jeudi 11 avril 2013

note pour le cabinet de Laurent Faibus, ministre français des Affaires Etrangères, attendu le 15 à Nouakchott


----- Original Message -----
Sent: Friday, April 12, 2013 11:23 AM
Subject: programme du Ministre pour son déplacement à Nouakchott
Pièces jointes: COD . communiqué sur les scandales et la question de légimité 9 IV 13 – COD . dénonciation du processus électoral envisagé 11 III 13 – COD . déclaration en meeting : situation du pays et interventon au Mali 16 I 13 – COD . charte d’honneur signée 3 VIII 12 – BFF CV

Chers collègues,

je n'ai pas encore eu le plaisir de vous rencontrer quoique je vous l'ai demandé à plusieurs reprises, à vous qui au cabinet du Ministre, pouvez rappeler à ce dernier les correspondances - nombreuses depuis près de trente ans - et les conversations tête-à-tête que nous eûmes pendant chacune de ses périodes ou d'opposition ou de présidence de l'Assemblée nationale

Mais je me permets de vous entretenir un instant sur le programme du voyage du Ministre à Nouakchott les 15-16 Avril prochains. C'est vous trois qui l'arrêtez et il m'est revenu de plusieurs sources qu'au moins jusqu'à présent il n'a pas été prévu de rencontre avec l'opposition démocratique ni avec la société civile. Celles-ci viennent d'en faire la demande expresse, à ce que j'ai appris.

Or, le pays est à un an de sa prochaine élection présidentielle, délai que la jurisprudence incontestée de la seule élection pluraliste et à deux tours de scrutin - celle de Mars 2007 ayant abouti à ouvrir la courte période de démocratie qu'a incarnée Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi - a montré comme nécessaire pour  reprendre totalement l'état-civil et les listes électorales puis roder une commission électorale nationale indépendante gérant l'ensemble de la votation des textes la convocation jusqu'aux dépouillements et transmission des résultats de chacun des bureaux de vote à l'échelon central.

Or, le tenant actuel du pouvoir - celui-là même qui a renversé le président Sidi au motif que le commandement de la garde prétorienne lui était retiré, office qu'il n'a jamais cessé de tenir directement depuis qu'il en a été chargé, il y a vingt-cinq ans, sur le modèle irakien d'alors... - le général Mohamed Ould Abdel Aziz ne donne ni légalement ni personnellement les garanties nécessaires pour qu'un contrôle et des coopérations internationales soient mis en place. Exactement comme est restée lettre-morte l'engagement de mener un dialogue avec toutes les composantes politiques du pays, une fois acquise sa légalisation par l'élection très contestée de Juillet 2009. Le pays est d'ailleurs sans assemblées nationales ni locales légitimes, puisque les mandats n'ont pas encore été renouvelés. Une révision constitutionnelle - cynique et votée par des députés au mandat expiré - a permis il y a un an des prorogations de l'existant à tous les niveaux. La commission électorale n'est pas de nomination consensuelle et la révision des listes électorales a été confiée à un parent,  dont l'expérience n'est que celle d'un concessionnaire des ventes de gaz butane. L'état-civil donne lieu depuis deux ans à de graves incidents car pendant que l'on fait accéder à la nationalité mauritanienne des gens du Polisario et de l'Azawad, on la refuse aux gens du Fleuve. Ce recensement est dangereux tel qu'il est fait, et faux pour ce qui est des prochains scrutins.

Le pays, sauf la courte parenthèse démocratique de 2007-2008 : quinze mois, n'a connu depuis près de trente-cinq que des régimes autoritaires militaires, souvent sanglants et tolérant (parfois encourageant) la corruption pour se faire autant de soutiens. L'actuel homme fort est le premier à être personnellement et continûment corrompu.

