samedi 24 août 2013

ce que je pense



Ce que je pense – le carrefour si fréquent, participer ou pas à un scrutin « joué d’avance »



Apparemment, la situation mauritanienne n’est pas nouvelle. Depuis qu’en 1991, après treize ans de règne autoritaire et parfois sanglant, les militaires putschistes ont accepté de « jouer le jeu démocratique », d’oragniser des élections et de permettre des partis politiques, la suspicion s’est aussitôt faite sur les conditions pratiques des scrutins. Elles ont toujours paru suspectes, précisément parce que si le pouvoir y consent, c’est qu’il y trouve son avantage, le moyen de se perpétuer au pouvoir. Donc, le boycott en réponse. Mais il n’a jamais été total. Ahmed Ould Daddah de retour au pays l’a enfreint, doublant donc Messaoud Ould Boulkheir qui s’y tenait selon les décisions du Front uni de l’opposition d’alors : il s’en est fait un ennemi définitif, ce qui aujourd’hui encore est une des plaies de la vie publique mauritanienne, cette inimitié mutuelle. Chbih fut candidat en 1997. Chacun y alla en Novembre 2003 – juste dix ans, présage d’une chute moins de deux ensuite après un énième triomphe, ce qui ne semble pas frapper Mohamed Ould Abdel Aziz – et chacun y alla en Juillet 2009, alors même que toutes les conditions exigées pendant les mois qui suivirent le putsch n’étaient manifestement pas remplies : seul l’héroïque Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi avait rempli la sienne, par civisme et abnégation. Et les élections de 2006-2007, censément exemplaires furent organisées en chronologie étrange et en latitude laissée à tout indépendant des partis « classiques » de courir sa chance, faute que les militaires aient pu décemment revenir sur leur parole de ne pas concourir à l’élection : le piège s’organisa dès ce moment avec l’étrangeté de prévoir le résultat du 25 Mars puisque la compensation des perdants sembla avoir été organisée d’avance : position du responsable de celui disposant du plus grand nombre de siècles au Parlement, même s’il n’en fait pas partie (ce qui désignait déjà Ahmed Ould Daddah) mais qui fut laissée à la ratification du vainqueur. De la même manière furent pourvues la présidence de l’Assemblée et la primature.

Deux confirmations aujourd’hui. La première est que le tenant du pouvoir est assurément gagnant quelle que soit la date constitutionnelle ou pas du scrutin. Depuis l’administration coloniale, la dépendance d’une majorité écrasante de la population mauritanienne vis-à-vis de l’Etat quelqu’en soit le chef force les consciences et le vote. Pour être civique en Mauritanie, en Afrique, il faut un héroïsme et un degré de culture politique et économique dont les pays développés, par exemple mon cher pays, la France, ne sont manifestement pas ou plus capables. Qu’ils ne parlent donc pas d’exemple. La seconde est que l’opposition ne s’unit jamais durablement, car elle ne sait pas prendre l’initiative. Et la seule qui était possible depuis 2008 était de tenir une ligne, une seule : certainement celle d’un rétablissement, au besoin conditionné et consensuel, de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. A défaut de ce rétablissement et puisqu’une autre élection s’était tenue légalement du fait de sa courageuse abdication, il fallait, il faut encore que tous les opposants désignent – tout de suite, maintenant – un candidat unique pour la prochaine élection présidentielle. Celui-ci sera donc – tout de suite, maintenant – le « challenger » permanent de Mohamed Ould Abdel Aziz, le porte-parole permanent des populations se reconnaissant peu à peu en lui, et lui confiant leurs souhaits à proportion qu’ils sont déçus par « le président des pauvres », l’incarnation pour l’étranger et les partenaires de la Mauritanie d’un pays qui peut se redresser et qui en a déjà l’âme, et qui en reconstituera les moyens. Alors, la partie deviendrait égale. Idéalement, le processus – pour passer de la dictature et du cynisme à l’air libre de la sincérité –devrait être le gouvernement de transition et de consensus justement proposé depuis des mois par Messaoud Ould Boulkheir. De manière précisément à ce que l’administration territoriale – enfin – ne pèse plus sur les comportements électoraux. Rêve ? Le système du parti unique de l’Etat, avec Moktar Ould Daddah avait traité le problème franchement. Oui, l’administration oriente les élections et anime la population, donc un parti unique, donc des scrutins joués d’avance, certes, mais le consensus constamment recherché et dont les élections ne sont que la traductionune fois qu’il est obtenu, et la démocratie s’inventant au jour le jour dans un système de gouvernement très délibératif permettant toutes les évolutions institutionnelles et tous les débats. L’absence de votation en Bureau politique, sauf – exemple a contrario – lors de la crise d’Octobre 1963 qui conduit au congrès historique de Kaédi… faisait que le Président lui-même pouvait sans déchoir être convaincu par des opinions majoritairement contraires à celle qui était la sienne initialement en entrant en salle du Conseil ou du Bureau politique.

