jeudi 26 décembre 2013

ce que je pense




Ce que je pense


Les élections de Novembre-Décembre, tant de fois reportées pour leur ensemble et pour chacun de ses tours de scrutin, on ne sait plus en vertu de quel texte et on ne savait dès l’automne de 2011 si l’on devait compter la durée des mandats à partir des élections de Novembre-Décembre 2006 ou de la réunion effective des assemblées en Avril 2007... Ce qui fait revenir à l’une des causes génératrices de tout. A vouloir se prémunir contre l’élu à venir, quel qu’il soit mais sans doute les tombeurs de la dictature précédente avait une idée de celui qu’il leur fallait ne pas avoir et de celui qui tiendrait lieu, on a organisé un piège : les candidatures indépendantes des partis contre lesquelles ceux de l’époque, notamment Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir, bien avisés, protestèrent dès Mars 2006 auprès du président du Conseil militaire (dont on ne sait plus s’il en était le vrai chef…) et donc une majorité volatile, mais face au pouvoir en place, les partis sont aussi volatiles – on le voit depuis Mai 2010 où l’opposition avait massivement et solidairement manifesté pour le départ du putschiste de 2008, soi-disant légitimé en Juillet 2009 en bonne partie parce qu’elle avait accepté à Dakar (Mai-Juin 2009) de renier/oublier son préalable à toute participation : qu’il n’y ait aucun militaire, défroqué ou pas, qui serait candidat… aussi volatiles et pusillanimes que les personnes d’autant que la plupart des partis : vingt ? trente ? quarante ? cinquante ? sont des « partis-cartables » [1]. Pusillanimité des personnes et des partis faisant donc l’apologie indirecte du parti unique de l’Etat, à condition qu’il fonctionne démocratiquement et reste ouvert à toutes et à tous – ce qui fut avec Moktar Ould Daddah, puisque d’ailleurs la fusion des mouvements politiques existantlégalement ou pas au lendemain de l’indépendance fut voulue par tous, et l’œuvre de tous.

Et d’un.

L’ancienne métropole dont, à partir de Jean-François Deniau, les ambassadeurs, se croyant perspicaces, ont constamment critiqué par écrit et verbalement le père fondateur, longtemps un homme très jeune au charme et à la sainteté qui auraient dû les ébranler, sinon les convertir – je le fus à la première minute de ma première audience en Avril 1965, je vois encore le président de la République se lever de sa grande table, fenêtres donnant vers tout le désert, pas un bâtiment au revers du « palais présidentiel », et venir à moi avec un sourire inoubliable et abordant aussitôt le sujet : qu’au moins l’Université, française puisqu’il y avait lieu, aide à comprendre la construction et les outils que nous faisons, que nous avons – et à partir de Juillet 1978 (trois ministres des putschistes à l’ambassade pour le 14 Juillet, alors que le coup était du 10…) ont constamment plaidé à Paris pour une compréhension, une tolérance des dictateurs successifs (dans l’ordre chronologique où ils avaient été aide-de-camp du Président…), exception que je présume sans en avoir lu les dépêches : Pierre Lafrance et Patrick Nicoloso, avec auparavant l’empathie certaine pour le pays de Maurice Courage qui y servit deux fois. La France réticente pour admettre la chute de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya que Jacques Chirac, président de la République, escorté d’Hubert Védrine, ministre socialiste des Affaires étrangères, et de Pierre Messmer, gaulliste s’il en est, compagnon de la Libération, ancien gouverneur du Territoire, ancien Premier ministre, étaient venus soutenir (Septembre 1997) à trois mois d’une réélection que toute la classe politique boycottait, sauf Chbih Ould Cheikh Malaïnine, qui y gagna d’être arrêté… « années de braise » et la France n’y voyait que du feu. Réflexe de quelques jeunes diplomates à l’Elysée et au Quai d’Orsay : le putsch du 6 Août 2008 est un cas d’école, un élu démocratiquement à la face du monde, avec quelques deux cent cinquante contrôleurs, observateurs, experts ayant travaillé pendant plus d’un an du recensement électoral à la transmission des résultats bureau de vote par bureau de vote, on le condamne, Nicolas Sarkozy régnant endosse nonobstant le calamiteux discours de Dakar qu’on lui avait fait lire sans le lui montrer qu’en voiture quelques minutes avant de monter à la tribune de Cheikh Anta Diop. Bravo… puis, sans précédent sous la République, il n’y eut sous d’autres régimes que l’achat de Talleyrand…, le secrétaire général de l’Elysée est acheté (aujourd’hui perquisitionné et un moment gardé à vue pour le reliquat de moitié de ce qu’il avait perçu), la France désormais cautionne de Septembre 2008 à l’instant où j’essaie de résumer ce que je pense… un homme auquel ses compatriotes reprochent surtout son inculture et le flou de ses origines. Les ambassadeurs – d’ordre inchangé – n’ont d’empathie que pour lui. Nouakchott sous les eaux, deux bulletins de vote dans la même main, celle de l’homme fort devant l’isoloir qu’il dédaigne, des soupçons de trafic et d’enrichissement (considérable) personnel, des irrégularités criantes, une CENI refusant de communiquer ses papiers au Conseil constitutionnel, et dont le président – consensuellement nommé pour Juillet 2009 avait démissionné dans les minutes suivant la clôture du scrutin d’alors… parce qu’il voyait ! Rien n’y fait. La France félicite, surtout pour ne pas trop tarder après les Etats-Unis. Ceux-ci prennent fait et cause contre les pratiques esclavagistes, dans les quarante-huit heures de la proclamation de leur vive impatience qu’ait lieu l’élection présidentielle, donc la perpétuation pour à nouveau cinq ans d’un militaire, mécanicien de métier et sans aucun fait d’armes, qu’une détonation fait frémir et qu’une femme peut tirer à bout portant (quoique la version officielle soit d’une sentinelle abusée par les phares du cortège présidentiel ou par la pénombre…) alors que l’éradication de cette honte qui continue d’occulter l’image de la Mauritanie a pour préalable le complet retour aux droits de l’homme, qui s’appelle la démocratie. Chemin et dossier que le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi avait ouvert et traité, non sans difficultés au Parlement dont il a été compris trop tard qu’il avait été composé par les militaires de 2005.