Les Mauritaniens et leur opposition s'interrogent depuis le putsch d'Août 2008 sur les raisons du soutien français à ce régime - décidé à l'Elysée malgré une première réaction qui avait été très entière. Ils se demandent si l'attitude de Nicolas Sarkozy ne continue pas de régir, selon toutes apparences, les relations franco-mauritaniennes. Ce soutien a été décisif quand l'Union africaine a commencé à hésiter à soutenir le putschiste puis quand la "communauté internationale", à la va-vite a décidé de considérer le scrutin de Juillet 2009, un seul tour suffisant "naturellement", avait opéré une légitimation. Ce soutien aujourd'hui que le président de la République n'est plus le même, est encore moins compréhensible. Les discours de Dakar, puis de Kinshasa et maintenant de Bamako, disent exactement le contraire que le programme du Ministre à Nouakchott, la semaine prochaine en marge du 5+5.

Ce programme, en l'état, est un soutien affiché à un régime décrié, à une personnalité moralement et financièrement douteuse, à un processus électoral non consensuel et par conséquent susceptible de boycott. Nos amis mauritaniens ont de la mémoire : ne leur imposons pas ce qu’avoua avec courage le Ministre quand il était le Premier ministre du président Mitterrand, son trouble à la visite parisienne du général Jaruzelski.

Nous devons au contraire - notamment le Ministre en rencontrant tout le monde, et même, par déférence autant que par différence avec ses prédécesseurs au Département, en rencontrant l'ancien président de la République Sidi Ould Cheikh Abdallahi, seule personnalité élue démocratiquement depuis trente cinq ans au niveau national - favoriser le consensus pour le processus électoral. Ce consensus suppose l'intervention technique détaillée de la communauté internationale, suppose aussi pour que l'ambiance, notamment dans l'intérieur du pays où les gens votent avec le ventre et avec la peur, change véritablement, que le général Mohamed Ould Abdel Aziz abandonne une bonne part de son pouvoir pour la politique intérieure, pour le temps allant jusqu'à sa réélection, qui serait alors - mais alors seulement - sincère, ou jusqu'à sa défaite (méritée) : cela signifie notamment un autre Premier ministre, et un gouvernement auquel ne participeraient ni les affidés du pouvoir, ni l'opposition constituée (elle l'accepte par avance pour donner des gages de son patriotisme et de son désintéressement immédiat). Purge mentale de la vie de ce pays, dont le processus de 2006-2007 fit le tour du monde dans les pays de dictature.

Naturellement, je suis à votre disposition pour toute information complémentaire ou indication des personnalités qui permettront le mieux au Ministre de s'informer et de conformer son message aux orientations du président de la République.

Je reconnais volontiers que la Mauritanie - bien plus grande que nous ne le croyons depuis quelques décennies - n'est pas toujours facile à déchiffrer, mais elle est mature si elle est libre. Et l'opposition démocratique qui en coalition présente une alternative de qualité, continue de croire à cette France belle et généreuse, ayant donné au monde etc... qui nous motive, nous aussi.

Ci-joint, un peu de papier vous disant l'esprit et l'indignation de cette Coordination de l'opposition démocratique, menée par plusieurs générations et dont les doyens ont été ministres - importants - du fondateur, estimé de nos présidents de 1957 à sa chute par putsch en 1978. Ahmed Ould Sidi Baba, dirigeant le plus ancien parti de la Mauritanie actuelle et normalien, agrégatif de lettres modernes option latin, et Ahmed Ould Daddah, ce dernier dirigeant un parti membre de l'Internationale socialiste et que connaît le Président. Ils seront heureux d'être reçus et de présenter-commenter leurs cadets au Ministre, parmi lesquels brillants et typés Jemil Ould Mansour, fréquemment emprisonné jusqu’en 2005, donnant un tout autre visage de l’islamisme (que celui que nous croyons habituellement) quand il est mauritanien, ou Mohamed Ould Maouloud, un des meilleurs dialecticiens… depuis 1973 et son adolescence d’opposant, prophète du putsch en 2007-2008.
En amicale confiance, d'ici à vous voir plus tard tant sur la Mauritanie que sur l'éradication de la "Françafrique". L'inconnu dans le proche avenir, et d'abord en Mauritanie, c'est cette "Françafrique" et nos soutiens quand ils sont aventurés et ne considèrent pas les personnes.

Pardonnez-moi d’être bien long.

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