mardi 24 septembre 2013

entretien accordé par Moussa Fall à l'hebdomadaire Le Calame - dir. Ahmed Ould Cheikh



Questions à Monsieur Moussa Fall président du Mouvement pour un Changement  Démocratique (MCD) membre de la COD


1°) On observe depuis quelque temps, des tentatives de rapprochement entre la COD et la CMP, via le président de  l’Assemblée Nationale. Pensez-vous que le dialogue aura lieu pour permettre  enfin d’aller à des élections inclusives, donc avec la participation de la COD ?

La réponse à cette question n’est pas aussi simple. Il faut remonter aux origines de la crise politique que vit actuellement le pays pour la comprendre d’abord, et pour la surmonter ensuite avec les solutions les plus adaptées et les plus durables.

On se souvient que le coup d’état de 2005 advenu, selon ses auteurs - qui manifestement ne s’en souviennent plus - pour mettre fin au système autocratique qui avait atteint ses limites en particulier dans le domaine de l’exercice de la démocratie. Il était alors évident pour tous que des élections libres et transparentes ne pouvaient être organisées par un pouvoir personnel disposant d’un parti hégémonique et instrumentalisant l’état à des fins électorales. Les élections n’étaient alors que des mises en scènes, des faire valoir  ridicules qui ne pouvaient conduire à aucune alternance au pouvoir.

Pour débloquer cette situation il a fallu passer par un coup d’état militaire qui, pour avoir proposé de bonnes solutions, avait été bien accueilli par la classe politique et la société civile dans leur ensemble.

Le régime de la Transition de 2005 à 2007 avait conçu et mis en œuvre, par voie de concertation, des réformes structurelles de grande qualité. Il avait aussi organisé les élections législatives et municipales, dans un premier temps, puis présidentielles par la suite, qui en dépit de quelques imperfections non souhaitées, furent considérées comme les plus démocratiques que le pays ait connues.

Un régime civil a vu le jour. Ce régime incarnait des promesses certaines en matière de démocratisation et de développement économique du pays. Mais la lenteur dans la mise en œuvre des réformes structurelles notamment en matière de moralisation de la vie publique et, aussi,  les conditions politiques, sécuritaires et économiques extrêmement difficiles qu’il a dû affronter durant ses quelques mois de pouvoir ont servi de prétexte aux auteurs du coup d’Etat.

Revenu à grands renforts de slogans, de promesses et de gestes démagogiques et populistes le régime militaire a su attirer l’adhésion de certaines franges des couches populaires ce qui lui a permis de résister au FNDD et de venir à bout de l’hostilité de la Communauté Internationale que la lutte contre le terrorisme et les menaces de déstabilisation de la sous région préoccupaient plus que tout.

Aujourd’hui, après cinq ans d’exercice du pouvoir, le verni populiste est tombé : La corruption sévit de manière peut être plus concentrée mais plus nocive pour le pays; le népotisme  se pratique avec outrecuidance ; les promesses en matière de lutte contre la pauvreté n’ont donné aucun résultat tangible. Sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, la Communauté Internationale s’est investie directement relativisant ainsi le rôle des sous traitants.

Sur le plan politique le retour aux pratiques anciennes est encore plus flagrant : Le leader qui tirait sa force d’une relation directe avec son peuple se voit, aujourd’hui, obligé de recourir aux intermédiaires classiques qui reviennent aux affaires avec des avantages en dessous de table et des nominations dans les conseils d’administration.  Les accueils populaires sont organisés à l’image du déjà vu avec les intermédiaires coutumiers, les hauts responsables de sociétés et d’institutions publiques, les fonctionnaires, les hauts gradés de l’armée et les hommes d’affaires. Les nominations aux hautes fonctions ne respectent que deux critères : l’électoralisme et le népotisme. Le parti de l’Etat convoque en présence de conseiller à la présidence les hommes d’affaires pour leur soutirer le financement de ses activités. Et depuis le commencement de la campagne des investitures des candidats pour les élections envisagées on voit s’activer sur le terrain des généraux, des directeurs généraux de sociétés publiques, des hauts responsables, des notables au profit des seuls candidats du parti de l’état. Comment voulez vous organiser des élections justes et équitables avec de telles pratiques ?

