaédi, l’année précédente, alors même que l’objet de celui-ci était d’examiner les moyens de sortir d’une impasse – en droit constitutionnel : le refus de l’Assemblée nationale de respecter les décisions d’un congrès du Parti. Ce qui y avait été décidé concernait le mode d’élection des députés sur une liste nationale et la signature d’une lettre de démission en blanc de tous les élus, y compris le Président de la République ! L’ambiance était consensuelle et les maux étaient principalement l’ « électoralisme », donc la concurrence pour les places offertes par le Parti [1]. La révolution de Kaédi, proposée le 28 Janvier 1964 par Moktar Ould Daddah, n’est pas constitutionnelle, elle est morale et politique.
« L’analyse que j’ai faite de l’électoralisme et de ses méfaits appelle la définition de remèdes radicaux, qui permettront d’assurer l’emprise du parti sur les élus à tous les échelons.
Je propose donc que nous décidions l’élection des députés sur une liste nationale et la gratuité du mandat parlementaire.
L’électoralisme, nous l’avons vu, s’explique par le prestige attaché à la fonction et par les moyens financiers qu’elle procure.
Le prestige est inhérent à la fonction élective. Il est normal qu’il subsiste, mais à condition d’être au service exclusif du parti et du pays et non plus au service de la famille, de la tribu ou de la région. Il faut rendre les députés à leur vocation véritable, qui est l’exercice du pouvoir législatif au service du pays au lieu de les laisser mener une politique de favoritisme et de clientèle personnelle.
En adoptant la liste nationale, comme l’ont fait la plupart des Etats africains, nous donnerons au député le sentiment d’être mandaté par le pays tout entier. L’élaboration de cette liste devra intervenir sur des bases démocratiques, en veillant à ne pas dénaturer le choix des militants. Les propositions devront intervenir au niveau de la section et non au niveau du cercle, afin d’éviter les manœuvres et les marchandages qui aboutissent parfois à la désignation de candidats qui ne sont pas véritablement représentatifs. Au B.P.N. incombera la responsabilité d’arrêter définitivement la liste nationale compte tenu du choix des sections. Il devra avoir la faculté de compléter et modifier si besoin est cette liste en y inscrivant tel candidat choisi en raison de capacités incontestables et de sa représentativité à l’échelon national.
Nous devons d’autre part nous entourer des garanties qui nous donneront la certitude que les élus seront fidèles au parti durant toute la législature. Nous savons trop en effet combien les engagements électoraux deviennent facilement lettre-morte aussitôt après le scrutin et en attendant l’élection suivante.
Tous les élus devraient donc remettre au parti leur démission en blanc. Je dis bien, tous les élus et non pas seulement les députés – tous les élus du conseil-1er rural ou municipal jusqu’au Président de la République.
Ainsi quiconque ne respecterait pas la ligne du parti ou ne serait pas digne du mandat reçu serait aussitôt démis par les instances supérieures du parti. »

C’est ce qu’entérinent les congressistes – dans leur « résolution sur le redressement » :
« Pour prévenir l’indiscipline le Congrès exige :
  1. – L’attachement inconditionnel aux principes et le respect des statuts et règlements intérieur du Parti.
  2. – L’exclusion immédiate de tout militant reconnu coupable de déviationnisme ou de travail fractionnel ou de sabotage des décisions du Parti.
  3. – La perte de son mandat électif, en plus de l’exclusion, pour tout élu du Parti se trouvant dans les conditions de culpabilité précitées. Ce qui implique le dépôt préalable par tous les candidats du Parti, d’une lettre de démission du Parti. »
La loi électorale du 9 Janvier 1965 découle donc directement des résolutions du congrès de l’année précédente : la démission en blanc, c’est-à-dire le contrôle du parti sur ses élus, n’auraient pas de sens si le parti n’avait pas le monopole électoral. Ce monopole allait de soi au début de 1964, mais plus depuis l’été.
La reconnaissance par l’Etat d’un seul parti, devenant « parti unique de l’Etat » selon la Constitution, est en effet circonstancielle. La prééminence du Parti sur l’Etat, pas tant pour la vie publique, que pour les processus de décision, était un fait depuis la mise en place des institutions de l’autonomie interne, au printemps de 1957 : le parti remportant les élections en 1957 s’était élargi à l’opposition par fusion volontaire (le congrès d’Aleg cf. Le Calame 6 Mai 2008 . chronique anniversaire des 2-5 Mai 1958) et cette formation, à son tour, victorieuse en 1959, avait fait de même en 1961 (le congrès de l’Unité (cf. Le Calame 26 Décembre 2007 . chronique anniversaire du 26 Décembre 1961). Et c’est ce parti – de fait unique – que l’administration de l’Etat aidait à s’implanter, parce qu’elle reconnaissait, d’ordre du Président de la République, secrétaire général de ce parti, qu’il n’y avait pas d’autre moyen pour faire participer les Mauritaniens aux décisions et à leur application, à la défense de l’intégrité et de l’unité nationales autant qu’au développement économique. Les résolutions de Kaédi entérinaient donc la pratique gouvernementale. « Résolution sur l’orientation » : « le Parti du Peuple doit continuer à jouer pleinement son rôle d’avant-garde du peuple Mauritanien, gage d’un avenir meilleur. … il s’assigne pour but de préserver l’unité politique réalisée et de défendre l’intégrité territoriale. (Le Congrès) insiste sur la prééminence du Parti sur tous les organes de l’Etat. » « Résolution sur le redressement » : le Congrès…  « décide de donner au P.P.M. son rôle primordial d’animateur et d’instrument essentiel de la construction Nationale. … S’agissant des fonctionnaires et agents de l’Etat, obligation leur sera faite de respecter les décisions du Parti et de concourir à leur application. »

