dimanche 19 août 2012

repères pour la Mauritanie nouvelle - annexe 7

7 .

Bâtonnier et avocat au barreau de Nouakchott : l’Etat de droit


Observations sur
la session du Conseil Supérieur de la Magistrature
tenue le 26 Décembre 2011

28 Décembre 2011

Les observateurs qui suivent les sessions du Conseil Supérieur de la Magistrature où sont débattues périodiquement toutes les questions portant sur le fonctionnement des cours et tribunaux peuvent apprécier l'absence de toute indépendance  à travers le traitement de telles questions sur la base d'un certain nombre de constats qui viennent confirmer la dérive dangereuse que connaît cette institution, il s'agit notamment de :

1- la mainmise quasi exclusive, dans toutes les décisions prises lors de l'actuelle session du conseil tenue le 26/12/2011, du Ministre de la Justice assisté de ses principaux collaborateurs  (le Procureur Général près la Cour Suprême et l'Inspecteur Général de l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire) d'où le risque permanent et réel d’instrumentalisation de la justice où ses décisions sont désormais prises à la chancellerie et dictées aux juges du siège pour les rendre publiques pour ne pas s'exposer aux poursuites et à la marginalisation. Nous avons toujours à l'esprit la décision dans le dossier de Mohamed Lemine Ould Dadde (détenu arbitrairement depuis le 27/9/011) prise le 10/11/2011 par le Ministre de la justice publiée par voie de presse (RFI) entérinée et rendue publique par le juge d'instruction le 04/12/2011

2- la promotion par la nomination des juges en fonction de leur soumission à la volonté du Ministre de la justice et de leur appartenance au groupe, d'où le risque désormais présent d'une réelle dérive tribale particulièrement nocive dans le secteur de la justice.

3- le risque rampant de cette dépendance des juges sur l'avenir de la sécurité des citoyens et des ressortissants étrangers résidant dans notre pays
, mais aussi et surtout sur l'investissement tant interne qu'externe parce que tout investisseur se soucie plus de sa sécurité judiciaire que tous les paradis fiscaux qui peuvent lui être accordés. Une telle situation ne manquera pas d'avoir des répercussions inquiétantes sur le développement de notre pays

4- En plus de tous ces constats amers, mais réels parce que vécus, les téléspectateurs de la télévision nationale et les lecteurs des journaux Chaab et Horizons ont été surpris du défaut de publication pour la première fois de toute image de la présente session du conseil alors que ces médias veillent toujours et avec soins à la couverture de toute cérémonie où apparaît le Président de la République et seulement tous  ceux qui lui sont proches. S'agit - il pour ces médias d'un mépris pour une telle institution ou s'agit - il plutôt d'un mépris de l'un des membres de droit du conseil, vice président le plus ancien et le plus gradé de la cour suprême  parce qu'il est vakih d'autorité, ou qu'il s'est présenté en boubou ou parce qu'il est un élément de l'ensemble auquel appartient le magistrat qui avait été radié sur réquisition du Ministre de la justice et qui constitue désormais la cible de ce dernier !!. Il appartient alors aux médias et au Ministre de la Justice de s'expliquer sur les raisons de ce mépris de portée très grave.

5- Enfin permettez moi de souligner l'avenir toujours sombre de la justice par l'absence des facteurs essentiels et indispensables pour son assainissement à savoir :

a- une volonté politique réelle de refonte de la justice

b- des ressources humaines suffisantes, formées et professionnellement consciencieuses pour diriger et accompagner tout effort de redressement loin de la mainmise du Ministre de la justice et de ses collaborateurs et partant du pouvoir exécutif

c- un esprit de concertation avec le barreau qui fait désormais défaut à tel point que le Président de la République n'a pas reçu le Bâtonnier et le conseil de l’ordre depuis bientôt deux ans et ni ouvert le congrès de la CIB ni reçu en audience les Bâtonniers des différents pays qui ont pris part au 26ème congrès de la Conférence Internationale des Barreaux de tradition juridique commune, pourtant le congrès le plus réussi à tout point de vue dans l'histoire de cette conférence de l'avis de tous les participants, alors que les portes de la présidence sont ouvertes à tous les visiteurs et parfois les moins importants.  

Dans ce climat, comment pouvons nous parler de justice dans notre pays?   

Me Brahim Ould Ebety
avocat à la cour

II°

Rapport du Bâtonnier sur le fonctionnement de la justice
« Au secours ils reviennent »

28 Décembre 2011


Il y’a une année, soixante dix magistrats ont été mis à la disposition du ministère de la justice, démis de toutes fonctions judiciaires, « qualifiés d’incapables de suivre les réformes du secteur menées par le gouvernement »

La décision a été prise par le conseil supérieur de la magistrature sur proposition du ministre de la justice qui devait déclarer plus tard, à ce sujet, qu’il assume cette responsabilité.

L’action a été présentée par ses auteurs, dans le cercle de la justice, comme un acte courageux qui s’inscrit dans une logique d’assainissement, plus de place, disait on, dans le secteur de la justice pour les corrompus, plus de place pour ceux qui entravent et empêchent le travail de la justice dans son ambition nouvelle.

Enfin, disait-on, les réformes dans le secteur de la justice sont pour de bon lancées, étant entendu que toute démarche dans ce sens doit commencer par une extraction du corps de la magistrature de ceux qui, pour des raisons d’incompétence ou d’immoralité, ne peuvent accompagner l’aspiration au changement et l’ambition pour la justice.

Assez tôt la question a été accompagnée de certaines incohérences et a suscité quelques interrogations, pourquoi les juges démis ont-ils continué à bénéficier de leurs traitements, pourquoi a-t-on offert à l’Etat de Qatar certains d’entre eux si la thèse de leur incompétence et corruption est avérée ?

Certes, il convient de le rappeler dès le départ, il n’est pas dit que l’action de mise à la disposition du ministère de l’ensemble de ces magistrats est une décision juste, basée sur un constat objectif, sans doute dans la foulée des petits règlements de compte ont réservé ce sort à certains magistrats qui ne sont pas forcément parmi les plus mauvais, sans doute aussi certains lobby ont empêché des magistrats, qui devaient logiquement être démis, de faire partie de cette liste.

Toujours est-il que l’acte était symbolique et a donné le ton : c’est parti, le chantier de« l’assainissement de la justice » est théoriquement lancé.