La Coordination de l’opposition démocratique a énoncé de la manière la plus précise et la plus lucide les conditions – minimales – pour que des élections soient honnêtes. Avec force Ahmed Ould Daddah les a rappelées en réponse cinlante aux appels de Mohamed Ould Abdel Aziz, pas même capable d’adresser personnellement son message à un « chef de file de l’opposition démocratique », institution certes démodée et dépassée mais existant encore et rendant statutaires les rencontres.

Ne pas s’y tenir, c’est évidemment confirmer la jurisprudence de vingt-deux ans : l’union des opposants ne tient jamais devant les initiatives du pouvoir et surtout la perspective des élections. Tawassoul a une occasion unique de montrer que convictions islamistes et démocratie sont bien le visage de la religion et de la politique en République Islamique de Mauritanie. S’en tenir loyalement aux décisions de boycott arrêtées depis longtemps en conférence des présidents de parti : pas de surprise. Mais le calcul qu’être, en participant, les champions de tout et de tous face à la dictature, tandis que seront absents de la campagne les autres partis les plus importants ou dont les chefs sont les plus respectables et notoires, est à très courte vue. Le pouvoir ne sera pas gagné ainsi, et la Mauritanie même en parti unique de l’Etat n’a jamais été gouvernée qu’en coalition de fait. La transgression du boycott va provoquer une scission de Tawassoul entre démocrates, loyaux à la Coordination, et islamistes se croyant en Turquie, en Tunisie, en Egypte, exemples peu concluants, et surtout situation pas du tout mauritanienne. Tawassoul y perdra, Mohamed Ould Abdel Aziz y gagnera, se posant en rempart contre les islamistes – que seule la démocratie, celle incarnée pendant quinze mois par Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, avait légalisés contre les militaires, version Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya ou Ely Ould Mohamed Vall – contre les « terroristes » potentiels, interprétation des « Occidentaux ». Belle posture, mais pauvre pays ! celui de mon adoption puisqu’il m’a adopté depuis 1965.

Pour l’opposition, les oppositions. Seule logique, le boycott. Puis la candidature pré-proclamée et unique. Et les « dialoguistes » ne doivent pas avoir pour impératif une démocratie que manifesterait « la plus large participation » (Mustapha Ould Abeïderrahmane), mais une démocratie sincère que la réalisation des conditions posées par la Coordination peut seule introduire.

Pour Mohamed Ould Abdel Aziz, c’est tout simple. Le gouvernement de consensus sera formé par Ahmed Ould Daddah et la garantie de sincérité du processus de retour à la démocratie sera donnée par Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi auquel le putschiste de 2008, traître à celui qui l’avait maintenu, promu et qui avait placé lui et ses amis en toutes places, présentera des excuses publiques. L’ancien président supervisera l’ensemble des institutions, des opérations et des contrôles nationaux et internationaux de l’élection, de quelque nature qu’elle soit : parlementaire, municipale, présidentielle. Les excuses vaudront pour tout le peuple mauritanien et pour tout le passé des militaires en politique : il sera dit solennellement qu’ils ne sont plus « les détenteurs en dernier recours de la souveraineté nationale » comme ils le prétendent à chacun de leur coup. Naturellement, terminant son mandat, leur version actuelle, Mohamed Ould Abdel Aziz n’en sollicitera plus aucun. Pas davantage aucun des hiérarques du conseil de défense nationale s’étant substitué pour la montre à la junte et à ses auto-appellations, en feint respect de la Consstitution. L’ancien président supervisera l’ensemble des institutions, des opérations et des contrôles nationaux et internationaux de l’élection, de quelque nature qu’elle soit : parlementaire, municipale, présidentielle. Et « l’opposant historique » rachètera son soutien mal inspiré et mal motivé aux putschistes pendant leurs premiers mois en n’étant que primus inter pares dans le gouvernement d’union nationale : son expérience, son prestige, son autorité, son nom-même feront le reste pour l’appréciation ds Mauritaniens. Viendra alors après un quinquennat de réhabilitation de la politique et sutout de l’économie et de la société (puisque tout régime putschiste fait renaître les tensions ethniques et les pratiques sociales les plus contraires à l’unité et à l’intérêt de la nation mauritanienne)… la relève des générations. Elle est attendue.

Est-ce rêver ? Plutôt que d’ « une balle amie », la raison, sinon la conversion.

10:48 25.08.13 aussi sur cridem.org      

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