dimanche 15 juin 2014

chronique d'Ould Kaïge - déjà publié par Le Calame . 26 Décembre 2007



16 .



26 Décembre 1905 &  26 Décembre 1961

Organisation en circonscriptions administratives
sous l’emprise française 
&
Congrès de l’Unité



Le 26 Décembre 1905, Ernest Roume, le Gouverneur général de l’Afrique occidentale française prend un arrêté « portant organisation des circonscriptions administratives du Territoire civil de la Mauritanie : les deux cercles du Trarza sont réunis en un seul ; les régions de Brakna et de Mal forment un seul cercle. C’est entériner les décisions prises par le lieutenant-colonel Montané-Capdebosc, à son retour du Tagant, le 5 Septembre précédent. Il vient de recueillir la succession de Xavier Coppolani, un civil, montant du Fleuve vers l’Adrar, sans un coup de fusil jusqu’à celui qui l’immobilise pour l’éternité à Tidjikja. On lui a aussitôt prescrit de renoncer à l’Adrar. 29 Mai 1905,     instructions du Gouverneur général Roume sur la politique à suivre : maintenir l’occupation définitive du Tagant, surseoir à l’occupation de l’Adrar.  La nouvelle colonie – car c’en devient une – est organisée en cinq circonscriptions, dont quatrecercles : Trarza, chef lieu Khroufa – Brakna, Aleg – Gorgol, Kaédi –  Tagant, Tidjikja – une résidence pour le Guidimaka à Sélibaby. Il y a trois bureaux centraux à Saint-Louis. Initialement (1er Juillet 1905), le Tagant devait être une région administrative dépendant de la résidence de Mal.

Cette réorganisation donne la sensation d’une installation tranquille alors que les événements dramatiques du premier semestre faisaient attendre le contraire. Xavier Coppolani avait fait prendre – le 25 Février 1905 – le décret portant délimitation du Territoire civil de la Mauritanie et du Sénégal (il ne sera modifié que le ) pour, à partir du 24 Mars se diriger vers Tijikja, venant de Ksar El Barka, occupé sans difficulté. Mais aussi bien internationalement que localement le temps était devenu soudain très gros : 31 Mars, « coup de Tanger » : le Kaiser allemand s’entretient avec le Sultan du Maroc, la rivalité avec la France est manifeste. Le 18 Avril, l’ex-émir du Trarza, Ahmed Saloum II est assassiné près de Tamresguid. Enfin, le 12 Mai, Coppolani est assassiné. Pourtant les principes d’organisation territoriale ont été posés et demeurent encore aujourd’hui. Quoiqu’agréant le 15 Mai 1903, Ahmed Saloum II Ould Eli, comme émir du Trarza et comme représentant du gouvernement français en pays Trarza, Coppolani avait songé (5 Janvier . 5 Février 1904) à organisé en deux cercles les régions Trarza, avec chacune sa djemaa supérieure. En revanche (29 Mars 1904), il avait organisé les régions Brakna en une seule circonscription et sans l’émir Ahmedou Ould Sidi Eli hostile, interdit de séjour et dont il avait « supprimé » l’institution supprimé. Puis, le 31 Mars, la région de Mal, et, le 15 Avril, la région du Gorgol.

Les changements ensuite seront nombreux, presque toujours en création de nouvelles circonscriptions. L’Inchiri est l’avant-dernière circonscription organisée par l’administration française : 10 Décembre 1907,occupation de l’Inchiri mais, seulement le 4 Novembre 1930 : création de la subdivision d’Akjoujt dépendant du Trarza. Le 26 Octobre 1931, arrêté du Gouverneur général créant le cercle d’Akjoujt et modifiant les limites du cercle du Trarza. Au contraire, d’ocupation contemporaine, la région de la Baie du Lévrier,  est organisée dès le 26 Avril 1906 : le 1er Mai, le poste de Cansado est classé militaire ; le 1er Janvier 1913, mise en fonctionnement des feux de port et du phare de Cansado. Le 14 Avril 1914, la limite ouest du cercle de l’Adrar est modifiée et la résidence de la Baie du Lévrier est créée. 21 Avril 1914 : arrêté créant un poste militaire permanent à Tichitt, et 4 Septembre 1917 : création du poste militaire de Néma. Mais l’organisation militaire ne signifie pas forcément l’organisation administrative : le 20 Mars 1922, le secteur nomade de Tichitt est rattaché au cercle du Tagant mais le Hodh est organisé dans la colonie du Haut-Sénégal-Niger, futur Soudan français.