Etait-il besoin de réviser la Constitution ? Oui, selon la Cour suprême.
Deux députés, à la suite du congrès de Kaédi, refusèrent de signer leur démission en blanc : Sidi El Moktar N’Diaye, le président de l’Assemblée territoriale puis nationale jusqu’à sa démission au printemps de 1961, lors de l’option pour un régime présidentiel, et Souleymane Ould Cheikh Sidya, président de l’Assemblée nationale en 1963 et principal fauteur du refus d’appliquer les décisions du Congrès ordinaire de cette année-là (cf. Le Calame 3 Octobre 2008 . chronique anniversaire des 1er-4 Octobre 1963). Tous deux sont imbibés du système parlementaire français. Le 28 Mars 1964, le Bureau Politique National exclut donc du Parti, Sidi el Moktar N’Diaye et Souleymane Ould Cheikh Sidya. Ceux-ci ne participent pas à la session extraordinaire de l’Assemblée Nationale (du 6 au 13 Avril) pour l’adoption législative des mesures décidées à Kaédi. Pour Moktar Ould Daddah, il faut « permettre au Parti de remplir pleinement le rôle qui lui incombe dans la construction nationale… éviter le retour des erreurs anciennes en éliminant les causes qui les ont engendrées », à quoi répond Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf, ancien ministre de la Justice : « pour le moment nous n’avons pas de système défini : tout ce que l’on peut constater, c’est que l’on a déséquilibré le système que nous avions adopté », ce qui est vrai. Il est alors entendu que la révision constitutionnelle par les 2/3 des membres de l’Assemblée se fera en comptant seulement les membres effectifs, et que les députés seront désormais élus sur une liste nationale unique. En échange, le mandat des élus de 1959 est prolongé sine die.  
Le 2 Août, Sidi el Moktar N’Diaye, Souleymane Ould Cheikh Sidya et Bouyagui Ould Abidine fonde le Front national démocratique. Dès le lendemain, le ministre de l’Intérieur prend un arrêté « déclarant illégal et portant dissolution du Front national démocratique… attendu que les termes employés par les membres fondateurs dans le préambule aux statuts présentent un caractère injurieux et diffamatoire, et sont de nature à jeter le trouble dans les esprits, à porter atteinte au crédit de l’Etat, à l’unité nationale et à l’effort de construction nationale du Gouvernement et comme tels contraires à l’esprit de la Constitution ». Le nouveau parti n’a pas vraiment un objet d’opposition [2] :  en « constatant les chaos sucessifs qui ont marqué la vie politique mauritanienne depuis la Table Ronde des partis et tendances en 1961, découvrant derrière les slogans de l’Indépendance, de l’Unité, de la construction nationale, la pérpétuation – sous le joug et au profit de quelques individus – de la misère du Peuple, la dispersion de ses efforts et la dilapidation de ses deniers », il est tout au plus critique, exactement comme l’était Moktar Ould Daddah devant la conférence nationale des cadres à Kaédi, au début de l’année.