Et de deux, avec l’immense avantage désormais que les opposants – rien que les élections, les non-élus et les non-investis vont la grossir – savent que la France est fière de sa contradiction africaine : intervenir en toute légalité internationale pour rétablir paix, justice et démocratie au Mali et en Centrafrique, tout en s’appuyant au mépris de toute morale sur des dictateurs avérés qui, dans le cas d’Idriss Déby, sont même des impérialistes pour bouter le feu des guerres de religions et de tribus du Darfour aux frontières d’un Congo « démcratique » qui n’a pas besoin qu’on frotte des allumettes à son flanc… Voilà une diplomatie, voilà une stratégie, voilà qui peut donner envie aux partenaires européens de l’ancienne métropole de faire cause commune avec elle. Ce qui est pourtant l’intérêt de tout le monde (voix du général de Gaulle, pas petite ni vénale) comme il est de l’intérêt de la France…  Donc, une opposition enfin mentalement indépendante de tout recours extérieur de quelque ordre qu’il soit : elle ne gagnera qu’en exprimant le peuple et non en défaisant la caution parisienne.

Vient maintenant un beau doublé pour qu’avec les félicitations internationales, le succès soit complet, ces jours-ci pour Mohamed Ould Abdel Aziz. Son habileté, à première vue, est constante depuis dix ans (au moins… jamais de sang sauf le probable axssassinat par des tiers commandités du chef d’état-major et du second au BASEP à l’occasion de la tentative d’Hannenah en Juin 203… et jamais de censure de presse ou de médias, sauf arrestation d’un ancien ministre en disant trop sur la télévision nationale, sauf inaccessibilité sur le site AMI de toutes dépêches antérieures au matin du 6 Août 2008, sauf achat du fondateur de Taqadoumy, sa grande plume arabisante, la taule puis la libération sans procès pour qu’il n’y ait rien au grand jour). Donc, l’affaire des passeports montrés par le cadet du père fondateur – le fondateur dont on détourna la photographie en portrait afin de faire croire que 2009 et l’élu probable étaient de la même cuvée que 1960 et le président Moktar Ould Daddah…  Affaire des passeports traitée directement par l’homme fort, selon ce qui a été publié des dires de l’officier de police à l’aéroport… Et compensation ou rétribution ? aveu terrible que la dictature a toujours et par nature besoin de la caution de grands noms autant que de la faiblesse humaine, donc la nomination de l’aîné au grand poste d’ambassadeur représentant permanent à Bruxelles (prédécesseurs : son propre oncle Abdallahi nommé par les putschistes de la première génération, et l’actuel Premier ministre)… système inauguré en même temps qu’une avenue-panneau en Novembre 2008 et honoré par la veuve du Président.