Le 30 Juin 1918, est tenté – aussi singulièrement – une scission du cercle du Brakna en deux cercles : Brakna et Chemama. C’est la création d’un cercle de « la vallée du Fleuve » distinct de ses arrière-pays. Il est décisivement revenu sur ce « découpage » attentatoire à l’unité-même de la Mauritanie, le 31 Décembre 1922 :      arrêtés du Gouverneur général transférant de M’Bout à Kiffa le chef-lieu du cercle de l’Assaba et réunissant les cercles du Chemama et du Brakna en un seul cercle. En revanche, sans hésitation, le 22 Août 1921, avait été constitué le cercle de Guidimaka avec chef-lieu à Sélibaby

L’autre grande décision est le rattachement du Hodh. Préconisée, le 15 Mars 1944, par le rapport de la « mission Borricand », c’est le nouveau gouverneur, Christian Laigret, qui fait prendre, le 5 Juillet 1944, le décret modifiant la limite commune des Colonies de la Mauritanie et du Soudan français. Le 28 Octobre 1944, un arrêté du Gouverneur général crée et organise le cercle d’Aioun-El-Atrouss. On revient donc sur l’organisation artificielle d’une génération : le 16 Novembre 1923, un arrêté du Gouverneur général avait rattachéau cercle de Néma les sédentaires et fractions Maures du territoire de Néré (Soudan). Dès le 23 Avril 1913, un décret modifiant les limites des colonies du Haut-Sénégal-Niger et de la Mauritanie, avait certes attribué Tichitt et Kiffa à la Mauritanie mais en avait détaché le Hodh. Le 12 Novembre suivant, le secteur de Oualata avait été détaché de la région de Tombouctou pour constituer un cercle directement placé sous l’autorité du Lieutenant-Gouverneur. Le cercle de l’Assaba avait alors été érigé, avec chef-lieu à Kiffa

La Mauritanie indépendante prend deux décisions, d’importance inégale : le 21 Septembre 1961, est créé, par détachement de l’Adrar, le cercle du Tiris-Zemmour (la subdivision de Bir-Moghrein, rattachée au cercle de l’Adrar, avait été décidée le 30 Juin 1949). Mais c’est le 5 Juillet 1968 que les noms traditionnels des cercles et l’insitution-même de ce type de circonscription sont abolis : le pays est réorganisé en régions et celles-ci ne portent plus qu’une dénomination chiffrée. Les régimes militaires reviendront à l’ancienne appellation, en même temps que leur pratique aura fait renaître les tendances au tribalisme : éradication qui avait été l’obsession, la raison d’être du Parti unique de l’Etat, dans la pensée et dans la manière de gouverner de Moktar Ould Daddah et de ses co-équipiers.



Du 25au 30 Décembre 1961, à Nouakchott, se tient le "Congrès de l'Unité" constitutif du parti du peuple mauritanien Hizb Chaeb. Il a été précédé – significativement – , le  12, par le congrès constitutif de l'Union féminine de Nouakchott.

Le processus avait commencé le 13 Août 1960, analogue à celui qui avait conduit à la fondation du Parti du regroupement mauritanien par un congrès d’unification (tenu à Aleg, du 2 au 5 Mai 1958) de l’Entente, de l’Union progressiste de Mauritanie et du Bloc démocratique du Gorgol. Moktar Ould Daddah avait adressé une lettre aux divers partis politiques pour les inviter à l'union. L’ambiance était dominée par la perspective de l’indépendance. Mais les divisions demeuraient ; notamment la Nahda semblait suspecte ou réfractaire. Au contraire, les syndicats allaient à l’union. Les 4-5 Février 1961, à Rosso, le comité préparatoire du Congrès constitutif de la centrale syndicale unique avait constitué un sous-comité provisoire de cinq membres : Fall Malick (UNTM), Abdoulaye N'Diaye (UGTAN), Amidou Sene (UGTAN), Yamar Tall (CATC) et Guerrabi Ould Amidi (SNRI) et du 29 au 31 Mai 1961, avait pu se tenir le congrès constitutif de l'U.T.M. à Nouakchott, Union des Travailleurs mauritaniens, unique centrale syndicale issue de la fusion des centrales existantes

