lundi 18 mars 2013

entretien de Haratine - site SOS esclavage abolition - avec l'ancien ambassadeur Bilal Ould Werzeg


site au secours des Haratine . SOS abolition

http://haratine.blogspot.com/

Le parcours de notre hôte est un rêve pour beaucoup de gens. Il s’appelle OULD WERZEG BILAL, né en 1953 à Monguel (Mauritanie)

Scolarité :
-          Ecole primaire : Kaédi, Maghama, Monguel.
-          Ecole secondaire : Collège et Lycée de Nouakchott 
-          1973-1974 : Baccalauréat en série Lettres modernes Option Français
-          1974-1976 : Ecole Nationale d’Administration (ENA) section diplomatique
-          1975 : Stage pratique au ministère marocain des affaires étrangères-Rabat
-          1976 : Diplôme attaché de chancellerie avec mention (major de la promotion)
Position actuelle:    Consultant indépendant
Principales qualifications
-          Développement institutionnel et décentralisation
-          Formation en gestion administrative
-          Formation en droits humains
-          Formation des élus locaux
-          Conseil en diplomatie, actions préparatoires pour la réussite de bons offices
-          Conseil en matière de contrat entre partenaires publics et entre partenaires privés
-          Spécialiste en prévention et résolution des conflits inter-Etats et intra-étatique

Fonctions occupées au MAEC :
-          1976-1977 : Chef de division de la coopération bilatérale et multilatérale
-          1977-1978 : Chef de division de la Coopération culturelle technique et scientifique, en charge cumulativement de la coopération avec la Chine.
-          Août 1997-Août 2007 : Ambassadeur au MAEC
Fonctions de conseiller dans les Ambassades :
-          Janvier 1979-Octobre 1979 : Chargé d’Affaires  a-i à Abidjan (Côte d’Ivoire)
-          Octobre 1979-Juin 1980 : 2ème Conseiller à Abidjan
-          Janvier 1981-Juillet 1988 : 2ème Conseiller à Bruxelles (Belgique)
-          Juillet 1988-Mai 1989 : 1er Conseiller à Dakar (Sénégal)
-          Mai 1989-Août 1989 : Chargé d’affaires à a-i à Dakar.

Fonctions de Consul  Général : Décembre 1989-Juin 1992 : Consul Général à Bissau (Guinée Bissau) où en Juin 1991 les deux ministres des affaires étrangères de la Mauritanie et du Sénégal ont signé un accord de paix entre les deux pays mettant un terme à la rupture des relations diplomatiques suite aux malheureux événements survenus en 1989.

Fonctions d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaires :
-          Septembre 1992-Mai 1996 : Ambassadeur au Mali, au Burkina-Faso et au Niger avec résidence à Bamako.
-          Mai 1996-Juin 1997 : Ambassadeur aux Etats-Unis d’Amérique à Washington DC
-          Septembre 2007-Avril 2009 : Ambassadeur au Yémen et Oman avec résidence à Sanaa.
-           
Négociations, Conférences et Séminaires :
-          Session de l’ECOSOC, conseil économique et social des Nations-Unis en 1978 à Genève.
-          Plusieurs commissions mixtes de coopération entre la Mauritanie et des pays tiers.
-          Membre de la délégation mauritanienne chargée des négociations avec le Sénégal jusqu’au rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1992.
-          Session à l’Université de défense Nationale dépendant du Pentagone en Janvier-Février 2002 à Washington DC U.S.A.
-          Session Internationale Euro-méditerranéenne à l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, Janvier 2004 Paris-France.
-          Sessions des Nations-Unis à New-York U.S.A.
-          Point focal du forum des Nations-Unis sur les forêts UNFF de 2004 à 2007.

Décorations, Médailles :
-          Médaille d’honneur de la fédération mauritanienne de Football 1994.
-          Chevalier de l’Ordre National du Mali.
Niveau des langues connues: Excellent en Arabe, Français et  assez-bon en Anglais


1-  Monsieur l’ambassadeur Bilal Ould Werzeg bonjour, vous avez été haut fonctionnaire dans l’Administration mauritanienne, vous avez été ambassadeur de la Mauritanie au Mali, à Washington et à Sanaa, vous avez surtout été un diplomate au service de notre pays pendant de longues années. Vous êtes un de nos compatriotes dont l’expérience internationale riche peut encore servir. En ce moment, un sujet est sur toutes les lèvres : la crise au Mali. Pour y avoir été ambassadeur pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez en relation avec la position de notre pays sur la situation de ce pays ?

