mercredi 17 juillet 2013

vingtième anniversaire de l'hebdomadaire indépendant, un des honneurs de la Mauritanie contemporaine : Le Calame


Editorial

Sans peur et sans reproche

14 juillet 2013 : Le Calame fête ses vingt ans. Vingt ans de combat acharné pour la liberté d’expression, la démocratie, la justice sociale. Vingt ans de lutte contre l’arbitraire, les inégalités, le racisme.  Vingt ans d’engagement pour une Mauritanie juste, équitable et respectueuse des droits de ses citoyens. 

Avons-nous réussi ce challenge particulièrement difficile ? C’est à vous-mêmes, chers lecteurs d’en juger. Lorsque nous avons lancé le journal, en 1993, nous étions un groupe de jeunes idéalistes, croyant fermement que la liberté d’expression ne peut s’octroyer et qu’il faut l’arracher, au prix de lourds sacrifices, s’il le faut. C’est fort de ce paradigme que nous nous sommes lancés dans cette aventure, avec nos stylos pour seules armes. Face à un système qui balayait tout sur son passage et faisait peu cas de voix discordantes, notre canard a, pourtant, tenu bon. Les censures, les saisies, les interdictions, sans parler des menaces en tout genre ne nous ont pas déviés, d’un pouce, de la voie qu’on avait choisie. Dans une mer déchaînée, le navire a tenu bon et maintenu son cap. Jusqu’à la délivrance. Jusqu’à ce jour de 2006 où la profession s’est vue pourvue d’une loi  bannissant la censure. Le Calame est resté debout, les censeurs sont partis. Sans regrets mais, aussi, sans rancune. Nous avons gagné une première manche contre la bêtise humaine. Faut-il pour autant crier victoire ?

Prétendre qu’avec le départ de la dictature, le ciel s’est dégagé pour de bon serait bel et bien se leurrer. Certes, il n’y a plus de censure mais notre vie de tous les jours est loin d’être une panacée. Comme au « bon » vieux temps, le pouvoir nous considère toujours comme un adversaire et non un partenaire. Nous sommes encore frappés d’ostracisme et exclus de tout. La presse aux ordres, comme au temps de la Vérité/Al Bouchra, ne rate pas une occasion de s’en prendre à nous. Le Président nous ignore, lors de ses conférences de presse et ses (rares) rencontres avec les media. Nous n’avons pourtant rempli – ne remplissons et ne remplirons toujours, incha Allahou –  que notre devoir d’informer. Et nous n’avons fait qu’user – non abuser – d’un ton critique pour dénoncer les travers des régimes qui se sont succédé.

L’objectivité, disait Hubert Beuve-Méry, le fondateur du journal « Le Monde », n’existe pas. Il n’y a que de la bonne foi. S’il nous arrive de ne pas être objectifs – peut-on d’ailleurs l’être, quand l’intérêt suprême de notre pays est en jeu ? – rien, par contre, n’a pu ébranler notre (bonne) foi. Ni les brimades, ni les censures, ni les problèmes de tout ordre ne nous ont fait douter, un instant, de notre mission. Nous n’avons, jamais, cédé au découragement. Si certains ont quitté la barque, pour une raison ou une autre, le reste de l’équipage a réussi à la maintenir à flots.Le Calame a été. Le Calame est et Le Calame restera. Au grand bonheur  de ceux qui l’accompagnent depuis vingt ans maintenant. Sans peur et sans reproche.

Ahmed Ould Cheikh
éditorial n° 891
publié le mardi 16 juillet 2013


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