jeudi 18 juillet 2013

Mohamed Ould Cheikh - un homme d'Etat total pour l'immense ambition d'une construction nationale

pour joindre à une lecture du Coran en Ramadan – sourate 17 : le voyage nocturne



Ses hommes d’Etat pour la Mauritanie


Exactement comme en France pour un président né pendant le gouvernement de Pierre Mendès France (été de 1954) et qui eut quinze ans quand de Gaulle dût partir (printemps de 1969), écrire qu’il existe dans la mémoire nationale des précédents à ce qu’il devrait être : un homme d’Etat… il est possible d’écrire à mes chers amis mauritaniens, à mes compatriotes d’adoption depuis qu’ils m’accueillirent à mes vongt ans, chz eux, pour que j’y enseigne modestement à deux géénrations de leurs fonctionnaires, les apprentis et les briscards, les uns à préparer, les autres à améliorer, qu’il existe chez eux, dans leur histoire contemporaine des précédents, des modèles, des hommes d’Etat.

Emacié dès sa jeunesse d’instituteur, turbulent mais en sn âme, regard très perçant, barbe fine pour un menton aigu, profil acéré, il est aussitôt repéré par celui qui ne sait pas encore et qui ne voudra jamais être le dernier gouverneur colonial du Territoire français de Mauritanie, comme un adversaire de l’ancien cours et un propagandiste de la novation qui soudain est devenue possible. Il y a un texte nouveau, à la confection et à la novation de laquelle les Mauritaniens n’ont pris part que selon leur député et un sénateur, lui-même d’origine métropolitaine, et il y a surtout un homme nouveau pour des institutions tâtonnantes mais disponibles : la Loi-Cadre, dite loi Defferre, et Moktar Ould Daddah. Il faut un cadre législatif, constitutionnel, et il faut une certaine tête de file pour qu’émergent et trouvent le champ d’application du possible toute une génération. Mohamed Ould Cheikh est de celle-là, il va en être le meilleur élément, avec sans doute aussi pour l’administration intérieure du pays, Ahmed Ould Bah. Ce dernier, breveté de la France d’Outre-mer, façon ancien régime, donc polyvalence et très haut niveau. Celui-là, instituteur, et grand lecteur. Moktar Ould Daddah est davantage de son humble formation : celle du transistor, celle d’une écoûte du monde entier, le monde de Bandoeng, de Suez, de Nehru, de Nasser. Mais ils sont tous trois imprégnés d’une civilisation précise, le désir, le nomadusme ou le semi-noamdisme suivant que le troupeau est surtout camelin ou ne requiert que des bouviers.

En 1967, écarté du pouvoir plus encore par lui-même, chagrin et dubitatif pour la suite qui sera tout autre que celle qu’il eût inspiré, que par un Moktar Ould Daddah, désormais « patron » incontesté selon les observations de l’ambassadeur de France d’alors, Mohamed Ould Cheikh me racontait ces premières années. Sous la tente traditionnelle, à quelques dizaines de kilomètres de la capitale encore très loin des cinquante mille habitants : la sécheresse n’avait pas encore frappé, les dilemmes ethniques et des garanties à la minorité et autres projets ou propositions de fédération avaient été décisivement exorcisés par ce qui parut à l’époque des excès, les « événements » de Janvier-Février 1966, rien, vraiment rien à côté de ceux tragiques d’Avril-Mai 1989. En 1957-1958, dix ans auparavant, il était donc le chef du cabinet d’un très jeune vice-président du conseil de gouvernement, rodant des institutions, et des thèmes. Congrès d’unité politique à Aleg sous les tentes. Un moment commandant de cercle dans l’Est, avec pour homogue et voisin, le cousin du président, Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah – qu’il resta jusqu’à leur mort respective – d’Aïn Selama à Dar El Braka, dans les environs de Boutilimit et aux débuts de la route de l’Espoir, il n’y a pas loin… je les rencontrais ensemble, les regardai s’approcher l’un l’autre, le temps de la Bible et du Coran, les silhouettes, bou-bou blanc moulant les corps, tenu de la main serrée dans le dos, se saluer, samaras, sable rouge… Mohamed Ould Cheikh est mieux que fondateur, il est de ceux, si peu nombreux mais si excellents et forts spirituellement, qui permettent la fondation. Moktar Ould Daddah lui confie de faire naître les forces armées mauritaniennes, nationales. Il faut avoir lu les rapports des ambassadeurs de France pour, à l’exposé de chacune des questions difficiles, de chacun des momentss périlleux avec mouvements sociaux, notamment sur les chantiers de Miferma, ou les bagarres raciales à l’intérieur des forces françaises composées d’éléments de toute l’ancienne A.O.F. pour voir combien à eux deux, l’inspecteur général de l’administration et le secrétaire général à la défense ont l’autorité et le charisme pour rétablir l’ordre pratiquement et dans les esprits. C’est saisissant.