Mais voila que le conseil supérieur de la magistrature du 26 décembre 2011, à l’heure où on l’attendait sur des réformes plus profondes, plus d’indépendance de la justice, plus de respect des magistrats à travers leur avancement, leur syndicat, la révision de la décision arbitraire de révocation du juge et d’autres gestes forts à l’adresse de la justice, a procédé à la réhabilitation d’ un certain nombre de ces magistrats qui se sont vus confier des responsabilités judiciaires assez importantes, comme si de rien n’était.

Nous n’avons jamais cru un instant à la volonté des pouvoirs publics d’assainir et d’améliorer la justice  mais l’illusion de la mesure de 2010 était nécessaire et pouvait à elle seule enfermer les juges dans une logique d’exigence pour échapper à un tel sort.

Pourquoi, Messieurs les membres  du conseil supérieur de la magistrature, nous avez-vous dépossédé de notre illusion, notre chère illusion, la seule dont on dispose à l’heure actuelle et à laquelle nous tenons beaucoup pour ne pas sombrer dans le désespoir?

Pourquoi, nous avez-vous arraché notre illusion qui nous permettait d’espérer, de rêver ?

Pouvez-vous nous expliquer votre décision ?
Hier les juges en question étaient inaptes à accompagner l’assainissement du secteur de la justice, étaient un obstacle à son accomplissement (selon vous-même) aujourd’hui ils se voient confier (par vous-même) les plus hautes responsabilités au cœur de la justice?

Quelles leçons et conclusions devons nous en tirer ?

1/ Vous êtes vous rendu compte, entre temps, que notre justice ne peut se passer des juges corrompus et incompétents et qu’il fallait dès lors les remettre en fonction ?
2/ S’agissait-il au départ d’une mesure injuste à l’égard des magistrats en question ? Auquel cas il convient, peut être, de songer à leur indemnisation pour compenser une année de qualificatifs aussi humiliants qu’incompétence, immoralité et corruption ;
3/ S’agit-il plutôt, pour vous, de renoncer au timide projet d’assainissement du secteur de la justice ?
4/ Ce projet n’a-t-il jamais existé en réalité ?

A défaut d’explications de votre part notre analyse nous conduirait inévitablement au constat que les forces du mal ont gagné le combat, ont réussi à faire obstacle à la timide tentative d’assainissement.

Le tribalisme,  les bras longs ont incontestablement gagné la partie, mais il vous revient,  de penser à nos peines, les peines des acteurs de la justice, des justiciables, des observateurs de vos mesures profanes et hésitantes, au moment où nous vivons fatalement l’effondrement de nos espoirs (illusoires, je vous le concède, mais néanmoins réconfortants).

Il vous appartient, pour prendre un exemple, de nous dire que le juge Mohamed Abdellahi Ould Tiyib n’était pas le magistrat corrompu et incompétent que vous avez cru en le mettant en 2010 dans la liste des magistrats démis, il est plutôt le modèle du magistrat compétent et intègre dont la justice a tant besoin aujourd’hui, raison pour laquelle il prend la tête de la cour d’appel.

Ou que le juge Mohamed Abdellahi Ould Tiyib est effectivement un obstacle à l’assainissement de la justice mais que cet assainissement n’est plus à l’ordre du jour, il nous faut des explications face à l’incohérence totale entre vos mesures dégradantes de 2010 et celles promotionnelles de 2011qui déroutent tout observateur et tout acteur soucieux de  l’amélioration de la justice.

Vous avez le devoir de nous rendre compte, de nous expliquer, de vous justifier aux yeux d’une opinion de plus en plus exigeante en matière de justice.

Car en fait la décision du conseil supérieur de la magistrature en date du 26 décembre clôture l’année 2011 par un amer constat de déception : il n’ya aucune visibilité, aucune stratégie dans le secteur de la justice, aucune logique, aucune ambition.
J’invite solennellement le conseil supérieur de la magistrature à nous donner, d’urgence, des explications à ce sujet car avant de plaider devant ces juges nous avons besoin de savoir quels sont les mobiles et fondements de leur mise en quarantaine en 2010 et ceux de leur confiance renouvelée en 2011 ? Que s’est il passé entretemps ?
                                                                  
Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni,
Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats de Mauritanie


III°

L’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique
à des fins  de règlement des comptes politiques
(illustration par l’affaire Moustapha Ould Limame Chavi)

16 Janvier 2012


Intervention de Me Brahim Ould Ebety, au cours de la conférence organisée par l’Initiative ‘’Nous sommes tous Moustapha CHAFI’’,  sur le sous thème « les libertés individuelles à travers les pratiques de la justice mauritanienne : poursuite, arrestation et détention : illustration par le mandat d'arrêt émis par un juge d'instruction à la demande du procureur contre Moustapha chafi. -

A examiner de près le sujet qu’il nous est demandé de traiter sur la base des textes et notamment la Constitution, le statut de la magistrature et l’organisation judiciaire, il s’en dégage sur le plan théorique que la justice mauritanienne est de type indépendant dans un pays démocratique.

C’est ainsi que les articles 89, 90, 91 de la Constitution consacrent formellement cette indépendance des pouvoirs législatif et exécutif, que le Président de la République est garant de cette indépendance, que le juge n’obéit qu’ à la loi, qu’il est protégé contre toute forme de pression de nature à nuire à son libre arbitre ; et que nul ne peut être détenu arbitrairement et qu’enfin il est formellement prescrit que le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.

Quant au statut de la magistrature, il dispose expressément que les magistrats du siège ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles qu’à l’autorité de la loi, qu’ils sont inamovibles et ne peuvent être affectés que sur leur demande ou à l’occasion d’une sanction disciplinaire pour nécessité majeure de service après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Pour bien consacrer et protéger les droits de la défense, principes sacrés dans tout système démocratique et donc de justice indépendante, l’organisation judiciaire prescrit que nul ne peut être jugé sans être mis en mesure de présenter les moyens de sa défense ; que la défense et le choix du défenseur sont libres. Les avocats (qui exercent une profession libérale et indépendante) ont libre accès devant toutes les juridictions et nul ne peut être distrait de ses juges naturels.

Il s’agit donc d’un ensemble de principes sacrés qui sont formellement prescrits par l’arsenal juridique interne tout comme les instruments internationaux que notre pays a ratifiés et qui seront largement explicités et développés par le spécialiste de la question, mon ami et confrère LO GOURMO. Il en ressort alors qu’il s’agit d’un ensemble de garanties à même d’assurer un fonctionnement normal, dans un Etat de droit normal, de tout système judiciaire.