Il s’agit en fait de tester la possibilité du multipartisme. Interdit le 3 Août, le Front fait place à un Parti Démocratique Mauritanien, le 9 : « Ce parti se fixe comme objectif essentiel de guider, organiser et mener rapidement le Peuple Mauritanien dans la voie de la libération économique, culturelle et sociale dans une Afrique libre et indépendante. » Le 10 Août 1964, le ministère de l’Intérieur (Baham Ould Mohamed Laghdaf, ministre de la Justice, asure l’intérim d’Ahmed Ould Mohamed Salah) refuse le recepisse des statuts du nouveau parti, au motif qu’il s’agit de la « reconstitution d’un parti déclaré illégal et dissous ; il renvoit à l’arrêté du 3 Août précédent relatif au Front national démocratique. La décision a été prise en conseil des ministres ; il n’est pas fait application de la loi toute récente (du 9 Juin 1964) modifiant la loi française jusques là valable en Mauritanie, celle du 1er Juillet 1901 sur les associations. Le 21 Octobre suivant, « la voix du peup1e », hebdomadaire de l’opposition diffusé en ronéotypie, est saisie.
L’arrêté du 3 Août est déféré devant la justice. Celle-ci est doublement embarrassée. Sa « mauritanisation » n’est pas alors complète, le président de la Cour suprême, Michel Cayssalié de l’assistance technique française, se déclare « empêché », l’affaire est éminemment politique et ne concerne que les nationaux mauritaniens. Abdallahi Ould Boyé, futur ministre d’Etat à l’orientation et membre du Bureau politique national dans la dernière période du Parti du Peuple Mauritanien, exerce la présidence. Tandia Youssouf est conseiller de droit moderene, Mohamed Yahya Ould Dunabja, conseiller de droit musulman, et Soumare Gaye Silly ainsi que Abdel Wahab Ould Cheiguer sont conseillers extraordinaires selon la liste annuelle. En chambre administrative  - séance publique du 30 Novembre 1964 – la Cour qui n’est priée de décider qu’un sursis à exécuter l’arrêté attaqué, rejette « avant dire droit » la demande des deux anciens présidents de l’Assemblée nationale. Elle a estimé que sa formation était conforme au droit, et surtout « qu’il n’est pas rapporté par les demandeurs la preuve de l’imminence d’élections de nature politique desquelels leur situation actuelle les tiendrait écartés – qu’aucun décret n’a convoqué le collège électoral – qu’enfin l’arrêt sur le fond devrait intervenir avant toute consultation populaire à caractère politique. Considérant qu’un parti politique peut « s’implanter » à touyte période de l’année, considérant qu’une décision dans le sens sollicité par les requérants préjugerait la décision finale de la Cour, conbsidérant en définitive que la requete ne présente pas, en l’état actuel de la procédure, un caractère justifiant une décision de sursis », elle empêche le nouveau parti de commencer sa campagne mais indique au gouvernement que la décision au fond – multipartisme ou pas – n’est pas de nature juridictionnelle.
La décision est donc politique. Moktar Ould Daddah s’en explique, dans ses mémoires [3] : « S’inspirant logiquement de l’esprit de Kaédi, le B.P.N. prit, le 16 Novembre, une décision qui, par sa portée et ses conséquences, était infiniment plus importante que toutes les résolutions du Congrès de Kaëdi : l’érection du P.P.M. en parti unique.
A ce propos, je dois à la vérité de dire qu’avant d’en arriver à cette décision, j’avais beaucoup hésité. En effet, de par ma formation juridique française, j’étais initialement hostile au parti unique, lui préférant le multipartisme. Raison pour laquelle ce régime ne fut pas instauré plus tôt chez nous alors qu’une majorité du B.P.N. lui était favorable depuis 1961. Mais, tout comme pour le régime présidentiel, l’expérience nationale et régionale finirent par me convaincre, en âme et conscience, de sa nécessité. Sinon, les forces centrifuges : raciales, tribales et régionales, par le biais du multipartisme, auraient empêché la réalisation de l’unité nationale. Ce fut donc le 12 Janvier 1965 que l’Assemblée, à l’unanimité des députés présents, révisa l’article 9 de la Constitution qui reconnaît désormais le P.P.M. comme le Parti unique de l’Etat.       
Mais au fond de moi-même, je considérais que le parti unique, vital pour mon pays au stade de son évolution d’alors, devait céder la place au multipartisme dès que le degré de consolidation de l’unité nationale l’aurait permis. Une telle perspective était tellement présente dans mon esprit que j’ai fini par en parler, le 8 Juillet 1978 très précisément, avec mon plus ancien coéquipier : Ahmed Ould Mohamed Salah. Nous avions alors convenu d’en discuter profondément par la suite. Mais, là aussi, “l’homme propose et Dieu dispose”...
Quoiqu’il en fût, le Parti du Peuple Mauritanien joua le rôle le plus déterminant dans la construction nationale. En effet, je demeure convaincu que, malgré les défauts et les insuffisances des équipes successives qui, à tous les niveaux, l’ont dirigé, de 1961 à 1978, défauts et insuffisances que je dénonçais à toutes les occasions, les progrès, modestes certes, mais progrès tout de même, réalisés dans tous les domaines de la vie nationale ; n’auraient pas pu l’être sans lui. Et, j’irai plus loin : sans le P.P.M., la R.I.M. n’aurait certainement pas pu survivre aux dangers extérieurs et intérieurs qui l’assaillaient durant les années 1960. D’autre part, le P.P.M., tout en étant constitutionnellement un parti unique, n’a jamais été, malgré certaines apparences, ni sectaire ni despotique. En son sein, comme la suite de ces Mémoires le démontrera, la discussion a toujours été libre. Dans toutes ses instances les militants pouvaient défendre leurs points de vue - et la plupart ne s’en privaient pas comme je l’ai déjà signalé - Ces militants n’étaient contraints d’observer la discipline du Parti que pour l’application des décisions démocratiquement prises à la majorité des présents. Par ailleurs, le P.P.M. avait toujours préconisé - et souvent pratiqué - le dialogue avec ses opposants qu’étaient généralement les jeunes cadres intellectuels imprégnés qu’ils étaient - inévitablement du reste - d’idéologies des pays où ils étaient formés. Idéologies conçues par d’autres et pour d’autres et qui, par conséquent, ne pouvaient pas s’appliquer telles qu’elles, à nos réalités religieuses, socio-économiques et culturelles. »

