jeudi 13 septembre 2012

journal de maintenant - jeudi 13 septembre 2012

Jeudi 13 Septembre 2012

Toujours l’Azawad et ses leçons possibles bien au-delà du seul Mali.
Les observations de mon ami ont suscité des réactions. Elles sont précieuses sur le fond des analogies dans le Sahel.
Il faut cependant maintenant parvenir à énoncer l’attitude, sinon l’action souhaitables.

J’ai jugé au départ qu’il n’était pas opportun de répondre à votre dernier correspondant qui a réagi à mon message en en choisissant les aspects secondaires autour desquels le débat risquerait d’escamoter l’essentiel du problème posé au Nord du Mali. Mais je crois qu’il y a des contre-vérités qu’il serait utile de souligner dans ledit message.

1-    A quelles estimations de la population touarègue se réfère notre correspondant et de qui émanent-elles.  Au recensement effectuée par l’administration coloniale en 1950,  les Touaregs et les Maures étaient au nombre de 500.000. soit 17% de la population totale du Mali de l’époque. Comment expliquer que toute la population ait évolué et que les Touaregs sont demeurés au même nombre depuis 62 ans ? Comment expliquer que les Touaregs à eux seuls, ont pu mettre en déroute toute l’Armée malienne et pris le contrôle du Nord de ce pays.

2-    Je n’ignore pas que dans la région du Nord du Mali, il y a des Peuls, des Songhay et des Maures. Pourquoi ces ethnies n’ont-elles pas combattu les Touaregs ? « Tous les observateurs sont unanimes au sujet des injustices subies », affirme notre honorable correspondant. Il devrait ajouter « principalement par les Touaregs ».  

3-    Le MNLA a commis des fautes plus graves que l’omission de la publication d’une « étude documentée sur le partage du pouvoir et de richesses entre les différentes communautés nationales et entre le Nord et le Sud, pour mesurer la réalité et l'ampleur des inégalités et injustices ». Mais notre correspondant commet une erreur non moins grave en confondant absolument l’égalité et l’équité qui sont parfois loin d’être synonyme. La répartition égalitaire de la richesse n’est qu’une vue de l’esprit résultant du rêve d’harmonie universelle que nous caressions au temps où nous avions le droit de rêver. L’essentiel de la mission de l’Etat est de mettre ses citoyens dans des conditions à tous points de vue identiques qui leur garantissent les mêmes chances et de bénéficier autant qu’ils le peuvent de toute opportunité publique. Si le Touaregs sont plus pauvres que les autres ethnies, c’est peut-être parce qu’ils sont plus paresseux, plus dépensiers ou attachés à une économie pastorale autarcique. Ce à quoi les Touaregs doivent et ont le droit de revendiquer, ce n’est ni plus ni moins qu’un Etat qui assure une égalité absolue des chances à tous ses citoyens sans aucune forme de distinction. Ils ne sauraient revendiquer le même nombre de fonctionnaires ou moins d’impôts que les Bambaras ou toute autres ethnies démographiquement plus importantes qu’eux.

4-    Si « le problème des négro-mauritaniens est bien identique à celui des Touarègues ou des arabes du Mali » il faut lui trouver une solution et je serai le premier à m’investir pour qu’elle soit la plus durable possible. Mais je crois que notre correspondant exagère et fait recours à des approximations douteuses. Dans le Bilad Chinguitt comme il l’appelle, il y a des inégalités criantes et si l’on a l’autorisation de faire appel à des chiffres approximatifs, on soulignera que 80% de la fortune nationale appartiennent aux ressortissants des deux régions de l’Adrar et de l’Inchiri qui font 4% de la population. On soulignera aussi que 95% des investissements agricoles ont été réalisés  dans la vallée du fleuve Sénégal, au détriment des régions de Néma, Aioun et Kiffa qui, sous forme d’impôt sur le bétail, fournissaient 60% des recettes du budget de l’Etat naissant. Il  est vrai que depuis l’avènement du régime militaire et la chute de celui de feu Moktar Ould Daddah, les ressources publiques ont commencé à être redistribuées suivant une logique « de l’État néopatrimonial » et à creuser des déséquilibres existant déjà du fait de la différence de culture entre les ethnies. Personne ne peut nier le fait que dans les villes de Boghé, Kaédi, Rosso et Sélibaby, le commerce était monopolisé par les Maures depuis le début du siècle dernier. Les raisons de cette différence sont culturelles, historiques et économiques et on pourrait les analyser en détails dans le cadre de la recherche d’une stratégie d’intégration interethnique au plan socioéconomique. J’estime que la société mauritanienne souffrira toujours de ses clivages verticaux (entre ethnies) tant qu’il n’y aura pas une classe bourgeoise formée d’éléments issus de toutes les ethnies et défendant ses intérêts capitalistiques nonobstant la diversité culturelle. En tous cas, je suis d’accord avec notre correspondant sur le fait que le problème en Mauritanie réside dans la mauvaise répartition des ressources et qu’il ne faudrait pas perdre le temps à discuter des questions subséquentes que sont le véhicule linguistique et autre. Je crois malgré tout, que le fait de comparer la Mauritanie au Mali, au Soudan et à l’Afrique du sud, est une exagération dangereuse pour les Mauritaniens.