Mais qu’en est-il de la pratique et du vécu qui nous intéressent aujourd’hui dans ce débat – à savoir les poursuites, l’arrestation et la détention qui sont les paramètres qui permettent de mesurer le niveau d’indépendance des juges et donc de la justice, c'est-à-dire comment elle se comporte lorsqu’il s’agit de déclencher une poursuite, d’arrêter et/ou de détenir. Est-ce que cette justice prend du recul pour statuer ou pour donner suite à toute demande présentée par le représentant de l’exécutif devant les juridictions – étant soumis à l’autorité du Ministre de la justice - qu’est le Ministère Public. Est-ce que cette justice prend un minimum de temps pour étudier, effectuer toutes les recherches, entendre des témoins, les mis en cause et leurs défenses pour réunir un ensemble d’éléments pour ne pas statuer sur la seule version présentée par le Ministère Public soumis à l’autorité du Ministre de la Justice et donc du pouvoir exécutif.

Contrairement à toutes ces données, nous sommes habitués dans notre pays et dans la plupart des cas et singulièrement dans les poursuites d’ordre ou de connotation politique et/ou l’exécutif est impliqué à ce que les poursuites soient déclenchées, la personne arrêtée, détenue, pour commencer les recherches d’indices qui peuvent justifier la poursuite, l’arrestation et la détention alors que c’est par là qu’il fallait commencer. Mais comme les poursuites, l’arrestation et la détention sont toujours ordonnées à la demande du Ministère Public, elles ne peuvent qu’être satisfaites sans prendre le moindre recul, la moindre précaution de lire au moins le dossier présenté, d’interroger des témoins, d’effectuer des investigations pour décider en toute indépendance. En fait les paramètres auxquels les juges nous ont habitués ne sont autres qu’ l’obéissance aveugle aux demandes du Ministère Public, même si les données ne permettent point de lui donner satisfaction.

Pour illustrer mes propos et sans aller trop loin, j’évoquerai quelques cas vécus que personne ne peut contester pour en tirer la leçon et pour déterminer le degré  d’instrumentalisation de la justice par le pouvoir exécutif depuis 2009, instrumentalisation assimilable aux procédés antérieurs à 2005 :

Les dossiers que je vais exposer ne sont pas les seuls où il y a eu un système généralisé de violation grave de la loi caractérisé par une soumission aveugle à la volonté du Ministère Public. Ces dossiers que j’ai gérés personnellement constituent un modèle d’illustration de d’instrumentalisation de la justice.

  1. Le dossier du docteur Yahya Ould Mohamedou Nagi : Il avait été condamné dans une affaire de chèque sans provision à une peine d’emprisonnement avec sursis et devant être libéré immédiatement dès le prononcé du jugement. Le Ministère public s’est opposé à sa libération et l’a maintenu en détention en dépit des sommations servies au régisseur, au directeur des prisons et ampliations servies au Procureur de la République. C’est ainsi qu’il fut par la suite  extrait de la prison sans mandat pour être condamné à une peine d’emprisonnement ferme pour permettre au procureur de le maintenir en  détention. Ce dossier a fait l’objet d’une plainte contre le Procureur de la République, le régisseur et le commissaire de police pour détention arbitraire et cette plainte est en instance depuis 2009, sans suite.

  1. le dossier du Premier Ministre Yahya Ould Mohamed Waghef et ses co-détenus qui avaient bénéficié en mai 2009 d’une liberté provisoire ordonnée par la chambre pénale de la cour suprême, présidée par son président en titre que le procureur général a refusé de libérer en exécution des instructions de l’exécutif.

  1. le dossier Hanevi Ould Dehah qui avait été condamné en 2009 à une peine d’emprisonnement de 6 mois en tant que directeur d’un site électronique, à un moment où il n’y avait aucune codification en Mauritanie relative à la presse électronique telle que l’a formellement reconnu le Ministre de la Communication lors des débats devant les chambres du parlement sur la loi relative à la presse électronique et ce, en violation du principe, nulle infraction nulle peine sans texte. Monsieur Hanevi qui avait pourtant purgé sa peine à l’expiration de laquelle il doit être immédiatement libéré, le parquet général l’avait maintenu en détention, en exécution des instructions de sa tutelle jusqu’à ce que la juridiction de renvoi siège un mois plus tard pour le condamner à une peine plus longue, pour être gracié quelques semaines plus tard. Ce dossier fait l’objet d’une plainte contre le régisseur, le procureur de la république, le procureur général près la cour d’appel et la directrice des prisons pour détention arbitraire depuis 2009 et  est toujours pendante sans suite.

4.      Le dossier de Mohamed Lemine Ould Dadde. Il s’agit là d’une détention préventive qui est arrivée à son terme,  la loi prescrit que le régisseur doit conduire le détenu par devant le procureur pour que celui-ci le présente au juge d’instruction pour le libérer immédiatement. En dépit des dispositions de la loi, des sommations, mises en demeures des autorités responsables des prisons et des autorités pénitentiaires et les informations portées devant les plus hautes autorités du pays (Président de la République et Premier Ministre), les débats à l’assemblée nationale sur la  question orale posée par le député Yacoub Ould Moine, la dénonciation par les organisations des droits de l’homme tant nationales qu’internationales, de la société politique, des parlementaires mauritaniens et français, il est toujours en détention arbitraire et ce depuis le 27 septembre 2011 ; bien sûr en exécution des instructions de la tutelle du Ministère Public.

Nous pouvons également citer d’autres cas où la justice a été instrumentalisée par le pouvoir exécutif en la personne du Ministre de la Justice :

5.      La demande de radiation et de rétrogradation des magistrats présentée par le Ministre de la Justice le 06 septembre, mise en mouvement le 07 septembre et exécutée le 11 septembre conformément à la demande du Ministre par la radiation du Président de la Chambre et la rétrogradation des conseillers comme s’il s’agit d’une matière périssable et d’un péril en la demeure ; alors que dans le même dossier où il est reproché aux magistrats d’avoir acquitté les prévenus, le Président de la République avait par décret n°028/2011 du 15 février 2011 accordé la grâce présidentielle et des remises de peines aux prévenus concernés dans ce dossier. Dans ce cadre il convient de rappeler aussi que le Président de la République lors du dernier Conseil Supérieur de la Magistrature tenu le 26/12/2011 a déclaré qu’il n’avait pas demandé la radiation du Magistrat, ce qui sous entend qu’il avait ordonné une sanction.