La forme retenue est celle d’une "table ronde" des partis et tendances politiques. Elle tient sa première réunion les 20-22 Mai 1961et décide la "réalisation rapide de l'unité politique en Mauritanie" et, immédiatement l’"unité d'action entre les formations en présence". Un bureau permanent du Comité d'union est constitué : Abdoul Aziz Ba, Ahmed Baba Ould Ahmed Miske et Dembele Tiecoura. La seconde réunion, le 30 Juin 1961, est plus formelle : elle "investit à la magistrature suprême de la RIM le camarade Moktar Ould Daddah, candidat d'union nationale" ; elle "souhaite un accord définitif entre la France et l'Algérie" ; mais elle n’organise rien. La troisième, les 20-21 Juillet, enregistre la participation de l'USMM, dernier parti à entrer dans la dynamique unitaire. On décide alors l’envoi de missions à travers tout le pays, dirigées par Mohamed el Moktar Marouf, Ahmed Baba Ould Ahmed Miske, Sid Ahmed Lehbib et Bouyagui Ould Abidine (mission spéciale de Souleymane Ould Cheikh Sydia au Sénégal) pour populariser l'unité et préparer la campagne présidentielle, avec constitution de comités locaux à l'image de la « table ronde ». Il est décidé d’"accélérer le processus de l'unité politique aboutissant à la création d'un parti unique". Les 26-28 Août, la quatrième réunion de la "table ronde" relance une mission générale à travers tout le pays ; elle désigne surtout une commission pour préparer les avant-projets de statuts et de règlement intérieur : Sid Ahmed Lehbib, Bouyagui Ould Abidine, Sidi Ould Abass, Ahmed Baba Ould Ahmed Miske, Abdoul Aziz Ba, Ba Ould Ne, Hadrami Ould Khattri, Mohamed Ould Cheikh, Houssein Ould M'Haimed la composent. Les 2-4 Octobre 1961, la cinquième réunion de la "table ronde" des partis et des tendances politiques arrête que le congrès de l'unité aura lieu le 25 Décembre, que la représentation y sera égale pour chaque formation qui enverra 80 délégués maximum et qu’il sera fait appel à des personnalités indépendantes. Mohamed Ould Cheikh, secrétaire général de la Défense nationale, est chargé de la permanence. Sixième et dernière réunion, du 29 Novembre au 1er Décembre : approbation des avant-projets de statuts et de règlement intérieur qui sont communiqués aux partis pour étude ; désignation d'un comité chargé de la préparation matérielle du Congrès ; examen des listes de délégués dès réception.

Il ne reste plus qu’à Sid Ahmed Lehbib, président de la « table ronde », à ouvrir le congrès et à donner la parole au Président de la République es qualités. Moktar Ould Daddah, comme secrétaire général, a présidé le 21, le congrès de dissolution du Parti de regroupement mauritanien : P.R.M., observant qu’ "à l'origine de tous les événements importants de ces trois dernières années se retrouvent les initiatives du P.R.M." mais que ce parti n'est pas devenu le parti strucuturé et bien organisé que nous avions souhaité". Alors "comment parvenir à réaliser cette mobilisation des masses ? ". C’est ce qu’il répète, le 25 :  "le Parti du regroupement mauritanien ne répondit que partiellement aux espérances qui furent alors placées en lui". Assurant :  "je n'ai cessé de lutter pour éviter qu'un fossé ne se creuse entre Mauritaniens, animés d'un même patriotisme, mais divisés sur les moyens", Moktar Ould Daddah réaffirme son option de 1958 pour un "parti démocratique, parti des masses … avant tout un parti fort… à lui de créer une Mauritanie nouvelle, synthèse des influences contradictoires du conservatisme et de l'évolution, du monde moderne et de la tradition".

Le Congrès fusionne alors les partis politiques existants, élit un Bureau  politique national provisoire [1] en vue d'un congrès prévu pour le 25 Mai 1962. Les événements vont en décider autrement. Des résolutions sont adoptées, significatives comme celle sur la prédominance du parti sur tous les rouages de l'Etat, la demande de reconnaissance du G.P.R.A. par la Mauritanie, la réduction du train de vie de l'Etat, la liberté absolue du choix de l'aide financière extérieure, ou disparates : résiliation immédiate et totale des accords conclu avec Miferma. Mais – surtout et ce va être très lourd de conséquences – sont  "laissées en suspens" pour que le B.P.N. propose une solution au prochain congrès la question de la langue, celle de la chefferie traditionnelle. L’unanimité est acquise sur le parti et sa relation avec l’Etat, ce qui mènera aux décisions de Kaédi, dans les deux ans, sur la relation avec l’ancien colonisateur et la société industrielle et minière dominante, ce qui ne sera acté que douze et treize ans plus tard. Quant à l’option d’ « armée populaire », les Mauritaniens en 1961 se doutaient-ils de 1978 ?



[1] - composé de Moktar Ould Daddah, secrétaire général - Ahmed Baba Ould Ahmed Miske - Mohamed Ould Cheikh - Souleymane ouls Cheikh Sidya - Bouyagui Ould Abidine - Youssouf Koita - Hamoud Ould Ahmedou  - Bouna Ould Abeidallah - Mohamed Abdallahi Ould El Hassen - Doudou Ba - Hadrami Ould Khattri - Sakho Abdoulaye - Sidi Ould Abass - Ba Mamadou Samba Boly - Haiba Ould Hamody - Ahmedou Ould el Hadj Habib - Salem Ould Boubout -Touré Mamadou dit Racine - Mohameden Ould Babah - Yahya Ould Abdi -Dey Ould Brahim

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