Vous m’excuserez pour cette longue introduction dont l’objet est de formuler les éléments du diagnostic de la crise politique actuelle. Nous voilà donc revenus au point de départ : Une impasse du processus de démocratisation qui ne peut être réglée que par des réformes en profondeur. Ce ne sont pas des miettes que l’on jette avec hauteur à une opposition que l’on croit en déconfiture qui règleront cette crise.

Le Président de l’Assemblée Nationale a engagé récemment une intermédiation entre la COD et le Président de la République. Cette démarche louable a suscité des  réactions encourageantes à ce stade. Mais on ne peut aboutir à des résultats positifs que si on considère avec sérieux et responsabilité les questions fondamentales qui se posent au pays avec l’intention de leur trouver les solutions durables et acceptables par tous.




2°) Que faudrait-il attendre  de la rencontre  attendue entre le président Ahmed Ould Daddah et le président de la République ?

Je ne suis pas au courant d’un rendez vous entre le Président Ahmed Ould Daddah et le Président de la République. Toutefois si cette rencontre devait avoir lieu on est en droit d’espérer qu’elle puisse contribuer à la recherche d’une issue raisonnable à la crise politique que traverse le pays.
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3°) A votre avis, sur quoi doit porter le dialogue que réclame la COD, après ce qu’on a considéré comme des « concessions » de la part du  pouvoir?

Selon moi tout dialogue sérieux doit porter sur une seule revendication : l’édification d’un véritable Etat de droit dans notre pays. Un Etat dans lequel les pouvoirs sont équilibrés et dans lequel les institutions sont solides, rassurantes et crédibles. Un Etat qui ne peut être confisqué, ni par une personne, ni par une tribu, ni par une junte. Un Etat où l’exécutif est soumis aux Lois de la République et non l‘inverse. Un Etat où l’administration est au service du citoyen sans discrimination et sans favoritisme. Un Etat où l’armée se tient à l’écart du jeu politique pour garantir son impartialité et assumer ses responsabilités républicaines.

C’est cet Etat qui répond à la demande politique et historique actuelle et c’est cet Etat, et peu importe celui qui se trouvera à sa tète, qui pourra organiser des élections inclusives en identifiant les sources du déséquilibre du jeu électoral tout en mettant œuvre les mesures de leur éradication.

Quelles sont, de mon point de vue, les sources du déséquilibre des compétitions électorales?

Il y a d’abord l’ingérence de hauts dignitaires de l’armée dans le jeu politique qui doit être éradiquée par des mesures radicales. Tout officier, sous officier ou simple soldat qui s’adonne à la politique doit être immédiatement mis à la retraite d’office.

Il y a ensuite l’instrumentalisation de l’Etat et de l’administration. Pour mettre fin à cette pratique il y a lieu d’établir des listes de fonctions politiques et des listes des fonctions administratives et techniques. Les politiques peuvent être nommés sur des bases politiques et seront autorisés à s’investir sur le champ politique. Les administratifs et les techniques seront nommés et promus sur la base de critères professionnels. Interdiction doit leur faite de s’impliquer ouvertement dans les évènements politiques. Tout responsable pris en flagrant délit d’exercice d’une activité politique partisane doit être immédiatement demis de ses fonctions.

Il y a enfin le déséquilibre dans les capacités de mobilisation des financements des activités des partis : fonctionnement, campagnes électorales.  Dans ce domaine il faut une règlementation rigoureuse assurant un minimum d’équité entre les principaux partis politiques en interdisant l’utilisation des moyens de l’Etat et de ses Institutions au profit d’un parti ou d’un candidat et en interdisant aussi formellement aux partis de la majorité d’user de leur poids et de leur influence pour exercer une pression ou un chantage déguisé sur les hommes d’affaires afin de leur extorquer des fonds.

4°) De profondes divergences ont émaillé les travaux du présidium de la COD qui a fini par s’en remettre à une commission et certains partis, particulièrement Tawassoul ont été suspectés  de vouloir prendre part au scrutin du 23 novembre. En cas d’échec, ne craignez-vous  pas la dislocation de la coordination, tant redoutée  par les partis membres, et espérée du côté du pouvoir ?

La question de la participation aux élections ou de leur boycott, en l’état actuel des choses, est une question tactique. Chaque parti est libre de choisir la voie que lui dicte l’analyse de l’environnement politique et de sa propre situation. Si les repères fondamentaux que constituent l’attitude vis à vis du pouvoir et la détermination à œuvrer pour la rupture avec les régimes autocratiques à travers l’édification d’un état de droit restent inchangés il n’y aucune raison de voir la COD se disloquer.