6.      la déclaration du Ministre de la Justice sur Radio France Internationale le 10 novembre 2011 à 8 heures 30, par laquelle il déclare que le juge d’instruction attend le retour du dossier (il s’agit du dossier de Mohamed Lemine Ould Dadde en communication à la cour suprême) pour pouvoir le renvoyer devant la juridiction compétente. Et le juge d’instruction – peut-être pour ne pas être radié comme l’a été Mohamed Lemine Ould Moctar- a ordonné le renvoi par ordonnance notifiée au prévenu et à sa défense le 4 décembre 2011.

7.      la mise à disposition du Ministère de la Justice d’une soixantaine de magistrats en décembre 2010, dont certains étaient présidents de chambre sans savoir pourquoi et sans qu’il y ait la moindre poursuite ; et ces mêmes magistrats à deux ou trois exceptions près viennent d’être réintégrés au sein des juridictions sans savoir encore pourquoi ;

8.      le 20 novembre 2011, un séminaire organisé à Nouadhibou en collaboration entre la Banque Mondiale et le Ministère de la Justice au profit des magistrats de la région a été interdit par le Wali, alors que parmi les séminaristes il y avait le procureur général près la cour d’appel, le procureur de la République et les présidents des différentes juridictions et les séminaristes délogés par le commandant de la brigade de Nouadhibou en exécution des instructions du  Wali ; et les participants, magistrats qu’ils sont, ont accepté d’obéir et de se soumettre aux ordres de Monsieur le Wali. Dans de telles conditions, comment peut on parler de justice et de juge ? n’est-ce pas que les administrations considèrent ainsi les juges comme de petits commis à leur service? et comme ils acceptent de se soumettre et que la liberté s’arrache, ils resteront ainsi tant qu’ils n’ont pas décidé de s’affranchir de la main mise et de la tutelle du pouvoir exécutif.

9.      plus grave, au courant du mois de décembre 2011, le club des magistrats a décidé l’organisation d’un scrutin au niveau des cours d’appels de Nouakchott, de Nouadhibou et de Kiffa pour le renouvellement de son instance dirigeante. A cet effet des bureaux de vote ont été ouverts et des urnes installées pour le bon déroulement des opérations de vote aux fins de renouvellement de cette  instance.
          A la surprise des électeurs magistrats, mais aussi de l’opinion et à deux jours de la fin des opérations de vote qui étaient programmées sur une période d’un mois, les Procureurs Généraux près les cours d’appel ont fait procéder – en exécution des instructions de leur tutelle - à l’enlèvement des urnes pour empêcher les opérations de dépouillement et donc la désignation de l’instance dirigeante du club des magistrats. Comment pouvons nous alors parler de juges et de justice dans un pays où le Ministre de la justice par l’intermédiaire des procureurs  empêche les magistrats d’élire leur instance dirigeante.

10.  lors de la dernière session du conseil supérieur de la magistrature, le juge d’instruction qui avait convoqué le Gouverneur de la Banque Centrale pour l’entendre dans le dossier appelé communément le ‘’dossier SONIMEX’’ a été mis à la disposition du Ministère de la justice et laissé sans fonction et donc relevé de ses fonctions de juge d’instruction comme si le fait de convoquer le Gouverneur de la Banque Centrale Constitue une faute sanctionnée de telle sorte.

11.  En novembre 2001, le citoyen mauritanien Mouhamedou Ould Sillahi avait été remis en catimini sans la moindre procédure aux américains pour le conduire en Jordanie et en Afghanistan pour le soumettre à toutes les formes de torture pour le transporter par la suite à Guatanamoo Bay où il est séquestré depuis août 2002. En ma qualité d’avocat de la famille et en raison de la gravité de la remise de Ould Sillahi aux autorités américaines comme la livraison de toute marchandise, surtout que cette remise est proscrite par la constitution et tous les instruments internationaux ratifiés par la Mauritanie, j’ai saisi le 17 novembre 2011 le Procureur de la République par plainte contre x pour enlèvement et séquestration de Ould Sillahi pour demander l’ouverture d’une information à l’effet de déterminer les conditions de l’enlèvement pour que les auteurs soient identifiés et poursuivis. A ce jour, cette plainte n’a connu aucune suite en dépit de la consistance des documents joints soumis à l’appréciation du procureur, alors que lors du débat de la question orale du député Yacoub Ould Moine adressée au Ministre des affaires étrangères et de la coopération telle qu’exposée par le député Abdarrahamne Ould Mini a recueilli le consensus de tous les députés et même du Ministre.  Pourquoi alors le procureur ne veut pas donner suite à la plainte sauf s’il attend encore de recevoir les instructions de la chancellerie.

Voilà quelques éléments à titre d’illustration pour décrire le niveau auquel se trouve aujourd’hui notre justice. Comment alors dans de telles conditions pouvons nous parler de juges ou de justice ? N’est-ce pas que le juge obéit aux ordres de la chancellerie et ne peut que donner suite à toute demande présentée par le représentant de la chancellerie. C’est ainsi que pour régler le compte à l’opposant politique Moustapha Chavi, que la justice a été instrumentalisée par le pouvoir exécutif.

Comment ?

Après avoir refusé le renouvellement de son passeport et ceux des membres de sa famille et le refus de visas pour son épouse et ses enfants le 23 décembre 2011 pour se rendre à Nouakchott à l’effet de rester au chevet de son père fatigué par l’âge et la maladie, le procureur, en exécution des instructions de sa tutelle se fait délivrer un mandat d’arrêt contre lui par le juge d’instruction chargé du terrorisme. Sans vouloir évoquer pour le moment  le chef ou les chefs d’inculpation que nous ignorons, nous ne pouvons qu’être surpris par la délivrance d’un mandat par un juge, dans les conditions décrites ci-dessus que traverse la justice mauritanienne contre une personnalité connue :

-         en Mauritanie pour son opposition au régime en place depuis l’organisation du coup d’Etat du 6 août 2008 contre le premier Président élu démocratiquement en Mauritanie et dans le monde arabe et qui n’a cessé de s’exprimer pour dénoncer le coup d’Etat, les méthodes de gestion du pays et tous les procédés de règlement du conflit et notamment la politique prônée et suivie de lutte contre le terrorisme ;

-         dans la sous – région et notamment au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Sénégal mais aussi en France, en Espagne, au Canada et en Grande Bretagne, pour son action en dépit des risques et dangers auxquels il s’exposait ainsi que les sacrifices qu’il a consentis pour mener des négociations qui ont conduit à la libération de paisibles et innocents citoyens enlevés par des groupes terroristes. De telles actions connues de notoriété singulièrement en occident, dont les ressortissants en ont bénéficié resteront des exploits enregistrés aux palmers des réalisations de Ould Chafi.