Ce qui frappe – rétrospectivement – ce sont la clarté et la solidité des argumentations et des débats. Surtout, la capacité d’autocritique du système qui s’établit selon une dialectique apaisante. Moktar Ould Daddah ne fonde pas un régime contre tel ou tel, ou selon l’analyse des erreurs et des lacunes des autres. C’est de ce qui se fait et se vit, quasi-unanimement, qu’il est question, et les redressements ou les orientations ne sont ni passéistes ni futuristes : l’examen porte sur le présent, il a ses références consensuelles. Et en fin de compte, les deux parlementaristes – eux aussi fondateurs de la Mauritanie moderne – seront réintégrés dans le Parti et en seront d’importants responsables, très vite après leur tentative (cf. Le Calame 8 Avril 2008 . chronique anniversaire du 5 Avril 1966).
  

Le 2 Janvier 1996, le Premier ministre, Sidi Mohamed Ould Boubacar, en fonction depuis la mise en vigueur de la Constitution du 20 Juillet 1991 à la suite de l’élection présidentielle du 24 Janvier 1992 (cf. Le Calame 29 Janvier 2008 . chronique anniversaire du 24 Janvier 1992), est inopinément remplacé par le ministre des Pêches Cheikh El-Avia Ould Mohamed Khouna, pour prendre la tête du parti présidentiel, le P.R.D.S. La décision est conforme à l’article 30 de la Constitution (« le Président de la République nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions » – ce qui est plus clair que la rédaction, et la pratique, françaises, mais la manière d’acclimater le parlementarisme en Mauritanie est singulière, puisque ce remplacement n’est pas une disgrâce et que pendant neuf ans va se pratiquer un jeu de chaises musiciennes entre quatre postes d’importance réputée équivalent : Premier ministre, ministre secrétaire général de la Présidence de la République, directeur du cabinet du Président de la République et direction du parti présidentiel.
Nommé par Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, le 18 Avril 1992, Sidi Mohamed Ould Boubacar occupera ces quatre poste. Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie le rappellera, le 7 Août 2005, du poste d’ambassadeur à Paris qui lui était échu l’année précédente, pour qu’il redevienne Premier ministre. Technicien des finances depuis ses débuts comme trésorier général à Nouadhibou, il avait préparé l’accord avec le Fonds monétaire international, conclu juste avant la formation du premier gouvernement constitutionnel dont il serait censément le chef. Né dans les dix jours de l’investiture du premier gouvernement autonome mauritanien (20 . 31 Mai 1957 cf. Le Calame 23 Mai 2007 . chronique anniversaire du 21 Mai 1957), il allie alors expérience technique et fraîcheur politique. Il inaugure donc de bonne foi une vraie pratique parlementaire, il est d’ailleurs doué d’un charisme que n’a pas son maître. Sa déclaration de politique générale en est une : établir un Etat de droit fort et respecté, rétablir les grands équilibres économiques, porter le taux de scolarisation à 80% en 1998, réformer de l’état-civil d’ici 1994. Il doit surtout assumer les conséquences de la politique économique d’ajustement convenue avec le F.M.I. : ce sont les « émeutes du pain », le 4 Octobre 1992 d’abord, puis les 21-22 Janvier 1995. Il tente alors une politique d’accompagnement et sa polémique avec Ahmed Ould Daddah, le compétiteur du président en place, est de qualité.
Après lui, vont se succéder – en moins de neuf ans – quatre Premiers ministres. Dès le 18 Décembre 1997, Mohamed Lemine Ould Guig, remplace Cheikh El-Avia, qui devient ministre secrétaire général de la Présidence de la République, et ainsi de suite …