Bilal Ould Werzeg : Le Mali est un pays qui me tient à cœur pour y avoir servi pendant quatre ans comme ambassadeur de 1992 à 1996: J'aime le pays et le peuple et je suis profondément triste pour le Mali mais je suis sûr que le pays à les ressources nécessaires pour s'en sortir. La position de la Mauritanie ne peut être que solidaire du Mali car nous partageons à peu près 2400 kilomètres de frontière et nul régime en Mauritanie ne peut l'ignorer.

2-  Vous êtes également un homme politique d’envergure national et une grande figure parmi les pionniers du militantisme de la cause haratine. Vous ne parlez pas beaucoup de cet aspect de votre vie est-ce à cause d’une déformation professionnelle dû au long exercice de la fameuse réserve diplomatique ?

Bilal Ould Werzeg : J’ai assisté l'année dernière et cette année aussi aux 34ème et 35ème anniversaires de la création d'El Hor sur invitation de mes amis Samory Ould Bèye et Mohamed Ould Bourboss. Je n'ai jamais caché mes convictions en El Hor ni ses rôles de libération et d'émancipation des Harratines.

3-     Cette interview intervient au moment où El Hor célèbre, souffle ses 35 bougies. Pouvez-vous nous dire ce que vous savez de la genèse de ce Mouvement ?
Bilal Ould Werzeg : J'ai personnellement rédigé la charte d'El Hor dans les années 1974-1975 et j'ai convaincu beaucoup de mes cousins d'y adhérer, notamment Boubacar Ould Messoud, Boydiel Ould Houmeid et j'ai coopté Messoud Ould Boulkheir pour être membre de la direction d'El Hor.

4- Dans une interview, votre ami et collègue Mohamed Yahya Ould Ciré a dit ceci : « S'agissant d'El Hor, j'en suis l'initiateur, en 1974 à l'ENA de Mauritanie. C'est Bilal Ould Werzeg et moi qui avons fondé El Hor en décembre 1974. Nous nous trouvions en première année de la section de diplomatie. J'ai mis deux mois pour le convaincre. C'est sa sœur Koumbeïtt Mint Werzeg ancienne secrétaire de ministère, aujourd’hui décédée (paix sur son âme) qui m'a aidé à le convaincre. J'ai la liste des dix premières personnes que nous avons sensibilisées en fin 1974. Dans la liste des membres fondateurs d'El Hor, établie le 5 mars 1978, il y a quatre éléments qui sont mes anciennes recrues, y compris Bilal lui-même qui ne peuvent le contester. J'ai quitté le noyau d'El Hor suite à des divergences avec Bilal qui portaient sur deux faits. Je voulais créer une structure complexe qui serait à l'abri d'un facile démantèlement. Bilal voyait dans ma volonté, une manière subtile de s'approprier du mouvement. Telle n'était guère mon intention. Je recherchai, surtout, l'efficacité. » Fin de citation.
-     Monsieur l’Ambassadeur avez-vous un commentaire à faire sur cet extrait de l’interview de votre ancien compagnon de lutte ?

Bilal Ould Werzeg : Je ne me souviens pas de divergences entre lui et moi. Ma sœur  Koumbeit (paix à son âme) était une grande militante d'El Hor et c'est elle qui a accompagné les membres d'El Hor à Rosso lors de leur jugement leur assurant ainsi la logistique (repas, boissons, etc). Au même moment, j'étais moi-même en exil après avoir démissionné de mon poste d'Abidjan pour soutenir les détenus et obtenir leur libération. Il faut demander à Ould Ciré où il était en ce temps-là ? J’apprécie beaucoup Ould Ciré et je pense que la seule différence entre lui et moi réside dans le courage décisionnel lorsqu'il s'agit d'agir pour plus d'efficacité.

5- Monsieur L’ambassadeur, on revient sur le Mouvement d’El-Hor qui vient de fêter ces 35 ans d’existence, pouvez vous nous retracer l’historique de la création du mouvement, sur quoi était centré vos objectifs initiaux? Le bilan d’El-Hor aujourd’hui est-il satisfaisant pour vous ?