En fait la délivrance de ce mandat n’est que l’expression du traitement que réservent les juges à toute demande présentée par le Ministère Public. N’est-ce pas – et mes confrères ne me démentiront pas -  que lorsque le procureur formule une demande tendant à la délivrance d’un mandat quelconque, le juge, avant de prendre connaissance du dossier, d’entendre des témoins ou de réunir au moins des indices, accède immédiatement à la demande. Parfois même nous avons vu des greffiers remplir le formulaire du mandat de dépôt avant l’introduction du dossier dans le bureau du juge et en réponse, ils soutiennent à face à tous ceux qui s’étonnent d’une telle pratique : n’est-ce pas qu’il s’agit d’un mandat demandé par le procureur. Voilà la pratique au quotidien. Permettez – moi de vous dire que je ne suis point surpris que le juge aie émis le fameux mandat d’arrêt comme il avait déjà  délivré d’autres mandats dans les mêmes conditions pour la seule raison qu’il s’agit de demande présentée par un Procureur. Dans le cas d’espèce où un opposant est victime de toutes les formes de persécutions, le fameux délit de  parenté ou de faciès que nous avons connu en 2003 réapparaît par l’interdiction d’entrer sur le territoire mauritanien de son épouse et de ses enfants pour les empêcher ainsi de rester au chevet du père fatigué par la maladie et l’age avant qu’il ne soit emporté par la mort le vendredi 06 janvier 2012.

Un tel sentiment d’amertume, je dirais même de désolation qu’inspire la situation de notre justice aujourd’hui permet de comparer sa soumission au pouvoir exécutif à ce qu’elle était en mars 1998 où avec mes amis et collègues Cheikh Saad Bouh Camara, Boubacar Messoud et Fatimata M’baye avons été condamnés à une peine de 13 mois d’emprisonnement ferme confirmée en appel le 24 mars 1998 et, de retour à la prison le même jour vers 15 heures, nous apprenons qu’un décret de grâce est dans le circuit. Et vers 18 heures nous avons été libérés. Et aux journalistes qui m’avait accueilli pour demander mon opinion, j’ai répondu tout simplement et à chaud à la porte de la prison : ‘’j’ai honte pour la justice de mon pays ! Nous sommes condamnés à 15 heures et graciés aussitôt !’’

Il s’en dégage alors qu’il va falloir poursuivre  l’action en la diversifiant pour soustraire la justice mauritanienne de la mainmise effective du pouvoir exécutif et de son instrumentalisation pour que les conditions de la sécurité des citoyens et de tout ressortissant étranger résidant en Mauritanie soit assurée et que les conditions de l’investissement soient réunies pour attirer le capital étranger nécessaire à toute entreprise de développement pour la simple raison que de telles conditions ne peuvent être réunies que s’il y a une justice souveraine et réellement indépendante.

Je vous remercie pour votre attention.


IV°

discours de rentrée du Bâtonnier  

Avril 2012


Je commence par adresser mes vifs remerciements aux personnalités ici présentes qui ont bien voulu honorer de leur présence la rentrée solennelle de notre Barreau sous le thème l'ordre national des avocats 32 ans de combat.

Je voudrai rendre hommage au travail remarquable réalisé par nos doyens au cour des années difficiles des périodes d'exception et de régimes militaires au cour desquels notre Barreau a toujours été un rempart contre l'arbitraire et l'injustice.

L’ordre des avocats de Mauritanie, qui fait notre fierté aujourd’hui, a été aux cotés de tous les détenus d’opinions dans notre pays et tous les combats pour la liberté la justice  et les droits de l’homme.

Ceci dans un contexte rendu difficile à la fois par la perception que se fait la société de l’avocat et le contexte des régimes militaires d’exceptions.

Les collectifs d’avocats étaient bénévolement à la disposition des persécutés et de toutes les victimes de l’injustice Elhor, les militaires, les Bathistes, les islamistes, les Nassiristes, les partis dissous, les présidents de partis Ahmed Ould Daddah Chbih Melainine, Mohamed Khouna Haidalla, le procès des militaires à Ouad Naga, et j’en passe.

Le Barreau a apporté sa contribution à l’amélioration des conditions des magistrats suite à plusieurs mémorandums.

Je voudrai rassurer nos doyens et nos confrères,  nous admirons vos efforts  et continuerons toujours dans la même lancée avec davantage d'énergie et de détermination.

La tache n'est hélas pas moins difficile que par le passé.
En effet vraisemblablement les autorités prennent mal aujourd’hui plus que par le passé, notre engagement  en faveur des droits de l'homme et des libertés publiques, le pouvoir visiblement n'apprécie guère notre combat en faveur de la justice, de son indépendance, particulièrement par rapport au pouvoir exécutif dont l'emprise est préoccupante à tous niveaux, ce qui nous a valu un certain rejet dont nous nous efforçons de limiter les conséquences.

Le  Barreau réagit en ce moment fermement face aux violations de la loi répétées que nous observons et au recul de la justice dans notre pays, recul qui se manifeste à plusieurs niveaux de façon alarmante dont on évoquera pour la circonstance certains aspects:

1- En dépit d'une loi et de son décret d'application le ministère de la justice s'est abstenu de mettre en place un système d'assistance judiciaire permettant aux citoyens les plus démunis d'accéder à la justice, il a au contraire, dans une démarche incompréhensible, fait obstruction aux efforts réalisés par l'Ordre National des Avocats en partenariat avec la coopération Française et la coopération Espagnole dont je salue vivement ici la contribution.
Ainsi notre Barreau a été empêché il y'a quelques mois d'assurer une assistance judiciaire aux détenus de la prison de Dar Naim, et aujourd'hui, dans une démarche similaire et autant incompréhensible, nous sommes empêchés d'offrir la même assistance aux prisons d'Aleg de Rosso et la prison des femmes et de façon générale d'accéder aux prisons

-2 Le système judiciaire connait un dysfonctionnement total, on ne sait plus qui fait quoi, une confusion des rôles. pour rester fidèle à notre démarche qui consiste à ne citer dans ce discours que des choses concrètes, l'une des manifestations de ce dysfonctionnement est le fait pour la cour criminelle de juger aujourd'hui les comptes des comptables publics et la mauvaise gestion alors qu'il s'agit là en substances de compétences dévolues par la loi à la cour des comptes confinée à un rôle cérémonial, comme le médiateur de la République.

