lundi 4 novembre 2013

relevé sur le site http://haratine.blogspot.fr - dir. Hanoune Diko - au secours des haratines - SOS - abolition

La Mauritanie saignée par le dernier Rapport du comité des droits de l’homme des Nations-Unies (Genève)

 
Comité des droits de l’homme
109e session -14 octobre -1 novembre 2013-

Point 6 de l’ordre du jour
Examen des rapports soumis par les États parties
 conformément à l’article 40 du Pacte

 Observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie
 
1.  Le Comité a examiné le rapport initial de la Mauritanie (CCPR/C/MRT/1) à ses 3018e  et 3019e séances (CCPR/C/SR.3018  et 3019), les 21 et 22 octobre 2013. À sa 3031ème séance (CCPR/C/SR. 3031 ), le 30 octobre 2013, il a adopté les observations finales ci‑après.
         
A.     Introduction
 
 2.  Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Mauritanie et les renseignements qui y sont présentés mais regrette qu’il ait été soumis avec un retard important. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de nouer un dialogue avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/MRT/Q//Add.1) qu’il a apportées à la liste de points à traiter, qui ont été complétées oralement par la délégation.
         
B.     Aspects positifs
 
 3.  Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’Etat partie des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment :
 a)     La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 22 janvier 2007;
 b)     Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 23 avril 2007;
c)     La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 3 avril 2012;
 d)     Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 3 avril 2012;
e)     La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 3 octobre 2012;
 f) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 3 octobre 2012.
 4.  Le Comité prend note avec satisfaction des efforts entrepris par l’État partie pour réviser sa législation, notamment l’adoption de:
 a)     L’ordonnance n° 2005-015 du 5 décembre 2005 portant protection pénale de l’enfant;   b)         L’ordonnance n° 2007/36 du 17 avril 2007 portant Code de procédure pénale;    c)          La loi no 2007-048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes ;
      d)         Les révisions constitutionnelles de 2005 et de 2012 ; 
 e)     La loi du 22 janvier 2010 relative au trafic illicite des migrants.
          
 C.     Principaux sujets de préoccupation et recommandations
 
5.  Le Comité relève avec préoccupation que le Pacte   n’a pas été  invoqué ou appliqué par les tribunaux nationaux, du fait de la non-publication au Journal Officiel  des lois ratifiant les traités et conventions en matière des droits de l’homme ainsi que des textes eux-mêmes.  (art. 2).
> L’État partie devrait publier de manière systématique les lois de ratification des traités et textes de conventions des droits de l’homme notamment le Pacte, au Journal Officiel. Il devrait également  faire mieux connaître le Pacte auprès des juges, des avocats et des procureurs afin de garantir que ses dispositions soient prises en compte par les tribunaux nationaux. 
 
 6.  Le Comité note les craints  que la référence à l’islam dans le préambule de la Constitution de l’Etat partie en tant que seule source puisse conduire  à des dispositions législatives qui empêchent une pleine jouissance de certains droits prévus dans le Pacte.  Le Comité relève avec préoccupation que l’Etat partie  a formulé une réserve  à l’article 18 malgré son caractère indérogeable ainsi qu’à l’article  23, paragraphe 4 du Pacte  et regrette  la position de l’Etat partie consistant à   maintenir ces réserves.  (art. 2, 18, 23).
 L’État partie devrait s’assurer que la référence à l’islam n’empêche pas la pleine application dans son ordre juridique des dispositions du Pacte et qu’elle ne constitue pas une justification pour l’Etat partie de ne pas mettre en œuvre les obligations contractées en vertu du Pacte.  Le Comité encourage l’Etat partie, par conséquent, à envisager de retirer ses réserves formulées aux articles 18 et 23, paragraphe  du Pacte. 
 
 7.  Le Comité regrette que l’Etat partie dénie l’existence de la discrimination raciale sur son territoire. Il est par ailleurs préoccupé par l’absence d’une définition et une incrimination de la discrimination raciale dans sa législation  et regrette que l’Etat partie n’ait pas fourni des données sur l’ampleur de ce phénomène, les groupes les plus concernées et sur les mesures prises afin de le combattre. Il note avec préoccupation que la discrimination raciale fondée sur l’appartenance ethnique empêche la jouissance des droits de l’homme par  certains groupes ethniques, y compris l’accès des femmes Haratine aux affaires publiques. Le Comité s’inquiète de ce que l’Etat partie n’ait toujours pas adopté le projet de plan d’action national contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.   (art. 2, 26, 27).
 L’État partie devrait adopter une définition de la discrimination raciale dans sa législation et la prohiber en conformité avec le Pacte.  Il devrait également combattre la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique dans tous les domaines et accélérer la rédaction, la validation et l’adoption du projet de Plan d’action national de lutte contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, le mettre en œuvre et le vulgariser. 
 