Bilal Ould Werzeg : Lorsque la Mauritanie a connu les malheureux événements de 1966 beaucoup d'intellectuels et de jeunes mauritaniens toutes ethnies confondues ont décidé de créer le Mouvement National Démocratique (MND) ou Kadihine. Il a été décidé à l'époque de mettre en avant la solidarité entre tous les mauritaniens afin de faire aboutir des revendications légitimes et communes. A l'instar des autres composantes de la nation, les Haratines ont massivement adhéré au MND et ils en constituaient le fer de lance. A partir de 1973, le régime de feu Moctar Ould Daddah (paix à son âme) a satisfait la plus grande partie des revendications du MND, j'étais à l'époque président d'un comité d'action du MND à Nouakchott au 1er marché du poisson. Lors d'une réunion de bilan, et après avoir constaté que plusieurs militants du MND avaient rejoint le Parti du Peuple Mauritanien (PPM) et avaient intégrés le CREA et l'INEEP, j’ai déclaré que n'ayant pu constater aucune amélioration quant au sort des esclaves et des haratines tout au long de leur parcours au MND, qu'il me semblait nécessaire de créer un mouvement propre aux haratines. Cela avait soulevé un tollé au sein du MND dont les membres m'accusaient de sectarisme, mais j'avais pris ma décision. J'ai discuté l'idée avec Mohamed Yahya Ould Ciré, mon promotionnaire à l’École Nationale d'Administration (ENA) et Amar Ould Ahmed Deyna, mon frère de lait, et nous nous sommes mis d'accord pour la concrétiser.

6- Plusieurs personnalités politiques haratine revendiquent le statut de membres fondateurs voire la paternité d’El-Hor.  Certaines d’entre elles ont publié un document intitulé « charte El-Hor » dans lequel, à la surprise générale certains noms comme Mohamed Yahya Ould Ciré ont disparu de la liste des fondateurs. Pour l’histoire pouvez-vous nous donner des indications sur les noms du premier groupe des « conspirateurs-créateurs » du mouvement en 1974 à l’ENA ?

 Bilal Ould Werzeg : Le groupe était composé de 3 personnes citées plus haut, tous les autres ont rejoint le mouvement par la suite et c'est lorsque nous avons pu réunir les 12 membres que la naissance officielle a été déclaré mais El Hor a existé bien avant le 5 Mars 1978.

7- L’actuel président de l’assemblée nationale Messaoud Ould Boulkheir  préconise la dissolution du mouvement El-Hor, selon lui, El-Hor n’a plus sa raison d’exister malgré que la situation des esclaves et anciens-esclaves n’a pas vraiment évolué, ces déclarations ont provoqué une dissidence au sein de son parti l’APP, Mohamed Ould Borboss, Samory Ould Beye et d’autres cadres haratine  ont pris cela comme une « trahison » de la cause haratine, ils ont  créé un  nouveau parti politique qu’ils ont appelé Moustaqbel. Donnez-vous raison à Messaoud Ould Boulkheir de vouloir placer El-Hor dans les archives de l’histoire ? Ou alors que doit on faire du mouvement aujourd’hui ?

Bilal Ould Werzeg : Il avait été décidé à l'époque que lorsque l'esclavage aura disparu en Mauritanie et que cette dernière sera devenue un État démocratique, que les haratines en ce moment-là iront dans les partis politiques qu'ils auront choisi librement. Donc je pense que Président Messaoud Ould Boulkheir considère que le travail est achevé alors que les autres estiment qu'il reste encore beaucoup à faire.

8-  L’état Mauritanien, des partis politiques, des Imams et certains intellectuels nient les pratiques de l’esclavage sur le sol Mauritanien. Leur argument simpliste repose sur la mise en place d’une législation réprimant l’esclavage et protégeant les victimes malgré le fait qu’elle ne soit jamais appliquée au grand dam des abolitionnistes. Pourquoi cette hypocrisie pratiquement générale autour de l’esclavage et du racisme anti haratine ?

Bilal Ould Werzeg : L'hypocrisie s'explique par le fait que le problème Haratine est très sensible et il est central dans l'avenir de la Mauritanie.