5°)  Que répondez-vous au pouvoir qui vous reproche de craindre d’aller aux élections pour ne pas vous découvrir ?

On lui répond que des élections organisées dans les conditions présentes n’ont aucune signification politique. Le déséquilibre en amont, entre les différents compétiteurs, est tel qu’elles ne reflèteront aucune réalité.
C’est trop facile de défier une personne armée d’un bâton quand on tient en main une kalachnikov.

6°) De quoi aurait-elle peur la COD pour aller aux élections de novembre ?

La Cod n’a pas peur d’aller aux élections mais il faut que celles-ci aient une signification politique et un intérêt démocratique avérés.

A mon avis, les élections programmées pour novembre n’apporteront aucune solution à la crise politique que traverse le pays.


8°) Pensez-vous que dans l’état actuel des choses, on puisse mettre œuvre  les concessions du pouvoir pour  permettre d’organiser des élections à la date fixée par la CENI ?

Les concessions telles qu’annoncées ne sont en vérité que des trompe-l’œil vides de contenu.

La Commission parlementaire d’audit n’a aucune compétence technique pour auditer l’Etat civil. Elle peut tout au plus recourir au service d’une institution spécialisée dans ce domaine ; institution dont le choix et le travail demanderont des délais qui excèderont de plusieurs mois les délais impartis.

L’élargissement de la CENI est un appât pour enfants gloutons. Il n’influera en rien sur la qualité et l’efficacité du travail de l’actuelle CENI.

L’observatoire, par contre, pourrait être une bonne idée aux conditions suivantes :
-         Conclure un accord consensuel pour édifier un Etat de Droit et organiser des élections libres, transparentes et équitables.
-         Identifier et recenser toutes les mesures pratiques à mettre en œuvre à cet effet.
-         Mettre  en place l’observatoire sur des bases consensuelles
-         Doter cet observatoire des pouvoirs, de l’autorité et de l’indépendance financière requis pour la réalisation de sa mission
-         Confier à cet observatoire la mission de surveillance, du contrôle de la mise  en œuvre et du respect des mesures arrêtées d’un commun accord pour l’organisation des élections inclusives et pour l’édification de l’Etat de Droit. Cette mission doit être nettement séparée de celle de la CENI. L’observation sera un arbitre dont les prérogatives concernent le respect des règles établies pour assurer l’égalité des chances, en amont, entre tous les compétiteurs. La CENI, quand à elle, ayant pour mission d’assurer la transparence et la sincérité des opérations électorales.

Vous constaterez vous même que tout ce processus ne pourra aboutir dans les limites du temps fixées par l’agenda électoral actuel.

9°) Comment interprétez-vous le silence des partenaires au développement de la Mauritanie sur les élections  en Mauritanie, alors qu'en Guinée, au Mali, à Madagascar, ils pressent les acteurs à s'entendre pour des élections apaisées?

Je ne peux pas répondre à la place des partenaires au développement de la Mauritanie. J’entends dire, et c’est logique, qu’ils œuvrent pour la tenue d’élections inclusives et consensuelles. C’est leur ligne de conduite partout. Maintenant la visibilité et l’intensité de leurs démarches doivent dépendre de la situation qui prévaut dans chaque pays.