5-       Notre correspondant affirme que « le régime du général Mohamed Ould Abdel Aziz n'a en rien approfondi les déséquilibres et les clivages entre les communautés » et qu’il s’est seulement inscrit dans une parfaite continuité avec ceux de Taya, Ely Md Vall Ou Sidi » Le second terme de cette assertion annule le premier, car si MOAA a fait la même chose que ses prédécesseurs, c’est qu’il a approfondi le creuset entre les communautés ethniques. Les inégalités résultent de la mauvaise gouvernance et tout le monde sait que tout en combattant officiellement la mauvaise gestion, MOAA a réduit le système de vase communiquant à un cercle réduit de 5 personnes et qu’il s’est constitué illicitement, et en deux ans seulement, une fortune qui pourrait, si elle était bien utilisée, faciliter l’émergence de grands capitalistes negro-mauritaniens et contribué, sur un autre  plan, à réduire les séquelles de l’esclavage.

6-       Notre correspondant généralise  dangereusement en estimant que «  toute élite d'un groupe dominant fonctionne comme une instance de légitimation de l'ordre injuste établi » En lisant cette affirmation. on ne peut que s’inquiéter. Une bonne démarche vers un débat serein, suppose d’emblée qu’in évite les préjugés, car si le postions sont déjà figées, quel sera alors l’intérêt du débat ? Je suis un maure et même je n’en tire aucune fierté, je n’ai aucune raison de m’en cacher. Quel discours plus savant et plus opérant propose-t-il pour dévoiler « la triste réalité» ? Quelle solution pour le Mali, la Mauritanie, le Soudan et l’Afrique du Sud nous suggère-t-il, d’adopter, lui, le vrai intellectuel, pour mettre fin à la souffrance des peuples ?

7-       Je ne prends pas ce que je dis pour une vérité biblique ou coranique. Je peux me tromper et obéir sans m’en rendre compte à un instinct ethnocentriste, mais je suis la situation dans le Nord du Mali depuis 1973. Greffier en chef de la Section judiciaire de Néma, je représentais clandestinement le Parti des Kadihines et je fis des missions secrètes dans le l’Azawad parce que nous devions connaître cette zone en perspective du déclenchement de la lutte armée contre le régime de feu Moktar Ould Daddah - que nous regrettons maintenant au plus haut point-. Plus tard - ironie du sort- je fus successivement gouverneur des régions de Néma, Aioun et Zouerate d’où je suivais ce qui se passait dans les régions frontalières du Mali. Au niveau de l’administration centrale du Ministère de l’Intérieur, je fus chargé de par mes fonctions de Conseiller ou d’inspecteur général du dossier du Mali.

Ce parcours m’a permis d’avoir la prétention de comprendre ce qui se passe dans ce pays très cher qu’est le Mali. Dans mon précédent article, j’ai essayé d’identifier la racine principale de cette crise. J’accepte l’invitation de notre correspondant au débat qui a besoin pour être mené à bien «d’intellectuels qui pensent contre eux-mêmes et contre leur communauté, qui éclairent les enjeux d'avenir sur la base d'un diagnostic sans complaisance de la réalité pour tracer le chemin du possible »

Souscrivant à ces conditions, je propose d’aller au-delà des limites que nous avons franchies jusqu’ici. Ce faisant.

Je soulignerai d’emblée la nécessité de prendre en considération les enjeux véritables de la question en répondant aux questions suivants :
-       Comment entamer le dialogue national pour réorganiser l’Etat malien en tenant compte de deux impératifs : celui de l’unicité du Mali et celui du droit des populations du Nord à gérer pour l’essentiel leur propre destin ?
-       Comment venir à bout du trafic de la drogue, des armes et des cigarettes qui a la Guinée Bissau pour point de départ, la Mauritanien pour plaque tournante de redistribution et le Nord du Mali pour zone de concentration ?
-       Comment organiser la coopération entre Etats riverains du Sahara et la France (à travers la Compagnie TOTAL), pour l’exploitation des ressources pétrolières du bassin de Taoudenni, en vertu d’une sorte d’accord d’Achnacary ?
-       Comment réorganiser le système de gouvernance des Etats de la région pour résoudre le problème du chômage des jeunes dans les pays limitrophes, en particulier la Mauritanie, le Niger et le Mali ?
-       Comment enfin éradiquer le terrorisme ?

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