9-La nouvelle génération consciente des haratine a du mal à comprendre l’attitude de leurs aînés qui ont crée El-Hor, elle vous reproche d’avoir utilisé la cause des victimes de l’esclavage à des fins de promotions personnelles. La plupart des membres fondateurs ont vite déserté le front de la lutte contre l’esclavage pour une planque ou un portefeuille ministériel. Certains en sont arrivés au point de nier avec zèle l’existence de l’esclavage en Mauritanie dans le but de conserver leurs postes en adoptant le discours négationniste de l’état Mauritanien. Qu’avez-vous à répondre à cette nouvelle génération de  haratine?

Bilal Ould Werzeg : Je ne connais pas de membres fondateurs d'EL Hor qui ont nié l'existence de l'esclavage même si l’État a utilisé et continue d'utiliser certains Haratines pour prêcher la propagande officielle. Lorsque j'étais ambassadeur aux États Unis à Washington, j'ai fait état de ma lutte contre l'esclavage dans beaucoup d'interviews et je n'ai pas caché mes antécédents dans la lutte contre les injustices. Malheureusement je ne suis resté à Washington que 10 mois ce qui est significatif.

10-Lors des premières arrestations des membres d’El-Hor dont le procès s’est déroulé à Rosso, avez-vous été soutenu par des mouvements négro-africains ? Si oui lesquels par exemple ?

Bilal Ould Werzeg : Je n'étais pas présent au procès de Rosso.

11- Les arabo-berbères reprochent souvent aux abolitionnistes de « taire » les pratiques discriminatoires sur l’idéologie féodale généralement esclavagiste qui se perpétue dans les milieux des négro-africains, y-a-t-il une différence entre les deux pratiques ? Pourquoi certains arabo-berbères et négro-africains se montrent hostiles à la lutte contre l’esclavage que mènent les harratine ?

Bilal Ould Werzeg : Vous décrivez la féodalité qui est partout la même.

12- L’arabisation des haratines sur fonds de commerce politiquement démographique qui vient en  appui aux faux chiffres de l’état Mauritanien depuis des années que la Mauritanie est majoritairement « arabe » n’est elle pas une façon de maintenir les haratine sous la domination de leurs anciens maîtres esclavagistes ?

Bilal Ould Werzeg : On ne peut asservir des personnes par une langue d'autant plus que les enfants haratines aujourd'hui maitrisent parfaitement cette langue et ils sont en flèche dans la lutte contre l'esclavage et les discriminations et leurs arguments en arabe portent bien.

13-Pensez-vous que les haratines ont une histoire à la fois différente de celle des arabo-berbères mais aussi des autres communautés noires du pays, dans ce cas comment définissez-vous l’identité des harratines ? 

Bilal Ould Werzeg : Les Haratines sont le fruit de l'histoire de la Mauritanie et ils constituent ceux sur lesquels la Mauritanie doit s'appuyer pour sa joie de vivre ensemble et sa pérennité. Leur intérêt réside dans l'existence en Mauritanie d'un Etat démocratique fort de sa diversité et fier de l'apport de tous et de tout un chacun pour son devenir.

14-Après El-Hor, d’autres ONG et associations  ont vue le jour: SOS-Esclaves,  association des haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E), IRA-Mauritanie. Est-ce qu’un échec d’El-Hor  où son  relais assuré par ces ONG ? Êtes-vous fier d’eux ?

Bilal Ould Werzeg : Toute contribution dans la lutte contre les inégalités est la bienvenue et je la soutiens.

15- Quels sont vos sentiments sur le travail fait par l’association des haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E) sur la scène nationale surtout internationale pour dénoncer l’esclavage depuis sa création en juillet 2001? 

Bilal Ould Werzeg : Je pense que l'AHME fait une partie appréciable du travail de lutte contre les inégalités même si je ne connais pas bien cette organisation.

16- Avez-vous un message qui est cher  à adresser aux lecteurs ?

Bilal Ould Werzeg : Lorsque j'étais en exil pour protester contre l'arrestation des membres d'El Hor j'avais écrit un article dont le titre est « Pour une Mauritanie mauritanienne ». Je demande à tous les mauritaniens de travailler pour l'avènement d'une telle Mauritanie fière de son arabité, fière de son africanité qui doit voir en cela une grande richesse qui n'est pas donnée à tout le monde et qui réellement constitue la grandeur du peuple mauritanien.

-Au Secours des Haratine : SOS-Abolition remercie son excellence Monsieur l’ambassadeur Bilal Ould Werzeg d’avoir accepté de répondre à nos questions en lui souhaitant paisible retraite.

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