Toi, le venin ! [2] à l’inoubliable musique (celles de mon adolescence). Après avoir dévoyé la démocratie et travestissant constamment son coup de force : une « rectification », malheureusement « comprise » par un autre membre de la famille, Mohamed Ould Abdel Aziz attire – fascine par son pouvoir de fait, reconnu par tant, qu’on veuille en bénéficier, clé des élections, ou qu’on brigue une succession qu’elle qu’en soit la voie, erreur stratégique d’Ahmed Ould Daddah à l’automne de 2008 – et essaye de déshonorer un patronyme dont il espère le recel. Les apparences ne seront qu’un temps pour de tels agissements. Les victimes – Moktar Ould Daddah, la bonté même et la tolérance patiente sauf si l’Etat et l’indépendance nationale étaient en question (l’Etat bafoué par la corruption, y compris celle des militaires : son dernier discours-communiqué de Juin 1978, l’indépendance et la dignité nationales : l’ultimatum de Boumedienne à Béchar en Novembre 1975) en dirait limpîdement : plus à plaindre qu’à blâmer – se réveillent et réintègreront leur propre honneur. J’en suis sûr. Un patronyme dont personne ne dispose sauf quand on est arrêté à cause de cela seulement, la prison pour Ismaïl Ould Mauloud Ould Daddah, en 1980-81.

Il n’est pas plaisant d’avoir à condamner les agissements et les représentants de son pays. Il l’est encore moins – quand on se sent tellement de la famille – de voir piégés des Ahel Daddah. Ai-je le droit de l’écrire ? peut-être pas. Mais, à défaut d’autres, j’en ai donc le devoir. Il y eut même des collaborateurs qui usurpèrent une demande que le Président ne faisait pas et firent la quête en son nom pour s’en approprier le produit, des collaborateurs tellement intimes et tellement intègres qui lui en voulurent, résolument, de ne pas s’être rebellé en Juillet 1978 pour sauver un régime, c’est-à-dire leurs positions et carrières à eux.

Il y eut un soir, qui fut mon honneur – tandis que nous avions terminé en tête-à-tête une nouvelle dictée pour des passages ou des notes en vue de la publication de mémoires d’abord manuscrits dont à première lecture, la qualité et le rythme me causèrent un choc violent… de bonheur – un soir, à Nouakchott où le Président apprenant les sentiments de l’un d’eux sut sourire avec tendresse. Les soupçons de corruption d’un ambassadeur et d’un ministre, en charge du dossier névralgique, par le partenaire marocain dans les mois décisifs qui précèdèrent l’avis de la Cour internationale de justice sur le Sahara, puis la conférence de Madrid, il les savait. Les turpitudes étaient, pour lui, secondaires, négligeables. Il avait confiance dans le destin du pays, de la Mauritanie et laissait à Dieu la pénétration du regard. Le jugement il ne le portait pas. Nous nous bénîmes mutuellement, je sortis pétrifié d’émotion. Mariem, avec délicatesse et grandeur – exceptionnelles – savait nous laisser presque chaque soir, c’était en Janvier 2003, continuer seul à seul l’écriture et le commentaire de ce qui avait été la grandeur d’une fondation et préparer ainsi le travail avec elle, du lendemain, avant l’accord et le mot-à-mot de l’auteur.

Les assauts répétés depuis 1978 et qui continueront encore, n’ont pas, à bien voir, eu raison de cette fondation. Parce que celle-ci répond, et elle seule, aux réalités. La dictature a visage individuel, elle n’est jamais l’âme d’un peuple. Ceux qui la favorisent ou la tolèrent, en établissement puis en perpétuation, ne savent – tout simplement – pas ce qu’ils font. Ceux qui un temps et de bonne foi, se trompent, ont toujours l’occasion de se racheter, surtout à leurs propres yeux. C’est patent depuis trente-cinq ans de dictatures subies.


Bertrand Fessard de Foucault alias Ould Kaïge,
matin du vendredi 27 Décembre 2013


[1] - expression que j’ai reçue en Janvier 2003 de mon éminent ami M° Brahim Ould Ebety, en même temps que celle aussi heureuse de « démocratie de façade » pour qualifier ls systèmes militaires depuis Juin 1991

[2] - Toi le venin, film réalisé par Robert Hossein avec Marina Vlady – musique André Gosselain

Synopsis. Victor, un jeune chômeur, rencontre sur une route déserte, une ravissante jeune femme, qui l'invite à monter dans sa voiture. Après avoir assouvi ses ... Mars 1959

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