10°) Les dernières pluies tombées sur Nouakchott ont mis à nue le problème d’assainissement de Nouakchott. Vous ne partagez-vous pas l’avis du président de la République qui  en substance que les moyens du gouvernement ne permettent pas d’y faire face ?
Les premiers quartiers de Nouakchott étaient dotés d’un système d’évacuation des eaux insalubres. Par la suite, il y a eu de longues années de sècheresse. Mais durant ces dernières années plusieurs le problème de l’assainissement à Nouakchott  se pose de manière aigue avec une acuité particulière en période d’hivernage. Il trouve son origine dans la combinaison de plusieurs  phénomènes: La proximité de l’Océan et la nature du sol et son niveau par rapport à la mer qui sont des données géographiques naturelles ; l’augmentation  des eaux usées consécutive à la mise en exploitation de l’Aftout Essahili qui devient permanente et la  pluviométrie (qui s’améliore) qui est saisonnière. La réponse à ce problème doit être radicale et durable. Ce n’est pas au moment où les pluies commencent à tomber qu’il faut s’interroger sur la disponibilité des moyens mais bien avant. Une bonne gouvernance est une gouvernance de précaution et de prévention.
11°)   Chaque fois qu’il parle à la nation, le président laisse entendre que les caisses de l’état sont pleines alors que la croissance  de presque 6%  ne tire pas le chômage vers le bas et  les prix ne cessent augmenter,   panier de la ménagère  , de se creuser. Qu’en pensez-vous ?          
 Au cours des 4 dernières années la Mauritanie a connu une conjoncture économique exceptionnelle. Cette conjoncture découle, pour l’essentiel, de l’irruption des pays émergents et, en particulier de la Chine et de l’Inde, sur le marché des matières premières. Ainsi, et pour ce qui nous concerne, le prix du fer est passé durant cette période de 80 à 148 $/T ; celui de l’or de 973 à 1600 $/once ; celui du cuivre de 5165 à 7800 $/T.  Pour la même période les espèces nobles de poisson on vu leur prix monter de 6200$/T à 12000$/T. A ces résultats exceptionnels obtenus grâce à une conjoncture internationale particulièrement favorable sont venus s’ajouter des recettes exceptionnelles d’origine inavouée et un effort appréciable fourni par l’administration fiscale.
Pour ces raisons tous les indicateurs macroéconomiques du pays ont enregistré une progression phénoménale. Le budget de l’Etat est passé de 242 en 2009 à 460 milliards d’ouguiyas en 2013, les réserves en devises se sont accrues, sur la même période, de 238 à 876 millions de dollars US et le PIB a augmenté de 800 à 1300 milliards d’ouguiyas.
Cela dit la gestion de l’Etat ne doit pas être appréciée par ces performances, pour l’essentiel venues d’ailleurs, mais à travers la question fondamentale de l’emploi des ressources générées par cette conjoncture. Et c’est à ce stade qu’il faut poser les questions suivantes :
Le doublement du budget de l’Etat a-t-il divisé par 2 le taux prévalence de la pauvreté dans le pays ? Les enquêtes sur les conditions de vie des ménages et sur l’évolution de l’indice de pauvreté n’ont pas été réalisées depuis 2008. Mais de l’avis de tous, y compris des populations elles-mêmes, aucune amélioration sensible n’a été enregistrée. Le FMI, qui délivre pourtant des satisfécits à tour de bras sur la gestion du pouvoir, reconnaît que « les taux de pauvreté et de chômage restent élevés et la mise en œuvre du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) avance de façon inégale. » (rapport du FMI juillet 2013).
 Le doublement du budget de l’Etat a-t-il multiplié par 2 les performances du système éducatif dans nos écoles ? Sur le plan quantitatif le taux net de scolarisation dans le primaire a reculé pour passer de 76% des inscrits en première année en 2008 à 72,7%  (source FMI) et, sur la même période, le taux de promotion des élèves commençant la première année et qui terminent l’école primaire est tombé de 81,8% à 65,2% (source FMI). Quand à la qualité de l’enseignement public il suffit de constater, pour l’apprécier, comment il est déserté par tous ceux qui peuvent avoir les moyens de financer les études de leurs enfants. Personne n’ignore l’importance primordiale de l’éducation dans une stratégie de développement d’un pays. C’est un secteur qui doit bénéficier de toutes les ressources que requiert sa réhabilitation.
Le doublement du budget de l’Etat a-t-il permis de traiter les problèmes structurels que connaît notre société ? Aucune action d’envergure n’a été mise en œuvre pour engager les reformes sociales vigoureuses qu’exigent la préservation et la consolidation de notre unité en tant que pays multiethnique et notre cohésion sociale en tant que société jusqu’ici stratifiée et inégalitaire. La modernisation de notre société mérite des investissements massifs que la conjoncture actuelle peut permettre de réaliser.