Mohamed Ould Cheikh est secret. Il incarne le pouvoir autant que son chef nominal. Il représente la Mauritanie dans toutes les réunions de l’Union africaine et malgache pour les questions de séurité et de défense communes. La subversion – celle du Maroc ? ou celle de l’ancien député Horma Ould Bababan – est son lot quotidien. Vivre et faire vivre le transfert des responsabilités et des outils militaires, modestes mais à compléter, maintenir, réinstruire, adapter, en étant aussi considéré par l’ancien colonisateur que par la jeunesse d’alors et par les futurs cadres de l’armée, on croirait qu’il a été formé pour cela, longuement et précisément instrruit. Or, il accomplit cette fondation d’instinct.

Pourquoi ? comment ? certes l’intimité intellectuelle et carrément nationaliste avec Moktar Ould Daddah. Certes, le désintéressement personnel en carrière et en bien. Mais fondamentalement, l’étoffe et l’esprit de l’homme d’Etat. L’indépendance de jugement, la perspicacité pour les situations, la rigueur. Il préside la nouvelle née Cour criminelle spéciale. Il accourt dès l’attentat de Néma. Il cumule les portefeuilles de la Défense et des Affaires Etrangères, ceux que Moktar Ould Daddah garda le plus longtemps à titre de responsabilité personnelle. C’est l’apogée apparente de 1965. Mais ce sont aussi les débats sur le parti de gouvernement unifié, constitué à Aleg en Mai 1958, ou sur la nature du parti unique de l’Etat, refondé à Kaédi en Janvier 1964 après le semi-échec et les ambiguités du Congrès dit de l’Unité en Décembre 1961. Il est alors le principal théoricien, différant en cela complètement de Moktar Ould Daddah, mais donnant à celui-ci les moyens des alternatives et la considération des modèles possibles.

L’Histoire a tranché presque par hasard pour la suite. Elle est grosse de mystère pour le mois d’épreuve que fut Février 1966. Mais même dans l’opposition autant par solidarité avec le compagnon des années fondatrices d’un parti unique, assez différent potentiellement, de ce qu’il devint à partir de 1966 : Ahmed Baba Ould Ahmed Miske, que par critique des évolutions sur lesquelles il n’avait plus aucune prise, Mohamed Ould Cheikh resta homme d’Etat. Il ne considérait les choses et les choix que selon deux pôles à unir : la nation se faisant, la société persistant. Au pouvoir ou à l’écart, un comportement et une allure si différents de ce qui s’est ensuite constaté. L’indépendance, la frugalité, l’incorruptibilité… à un point qu’il est difficile aujourd’hui – malheureusement – pour tant de Mauritaniens d’imaginer. Devenu homme de prière après avoir été tant homme de passion, Mohamed Ould Cheikh demeurera toujours l’impeccable co-équipier du fondateur et celui qui proposa à la Mauritanie deux modèles – qu’elle doit retrouver, sans doute à peine de mort au moins politique et spirituelle – le modèle d’une armée nationale seulement sécuritaire, le modèle d’un parti surtout de cadres formés, disciplinés, entrainants. – Façon d’éternité dans l’âme nationale mauritanienne et dans mon souvenir personnel très affectionné..


Bertrand Fessard de Foucault, alias Ould Kaïge

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