La Mauritanie ne fera donc pas l’apprentissage du régime parlementaire et sa mémoire du parti unique de l’Etat a été – sciemment – falsifiée par tous les régimes et systèmes qu’elle a subis depuis 1978.





[1] - Moktar Ould Daddah est encore plus vif dans ses mémoires :  La Mauritanie contre vents et marées (Karthala . Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en français), p. 321 : « j’insistai sur l’obligation pour le candidat à l’adhésion de présenter lui-même sa demande, c’était pour lutter contre une pratique tout à fait anti-démocratique, mais fort courante à l’époque. Cette pratique consistait, pour le chef de tribu, de canton, de fraction, de village ou de famille, à “faire adhérer” les leurs, souvent à leur insu. Comment ? Le plus simplement du monde. Ils apportaient à celui qui recevait les adhésions au parti, des listes de noms, plus ou moins longues suivant l’importance numérique des collectivités considérées. Celles-ci rivalisaient pour “faire adhérer le plus grand nombre afin de s’assurer le contrôle du bureau du comité ou de la section considérés, dont la majorité élit l’instance en cause. De ce fait, la liste des adhérents sur les registres du Parti ne signifiaient pas grand chose, démocratiquement parlant. Il est vrai que le plus grand nombre des intéressés se considéraient comme liés par l’adhésion donnée par leur chef, en leur nom, même à leur insu : une étude sociologique de notre société  du début des années 1960 expliquerait aux non mauritaniens un tel comportement qui choque “les Ahel Descartes” . Mais, peut-être, pas les “Ahel Pascal” : Vérité en deçà du Sahara .. A vrai dire, cette pratique tendait essentiellement à perpétuer l’autorité des chefs traditionnels, autorité que le Parti, par le biais d’une formation idéologique habile, lente et prudente, mais déterminée, était décidé à combattre, puis à éliminer démocratiquement et, autant que possible, sans heurts. Oeuvre de longue haleine, qui était tout de même bien amorcée en Juillet 1978. Avant d’en finir avec cette question de l’adhésion personnelle et volontaire des militants au P.P.M., je pense honnêtement que la recommandation la concernant n’a pas dû être scrupuleusement appliquée dans les comités de brousse ... »

[2] - ses fondateurs s’engagent “ à demeurer attachés au bien public, au droit humain, à l’honneur, à l’honnêteté et au travail ; à édifier une société moderne ouverte aux expériences humaines ; à œuvrer pour une compréhension profonde entre les hommes en Afrique et dans le monde ; à réaliser l’unité réelle de notre Peuple dans une parfaite symbiose de ses éléments au sein d’un monde débarrassé de l’exploitations coloniale ; à mobiliser toutes les potentialités mauritanienens morales et matérielles en vue d’éliminer d’une part la faim, la soif, l’ignorance et la misère en Mauritanie et contribuer d’autre part à la promotion d’une Unité Africaine réelle et efficace et une Paix universelle durable. “
[3] - Moktar Ould Daddah, ibid. op. cit. pp. 328.329

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