-3 Le parquet général fait obstruction au fonctionnement normal de la justice à travers la méthode de mettre la main sur un dossier et l'enfermer dans les tiroir lorsqu'il le reçoit pour avis.
En effet le parquet général a régulièrement recours à cette méthode pour empêcher les juges de statuer et maintenir un statuquo lorsque le ministère de la justice ne veut pas courir le risque de voir annulée une décision à laquelle il tient.
L'affaire numéro 6/12 administrative confisquée ce jour dans les tiroirs du procureur de la justice en est une illustration concrète.

-4 L'accès des avocats aux personnes en garde à vue, bien que prévu par l'article 58 du code de procédure pénale, est systématiquement refusé par le parquet ceci est d'autant plus inquiétant que la torture et les traitements cruels sont érigés en méthode lors des interrogatoires de la police, exemple les étudiants  torturés au commissariat de police du ksar en février 2012.

-5 Les prisons connaissent un sort incompatible ave l’Etat de droit.
La prison des salafistes dans un lieu secret quelque part dans la nature sans contact avec leurs familles et avec leurs avocats est une violation flagrante des normes internationales et des lois nationales qui régissent les établissements pénitenciers.
La détention des mineurs avec les adultes dans deux cellules de 24 m² à Nouakchott, la situation de 52 mineurs qui ont dépassé les délais légaux de détention préventives et la situation de 17 mineurs détenus avec les adultes à Nouadhibou suivant nos informations datées d’il y’a deux semaines constituent un recul notoire des droits de l'enfant en Mauritanie .
Les vagues d'arrestations et d'expulsions des étrangers constatées récemment en violation de la loi est une manifestation supplémentaire de l'arbitraire.

-6 les détentions arbitraires connaissent une fréquence inquiétante ainsi que les procès politiques sous le couvert de la lutte contre la gabegie qui échappent à la justice et sont directement gérés par le pouvoir exécutif.

-7 le pouvoir exécutif exerce aujourd’hui un contrôle et une autorité sur l’appareil judiciaire sans précédent, l’indépendance de la justice n’est plus qu’une illusion.

La main mise de l’exécutif sur le judiciaire  trouve son expression la plus éloquente dans les deux points suivants :
A/ - Le souci légitime manifesté par les magistrats pour créer un cadre syndical qui défend leurs intérêts et garantit leur indépendance a reçu une fin de non recevoir de la part des pouvoirs publics.
Alors que les élections se déroulaient normalement le ministère de la justice a fait irruption au moment du dépouillement pour confisquer l'urne, puis la semaine dernière le ministre de l'intérieur délivre, sur intervention du ministre de la justice, le récépissé de reconnaissance no 092 du 12 avril 2012 à une association taillée sur mesure composée de magistrats "fidèles" pour ne pas dire sous la tutelle du ministre de la justice auquel il doivent leur promotion récente.
L'association a vu le jour dans une opacité totale mais le plus scandaleux c'est que le récépissé du ministre de la justice fait référence à une prétendue assemblée générale des magistrats en date du 11/4/2012, fictive de toute évidence car il n'y'a jamais eu d'assemblée générale des magistrats le 11/4/2012.
Nous le répétons depuis quelques temps, les juges ont le droit de créer librement un cadre syndical, pourquoi le leur refuse t on et pourquoi leur impose t on un syndicat forcé dont les membres sont désignés par le ministre de la justice?
B/ le projet de modification de la loi régissant le statut de la magistrature à l’initiative du ministère de la justice prévoit en son article 30 de soumettre l’évaluation des juges à l’inspecteur général de la justice.
Il ne manquait plus que cette mesure, qui intervient dans la foulée du projet de disloquer l’ordre des avocats en créant des barreaux régionaux, pour faire comprendre aux juges qu’ils sont sous l’autorité effective du ministre de la justice et enterrer définitivement  l’illusoire indépendance de la justice.

Au delà de ces quelques exemples triés parmi d’autres pour leur pertinence qui illustrent les reculs enregistrés dans le secteur de la justice, nous sommes inquiets face à l'injustice de façon globale dans notre pays.
Pour garantir la justice et l’égalité des citoyens nous sommes tout autant interpelés par la lutte contre l’esclavage et réclamons plus de fermeté et d’engagement dans le sens de l’éradication de ce fléau.

Nous réclamons par ailleurs le renforcement de l’unité nationale par des mesures concrètes et efficaces.

 L’injustice globale que nous dénonçons se manifeste par la mauvaise répartition du gâteau et La gestion personnalisée des ressources du pays, l'inégalité des chances qui sont d'autres manifestations visibles de l'injustice  qui affectent le pain du citoyen, un pain auquel il tient tant pour sa survie que pour sa dignité.
Nous sommes inquiets face aux méthodes répressives Contre les manifestants paisibles étudiants ou autres et  c'est l'occasion de rappeler à ceux qui se prêtent à ces pratiques permis nos forces de l'ordre qu'en agissant ainsi ils s'exposent à la mise en œuvre de leur responsabilité personnelle dès lors qu'ils sont identifiés sans qu'ils puissent faire valoir l'ordre de leur hiérarchie pour s'exonérer.

Le recours de plus en plus fréquents aux écoutes téléphoniques illégales qui constituent une grande entrave à la liberté et une atteinte à la vie privée inquiète à son tour,
Le célèbre juge Garçonne espagnole a été interdit d'exercice de la fonction de juger pendant 11 ans pour avoir eu recours aux écoutes téléphoniques dans le cadres de ses investigations judiciaires.

En dénonçant ces faits révélateurs du recul de la justice dans notre pays nous sensibilisons, de façon responsable, l'opinion public et les acteurs, nous interpellons les pouvoirs publics en vue de rétablir la primauté de la loi, l'indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs, le respect des droits de l'homme et des libertés publiques sérieusement compromis en Mauritanie.