8.  Le Comité relève avec préoccupation que l’homosexualité  est criminalisée et punie de la peine de mort, en violation avec les dispositions du Pacte (art. 2, 6, 17, 26).   
 Le Comité respecte la diversité des cultures et des principes moraux de tous les pays, mais rappelle que ceux-ci demeurent toujours subordonnés aux principes de l’universalité des droits de l’homme et de la non-discrimination (Observation générale no 34 (2011) relative à l’article 19: Liberté d’opinion et liberté d’expression, par. 32). Par conséquent, l’État partie devrait dépénaliser l’homosexualité et prendre les mesures nécessaires afin de  protéger la liberté et la vie privée de la personne.  
 
 9.  Le Comité constate avec préoccupation que l’inégalité entre hommes et femmes   dans certains domaines des affaires publiques, notamment dans la magistrature, la diplomatie et dans les hautes fonctions de l’administration publique. Le Comité est préoccupé par la persistance d’une discrimination à l’égard des femmes par rapport aux hommes concernant la transmission de la nationalité, ( l’article 16 de la Loi No. 1961-112, modifiée); les discriminations qui existent à l’égard de la femme dans le Code du statut personnel de 2001(articles 9-13) concernant la mise sous tutelle de la femme non mariée; ainsi que celles qui touchent aux droits successoraux et aux droits des époux pendant et à la dissolution du mariage. (art. 2, 3, 23, 26).
 L’État partie devrait poursuivre ses efforts en vue d’améliorer le taux de représentation des femmes dans les affaires politiques et publiques, poursuivre des campagnes visant à vulgariser et informer les femmes de leurs droits. L’Etat partie devrait réviser  son Code de la nationalité afin de permettre aux femmes mauritaniennes de transmettre leur nationalité à égalité avec les hommes et  le Code du Statut personnel de 2001 afin d’en retirer les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes. 
  
10. Le Comité note avec préoccupation que les violences domestiques, en particulier, les violences à l’égard des femmes, y compris le viol, persistent dans l’Etat partie. Le Comité s’inquiète également de ce que ces violences ne sont pas toujours poursuivies et sanctionnées ; qu’en outre, pour que le viol soit puni, la victime doit faire comparaitre un témoin. Le Comité est, en outre, préoccupé par la stigmatisation des femmes victimes de viol et par le fait qu’elles peuvent s’exposer à des poursuites pénales.  Le Comité est préoccupé enfin par l’absence d’informations sur l’impact des mesures de protection prises par l’Etat partie,  l’insuffisance des centres d’accueil pour les femmes victimes de violence ainsi que par l’absence d’informations sur les campagnes menées contre la violence à l’égard des femmes (art. 3, 7, 23).. 
L’État partie devrait s’assurer que les femmes victimes de violences, y compris de viol, peuvent facilement porter plainte, et dans ce sens, devrait revoir l’exigence de comparution d’un témoin pour les plaintes de viol.  Il devrait également renforcer les mesures de protection à l’égard des victimes et s’abstenir de poursuites pénales.  L’Etat partie devrait enfin renforcer ses campagnes de sensibilisation notamment dans le cadre du plan d’action national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles et former les agents d’application de la loi sur les violences faites aux femmes. L’Etat partie devrait  faire figurer dans son prochain rapport au Comité les résultats de l’enquête réalisée par l’Office national de la statistique sur toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des fillettes et fournir des données statistiques sur les enquêtes, poursuites, condamnations et sanctions prises à l’égard des auteurs de violences à l’égard des femmes .
 
11. Le Comité prend note des renseignements fournis  par l’État partie sur les mesures prises pour lutter contre les mutilations génitales féminines. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par la persistance de .cette pratique dans l’Etat partie. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les données statistiques sur les sanctions prises contre les auteurs de mutilations génitales féminines et sur l’absence d’une loi spécifique à ce sujet (art. 3, 7, 24). 
 L’État partie devrait veiller à l’application effective de l’article 12 de l’ordonnance de protection pénale de l’enfant et adopter le projet de loi criminalisant de manière spécifique les mutilations génitales féminines. L’Etat partie devrait également renforcer et poursuivre ses campagnes et autres mesures de sensibilisation et de lutte contre les mutilations génitales féminines auprès des populations, y compris dans les zones rurales.  
 
12. Le Comité prend note avec reconnaissance  que l’Etat partie observe un moratoire sur l’exécution de la peine de mort depuis 2007. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par le fait  que la peine de mort est encore prévue dans le Code pénal et appliquée par les juridictions internes, y compris à l’égard des crimes commis par des mineurs.  Le Comité est, en outre, préoccupé par le fait que la peine de mort n’est pas limitée aux crimes les plus graves et est imposée en contravention avec les dispositions de l’article 6 du Pacte  ainsi que  par les  allégations sur l’imposition de la peine de mort suite à des condamnations fondées sur des aveux obtenus sous la torture ou suite à des procès ne respectant pas toutes les garanties prévues à  l’article 14 du Pacte. (art. 6, 14).
 L’Etat partie devrait envisager d’abolir la peine de mort et de ratifier le Deuxième protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à l’abolition de la peine de mort. L’Etat partie devrait s’assurer qu’en aucune circonstance, la peine de mort n’est imposée en violation aux garanties prévues à l’article 6 du Pacte. 
 
13. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de personnes tuées suite à la  répression par les forces de sécurité, lors  de différentes manifestations organisées dans le pays, notamment dans la localité de Magahama, le 27 septembre 2011 et  lors de la grève des employés de la société Mines de cuivre de Mauritanie, en juillet 2012. Le Comité est également préoccupé de l’absence d’informations concrètes et détaillées sur les enquêtes menées sur ces faits.  (art. 6). 
L’État partie devrait mener systématiquement des enquêtes approfondies sur ces actes, poursuivre les responsables présumés en justice et, s’ils sont reconnus coupables, les punir en proportion de la gravité des faits, accorder une indemnisation appropriée aux victimes et à leur famille.  Il devrait développer et étoffer les programmes d’enseignement des droits de l’homme, et en particulier des dispositions du Pacte, destinés aux membres des forces de sécurité. L’Etat partie devrait informer le Comité dans son prochain rapport sur les suites de l’enquête menée par le Parquet de Kadéi et ses suites concernant la mort du jeune Lamine Manghane.
 
 14. Le Comité note avec inquiétude que ni la Constitution (art. 13), ni le Code pénal, ni le Code de procédure pénale (art. 58) ne définissent la  torture et ne l’incriminent  comme un crime spécifique ; ce qui empêche  la torture d’être  suffisamment réprimée. Il est également préoccupé par les allégations faisant état de la pratique systématique de torture et de mauvais traitements ou d’usage excessif de la force par des membres de la police ou des forces de sécurité lors des manifestations, d’arrestations ou d’interrogatoires, y compris de suspects de terrorisme et des migrants, dans des lieux de détention notamment celles de Dair Naim.  Le Comité est préoccupé, en outre, qu’aucune autorité indépendante spécifique ne soit établie pour examiner les plaintes  contre les forces de police et de sécurité.   (art. 7 et 10).
L’État partie devrait adopter une définition de la torture et incriminer clairement  la torture dans le Code pénal en conformité avec l’article 1 de la Convention sur la torture et les normes internationales pertinentes. Il devrait également  veiller à ce que toute enquête sur des actes de torture, de mauvais traitements ou d’usage excessif de la force imputés à des membres de la police ou des forces de sécurité soit menée par une autorité indépendante.  L’Etat partie  devrait, en outre, s’assurer que les membres des forces de l’ordre soient formés à prévenir la torture et les mauvais traitements et à enquêter sur ces infractions en veillant à ce que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) soit intégré dans tous les programmes de formation qui leur sont destinés. Il devrait par ailleurs garantir que les allégations de torture et de mauvais traitements donnent lieu à des enquêtes approfondies et impartiales, à ce que les auteurs présumés soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et à ce que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate. L’Etat partie devrait garantir un accès régulier à tous les lieux de privation de liberté  et mettre en place le Mécanisme national de prévention contre la torture suite à sa ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. 
 
 15. Tout en notant les explications fournies par l’Etat partie, le Comité demeure préoccupé  par les allégations selon lesquelles la torture est pratiquée pour extorquer des aveux qui sont ensuite admis par les tribunaux pour établir la culpabilité des détenus (art. 7, 14). 
L’État partie devrait s’assurer que des aveux obtenus sous la contrainte ne soient pas utilisés ou admis par les tribunaux comme preuve de la culpabilité des suspects. En ce sens, l’Etat partie devrait assurer une application effective  de son Code de procédure pénale qui dispose que « l’aveu obtenu par la torture, la violence ou la contrainte, n’a pas de valeur ». 
 
 16. Tout en notant l’adoption par l’Etat partie de l’ordonnance No. 2005-015 du 5 décembre 2005, portant protection pénale de l’enfant, le Comité est préoccupé par le fait que les châtiments corporels des enfants persistent dans l’Etat partie et ne  sont pas explicitement interdits par la loi. (art. 7, 24). 
 L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la pratique des châtiments corporels en toutes circonstances. Il devrait encourager l’utilisation des méthodes disciplinaires non violentes pour remplacer les châtiments corporels et mener des campagnes d’information afin de sensibiliser le public aux conséquences préjudiciables de ce type de violence.
 
17. Le Comité  est préoccupé par le fait que, malgré les multiples initiatives législatives ayant commencé par l’abolition formelle de l’esclavage aussi tardivement qu’en 1981 et plus récemment en 2012, la pratique de l’esclavage persiste dans l’Etat partie.   Le Comité regrette ainsi l’absence de données statistiques concrètes et détaillées sur la pratique de l’esclavage ainsi que sur les enquêtes menées, les poursuites, les condamnations etc.

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