vendredi 20 décembre 2013

élections n cours - Mohamed Mahmoud Ould Targui sur Cridem



20-12-2013 12:22 - Législatives et municipales 2013:

Entre entorses et irrégularités

 

Législatives et municipales 2013: Entre entorses et irrégularitésAprès le premier tour des élections législatives et municipales du 23 novembre dernier, les mauritaniens se préparent à voter dans le cadre d’une deuxième manche finalement repoussée au samedi 21 décembre. Un décalage imposé par les hésitations et lenteurs de la Commission Nationale Indépendante (CENI), qui mit plus de dix jours à proclamer des résultats dont le traitement nécessite moins de 24 heures dans les pays répondant réellement aux normes démocratiques.

Le premier tour au niveau des législatives a donné 80 recours présentés devant le Conseil Constitutionnel et un nombre encore plus grand relativement aux municipales dont la compétence relève de la Cour Suprême.

La haute juridiction chargée du contentieux électoral relatif aux législatives a commencé à statuer depuis le lundi 16 décembre. Elle aurait ainsi rejeté « pour vice de forme » 58 recours, ne retenant pour l’examen au fond que 22 requêtes de contestation.

Chaîne d’illégalités

Du reste, dans l’organisation du double scrutin de novembre 2013 (la CENI estimant qu’il s’agit en fait d’un quadruple vote à cause de plusieurs listes), de nombreuses règles ont été piétinées. Un constat tout à fait ordinaire dans notre système pluraliste « tropicalisé ».

Par exemple, à l’issue des votes, les partis politiques issus de l’opposition modérée : le Parti de l’Entente Démocratique et Sociale (El WIAM), l’Alliance Populaire Progressiste (APP), Sawab et les islamistes du Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD-Tawassoul-transfuge de la Coordination de l’Opposition Démocratique/COD)), ont dénoncé le fait que leurs différents représentants dans les bureaux n’aient pas pu disposer des procès verbaux des opérations de vote.

Ce qui naturellement signifie que ces pièces, dont la loi électorale impose l’établissement séance tenante, n’ont pas été tout simplement dressées suivant le timing légal (si seulement elles existent) Le cas de leur inexistence avérée devrait en principe être considéré comme une cause de nullité des opérations électorales.

Au-delà de ce constat basique, on peut également noter que plusieurs responsables de la CENI et des bureaux de vote (probablement sans formation) ignoraient l’obligation de l’établissement des PV, pourtant seules pièces à conviction capable de prouver la matérialité des opérations.

En plus, dans plusieurs départements devant élire trois députés sur la base du scrutin proportionnel à un tour, notre institution administrative chargée de veiller à la régularité du vote s’est complètement fourvoyée, y compris dans les calculs les plus élémentaires communiquant parfois des chiffres erronés voire tripatouillés, sur le coefficient électoral et le plus fort reste.

Un report illégal ?

Commentant le décret du gouvernement relatif au report du second tour, qui était prévu 15 jours après la première manche, Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des Forces de Progrès (UFP)-un parti membre de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), qui a boycotté ces élections, a condamné « la poursuite de la chaîne des illégalités ».

En fait, au-delà du statut de haut responsable d’un parti de l’opposition, avec évidemment tous les risques d’adoption d’une position partisane, Mr , un éminent juriste, condamne une démarche politicienne sous forme « d’un petit arrangement entre copains ». Avant de développer des arguments de droit pour démontrer «l’illégalité » de la démarche de l’exécutif qui a abouti au report du second tour.

« Une pagaille électorale orchestrée par le pouvoir grâce à la CENI », il relève « un invraisemblable imbroglio politico-administratif qui en est résulté, la colère des partis participant à ces élections, et plus encore celle des électeurs de toutes tendances, tout, absolument tout, incitait à un tel report. Sans oublier l’opportunité qu’elle offre de faire toutes tractations entre les protagonistes pour rendre moins amère la pilule que certains d’entre eux commençaient à avoir en travers de la gorge. Un petit arrangement entre copains, voilà ce qui pourrait en définitive occasionner ce report ».

Une fois évacuée la querelle politique, se pose alors l’équation juridique relative l’institution habilitée à prendre la décision du report.

Pour le professeur , la réponse est sans détour « le gouvernement a encore violé la loi. Le fait qu’un tel report aurait été délibéré par la CENI, ni qu’il aurait été validé par un avis favorable d’un conseil constitutionnel coutumier des dérapages » ne règle la question juridique de fond.

« En effet, il suffit de rappeler que la fixation de la convocation et de la date de tenue des élections relèvent de la compétence de l’exécutif (le président de la République, pour être plus précis) dans la limite constitutionnel de la durée des mandats encore en cours de validité.

Il n’en va pas de même pour la durée des campagnes électorales, pour les différents délais de recours ouverts aux candidats, et pour ce qui nous concerne ici, la durée des délais entre les deux tours, lorsque ceux-ci sont prévus, aussi bien pour les élections présidentielle, législatives que municipales. Ces différents délais ne sont pas administratifs, mais législatifs, voire, constitutionnels
».

En fait, dans le cas d’espèce, ce n’est pas le président de la République ou le gouvernement qui décide, mais la loi (à travers le parlement) ou alors le peuple (par voie référendaire).

Quoi qu’il en soit les élections législatives et municipales n’ont fait qu’aggraver la crise politique et jeter encore le discrédit sur un pouvoir qui avait plutôt besoin de marquer des points positifs à la veille d’une échéance, la présidentielle, cruciale pour lui. Alors que va-t-il encore faire ? Reporter la présidentielle ou continuer sur la même lancée avec tous les risques que cela comporte… ?


Mohamed Mahmoud Ould Targui

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