Le combat de l’Ordre national des avocats  vise à restaurer le droit dans notre pays, condition de tout développement et garantie de la paix.
En effet la paix et le développement d'un pays ne se conçoivent que dans un espace qui garantit la primauté de la loi et fait de l’égalité et du respect des droits de l'Homme des principes intangibles.
Nous nous exerçons depuis quelques temps sans trop de succès, il faut l'avouer, à expliquer aux autorités que le  combat de l’ordre national des avocats n'est adressé contre personne, qu’il est l’essence même de notre mission, quoi qu’il en soit nous serons là où l’injustice se manifeste dans ce pays, là où la loi est violée dans ce pays, là où la machine de répression frappe dans ce pays, là où les institutions sont empêchées de fonctionner dans ce pays pour que triomphent les idéaux de liberté et de justice dans la République car nous n’avons pas besoins d’hommes forts mais d’institutions fortes.

Je vous remercie 



Appel
pour la défense de l’autorité judiciaire et de l’indépendance de la Justice
27 Mai 2012
Le 24/5/2012, Monsieur Seyid Ould Ghailany,  Président de la Cour Suprême, a été démis de ses fonctions, comme s’il était un fonctionnaire ordinaire que le Président de la République peut destituer à tout moment, alors qu’il est Président de la cour suprême et assume de ce chef la Présidence d’une autorité – l’autorité judiciaire - tout comme les Présidents des autres autorités définies par la constitution.
La Constitution telle que modifiée par loi constitutionnelle n°2012/015 du 20/3/2012 portant révision de la constitution de 1991 prescrit formellement en son article 89  (nouveau) qui ne fait que reprendre l’article 89 ancien « le pouvoir judicaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ».   
Pour consacrer ce principe constitutionnel, la loi portant organisation judiciaire dispose que «le Président de la cour suprême est nommé pour un mandat de 5 ans et  ne peut être suspendu ou admis à cesser ses fonctions avant leur terme que dans les formes prévues pour sa nomination et sur sa demande ou pour cause d’incapacité physique, pour perte de droits civiques et politiques ou pour manquement aux convenances, à l’honneur et à la dignité du magistrat ».
Dès le premier jour ouvrable (le 27/5/2012) après la décision de destitution rejetée par le président de la cour suprême, le siège de la cour suprême est investie par un bataillon de la garde qui empêche son Président  d’accéder à ses bureaux.
Il s’agit là d’une atteinte gravissime du principe constitutionnel d’indépendance du pouvoir judiciaire et donc de l’indépendance de la justice, principe de base de tout système démocratique, sans lequel, il n y a aucun Etat de droit. 
Devant cette situation d’atteinte à l’autorité judiciaire et à l’indépendance de la justice, je lance un appel à tous les magistrats, à tous les avocats, à la société politique dans son ensemble, à la société civile et à tous les partenaires au développement de la Mauritanie et singulièrement  aux Présidents des grandes institutions de l’Etat pour une large mobilisation pour la défense de l’indépendance de la justice, de l’autorité judiciaire et pour qu’ils manifestent leur solidarité agissante avec le Président Seyid Ould Ghailany illégalement démis de ses fonctions de Président de la Cour Suprême  par le Président de la République alors qu’il a été nommé pour un mandat de 5 ans par le décret n°108/2010 en date du 29/6/2010 publié au journal officiel n°1221 du 15/8/2010.
 Nouakchott le 27/5/2012
 Me Brahim Ould Ebety
avocat à la cour



VI°

Rapport du Bâtonnier sur la justice Août 2012,
à titre de contribution au débat télévisé du président de la République prévu le 5 Août 2012

Par courrier adressé au Président de la République dont copie à été transmise au parti UPR en plus d'un courrier adressé le 2/8/2012 au ministère de la communication, j'ai  sollicité la participation à la rencontre du Président de la République avec le peuple prévue le 05 Août  pour interpeller le président sur les questions de droit et de justice dans la pays.
Naturellement aucune suite n'a été donnée à ce courrier ce qui traduit une volonté manifeste d'empêcher cette interpellation publique du président sur des sujets aussi sensibles que l'Etat de droit dans le pays.

 A titre de contribution à ce débat je me permets de rendre public mon rapport traditionnel sur la justice qui fait état des graves violations des droits de l'homme et le recul des libertés dans la pays, tout en esquivant les questions particulières que j'aurai posées au président de la République.

Ce recul est aujourd'hui largement constaté.
le rapport d'amnesty international 2012  déplore que la Mauritanie est malheureusement parmi les pays où les forces de l'ordre ont tiré des balles réelles sur les manifestants, faisant des blessés et des morts cela s'est passé à Magama, à Kaedi, à Nouakchott et tout récemment à Akjoujt.

Il s'agit incontestablement d'une preuve du recul des libertés dans le pays.

Il s'agit également d'une violation des engagements que la Mauritanie a pris devant les Nations Unies lors de l'examen périodique universel de l'ONU en janvier 2012 où le pays s'est engagé à mettre un terme au recours à la torture et l'usage de la force excessive  par les forces de l'ordre et de sécurité et à mettre en place une vraie stratégie nationale de lutte contre l'esclavage.

La liberté de la presse sérieusement compromise dans le pays

 le Secteur oh combien important de la presse n'est pas épargné 
Le licenciement abusif du journaliste Mamouni ould Moctar pour ses opinions fait scandale avec une mobilisation de l'ensemble de la presse en sa faveur.
Le journaliste Abdelkader à fait l'objet de menace de mort par le responsable du parti au pouvoir d'Aioun.
Le journal SEVIR à fait l'objet,  il y'a quelques jours, d'une campagne violente de  la part du parti au pouvoir ( encore lui) à travers un communiqué officiel offensif publié et largement diffusé par sa direction de l'information.

La campagne virulente à été dénoncée par un communiqué du rassemblement de la presse Mauritanienne dans lequel celui ci à déploré les sorties répétées du parti au pouvoir contre la presse toutes les fois qu'une information qui ne lui plaît pas est diffusée dans l'objectif de ce que le communiqué à appelé " l'intimidation et les pressions sur les journalistes pour les réduire à des forums de propagande".

Il faut noter que ce n'est pas la première fois que le parti au pouvoir s'attaque à la presse, déjà les sites de alakhbar et Akhbar Nouakchott ont auparavant fait l'objet de campagnes similaires.

Quand la presse est à ce point muselée force est de constater le recul des libertés dans le pays.