Le doublement du budget de l’Etat a-t-il permis de créer les bases pour la diversification du tissu économique et l’amélioration du climat des affaires dans notre pays ? L’économie nationale reste tributaire du secteur minier en particulier. Ce secteur présente deux inconvénients majeurs : Sa dépendance vis à vis de l’extérieur et l’épuisement des gisements au fur et à mesure de leur exploitation.  Ouvrons ici une parenthèse pour souligner que les ressources tirées du fer, auraient pu être beaucoup plus importantes. Mais la SNIM est plus sensible aux instructions tendant à augmenter le volume des dividendes distribués et à investir dans des activités totalement étrangères à son domaine plutôt que de consacrer l’essentiel de ses ressources à son propre développement.  Au moment où, sur la période allant de 2002 à 2011, la Chine a augmenté sa production de 246% ; l’Australie de 161% ; l’Inde de 128% ; l’Iran de 100% ; le Brésil de 82% ; la production de la Mauritanie est restée stagnante à 11 millions de tonnes/an. Imaginez ce que le pays aurait engrangé avec l’explosion des prix du fer dans cet intervalle de temps si la SNIM avait investi à bon escient pour accroitre ses capacités de production.
Revenons à notre sujet pour dire que l’une des priorités d’une bonne gouvernance est d’asseoir l’économie nationale sur des bases diversifiées et saines afin d’assurer une croissance plus pérenne et moins vulnérable aux chocs extérieurs et aux aléas climatiques. L’une des conditions de cette diversification est l’amélioration du climat des affaires. Or depuis 2009 le harcèlement et la persécution de certains hommes d’affaires se sont traduits par une fuite de capitaux et par des délocalisations dans les pays voisins.
Le triplement des réserves en devises de la BCM a-t-il redressé la dépréciation en continu l’ouguiya sur le marché de change ? « L’ouguiya a continué de se déprécier progressivement. Le taux de change effectif réel s’est déprécié de 3,3 % en 2012 » (Rapport du FMI juillet 2013). Sur le marché non officiel la dépréciation est beaucoup plus sensible et c’est sur ce marché que s’effectuent l’essentiel des transactions. La détérioration du cours de la monnaie nationale entraine inévitablement la baisse du pouvoir d’achat des populations.
Quelle est la politique suivie par les autorités actuelles et quels sont les choix vers lesquels ont été orientées les ressources obtenues ?
Il y a les grands investissements en matière d’énergie qui couteront 1,4 Milliards de $ et qui produiront une puissance disponible de 900 MW pour des besoins estimés à 300 Mw seulement à l’horizon 2024 avec une ligne de transport pour Nouadhibou que les experts jugent totalement injustifiée.
 Il y a l’aéroport Nouakchott dont les travaux risquent de ne jamais s’achever, dont le cout est tenu secret et dont la capacité d’accueil est prévue pour 2 millions de passagers/an au moment ou le trafic aérien à Nouakchott ne dépasse pas les 120 mille passagers/an
 Il y a les villes en zones inhabitées qui ne correspondent à aucun besoin urbanistique mais qui engloutissent des financements colossaux que l’on aurait pu utiliser pour construire, par exemple, un réseau d’assainissement dans les grandes villes traditionnelles du pays.
 Il y a un projet sucre qui requiert un financement approchant les 500 millions de $ dont la rentabilité est plus qu’aléatoire. Et c’est une aberration, de nos jours, de voir l’Etat s’investir en première ligne dans ce type d’activités.
Il y a un réseau routier et de voieries qui est réalisé, le plus souvent, avec improvisation et amateurisme. En témoignent les cratères qui jalonnent les grands axes de Nouakchott et les affaissements et lézardes que l’on constate dès l’achèvement des travaux alors que la norme établie pour l’enrobé est de 15 ans de durée de vie.
Il y a les transferts et subventions qui sont passés de 20 milliards en 2009 à 105 milliards (2 fois le budget de l’éducation nationale) en 2012 reflétant une étatisation galopante de l’économie.
En période de réalisation tous ces projets ont un impact trompeur sur l’évolution du PIB. Les 6.3 % de croissance sont obtenus grâce principalement au secteur du bâtiment et des travaux publics. Je ne dis pas qu’il n’y a que du négatif dans tout ce qui est réalisé. Mais il est fort à craindre que, à l’heure des bilans, on ne retiendra, pour le pouvoir actuel, que le coup d’Etat contre la démocratie en 2008 et les éléphants blancs que seront devenus des centrales sous employées et couteuses, un projet d’aéroport inachevé, des villes fantômes inhabitées, des routes et voieries en perpétuelle réfection, des établissements publics structurellement déficitaires….etc.  Tout cela dans une démarche générale marquée par l’improvisation, l’irresponsabilité et l’absence de vision stratégique.
A l’heure des bilans le pays se rendra compte que de précieuses opportunités ont été perdues et que de nombreuses ressources ont été gaspillées mais, à ce moment là, il sera déjà trop tard.

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