La liberté syndicale 

Les syndicats n'ont pas été épargnés ces derniers  jours 
Le syndicat indépendant des professeurs de l'enseignement secondaire  ( SIPES)  a dénoncé dans un communiqué rendu public  ce qu'il a appelé "les abus du ministère de tutelle" qui a procédé à la suspension du salaire de son secrétaire général  Mohameden Ould Rabani à qui on reproche d'avoir dénoncé, à travers un article,  certaines dérives du ministre d'Etat à l'éducation.
Cette mesure vient s'ajouter à celles similaires dont sont victimes Messieurs wagne Mountagha au collège de Foum Gleyta, Ali Ndom au lycée de Maghama, et Dial Ibrahima au collège de Rindiao pour avoir usé de leur droit de grève.
Les sanctions infligées aux syndicalistes ne s'arrêtent pas là, le secrétaire général de la section de tidjikja Abdoullahi Ould Sidina fut révoqué  et l'ensemble des syndicalistes évincés des responsabilités, de la coordination des disciplines, de la surveillance des examens et des responsabilités de façon générale.
Les syndicats de la santé ont déploré il y'a quelqu'un jours les affectations arbitraires et collectives des quatre médecins chefs de la wilaya du Brakna.
Les magistrats ont enterré leur projet d'amicale pour se ranger, contre leur gré, dans l'association crée par le ministère de la justice.
Quand les syndicats sont à ce point muselés force est de constater le recul des libertés dans le pays.

Tortures et mauvais traitements dans les prisons

La mort du prisonnier Mamadou Traoré ( malien) à la maison d'arrêt de Dar Naim pour défaut de soins est un scandale qui prouve que les conditions minima des Nations Unies pour le traitement des personnes privées de liberté ne sont pas respectées.
Le surpeuplement et les conditions inhumaines de la prison de Nouadhibou où séjournent 151 prisonniers dont 23 étrangers  demeurent inquiétants.
La garde aurait procédé à la torture de sept prisonniers ligotés par les mains et les pieds derrière le dos pendant 48 heures et ont dépouillé l'un d'entre eux, Ismael , de ses biens.
Il convient de rappeler à cet égard l'engagement précité du gouvernement Mauritanien devant les Nations Unies de mettre un terme à la torture dans le pays en application de la convention internationale ratifiée par la Mauritanie.
La situation de la prison de Dar Naim n'est pas meilleure pour citer quelques chiffres concrets certains prisonniers attendent encore de comparaître devant un juge depuis 2006, attendent ce premier droit de toute personne privée de liberté qui est celui "que sa cause soit entendue le plus tôt possible par  un juge impartial".
Dans un pays où le recours à la torture et aux traitements cruels inhumains et dégradants est fréquent, dans un pays où une personne peut attendre 6 ans pour être jugée on peut dire que règne l'arbitraire, les violations des droits de l'homme et force, bien entendu, est de constater le recul des libertés.


Le régime de la garde à vue 
L'accès des avocats aux personnes en situation de garde à vue, bien que prévu par la loi ( article 58 du code procédure pénale), est systématiquement refusé par le parquet toutes les fois que les avocats le requièrent.
Le Conseil National des Barreaux de France a rappelé, par une Motion rendue le 23 septembre 2011, que le renforcement du rôle et de la présence de l'avocat dans la phase d'enquête de la procédure pénale est une garantie essentielle de l'Etat de droit et du respect effectif des droits de la défense.
Les systèmes juridiques tunisiens marocains et sénégalais veillent à ce que les personnes soupçonnées ou poursuivies aient accès à un avocat dans les meilleurs délais.
Partout, sauf en Mauritanie,  il est reconnu à l'avocat le droit de s'entretenir avec le suspect ou la personne poursuivie pendant un temps suffisant et à intervalles raisonnables pour pouvoir exercer effectivement les droits de la défense, d'assister à tout interrogatoire ou audition, sauf lorsqu'un retard risque de compromettre la disponibilité d'éléments de preuve, de poser  des questions , de demander des éclaircissements et assister à toute mesure d'enquête, il est également reconnu à l'avocat le droit d'accéder au lieu de détention pour prendre connaissance des conditions de détentions.
L'accès de l'avocat aux personnes en garde à vue, timidement reconnu par notre législation, n'est en pratique pas autorisé par les autorités judiciaires dans notre pays ce qui constitue une violation flagrante des droits de l'Homme et pas des moindres, preuve supplémentaire, si besoin était du recul des libertés dans le pays.

Assistance judiciaire
Il est un objectif primordial de tous les Etats aujourd'hui de faire  bénéficier tous les justiciables du droit à un procès équitable, surtout quand ils sont indigents.
L'assistance judiciaire est une institution capitale, notamment quand la liberté du justiciable se trouve menacée par une peine d'emprisonnement.
Cette porte d'accès à la justice et d'égalité  des citoyens  devant la justice n'est pas offerte aux justiciables Mauritaniens.
Le ministère de la justice refuse de mettre en place le système d'assistance judiciaire pour faire de notre pays  l'un des rares pays ou ce droit n'est pas octroyé aux citoyens.
Les obstructions délibérées du ministère de la justice quant à l'exécution du projet d'assistance judiciaire financé à l'Ordre National des Avocats par la coopération espagnole risquent fort bien de conduire à sa suspension lors d'une réunion prévue le 6 Août.
L'absence d'un système d'assistance judiciaire dans un pays est considérée aujourd'hui comme une violation des droits de l'homme.

Incohérence et violation de la loi 

Nous avons constaté que certaines lois abrogées continuent paradoxalement à être appliquées alors que les usagers courent, en vain, derrière l'application des lois en vigueur ( loi relative à la retraite des députés par exemple 2011/32).

L'exemple de personnes ayant bénéficié de la grâce présidentielle alors qu'ils ne sont pas encore jugées est une aberration totale, en revanche nous avons certains exemples de personnes ayant purgé leurs peines et qui ne sont pas encore élargies.

Ce sont ces incohérences totales, associée à la radiation du juge Mohamed L'éminent Ould Moctar qui ont fait mentionner dans le rapport d'amnesty internationale 2012 que des doutes planent sur la crédibilité de la justice en Mauritanie, ce pays où le Président de la République a demis, en trois ans, trois présidents de la cour suprême de leur fonctions violant ainsi le principe de la séparation des pouvoirs et celui autant ancré de l'indépendance de la justice.
Le pays où l'ordre des avocats est empêché de visiter les prisons, pas plus d'ailleurs que la Commission Nationale des droits de l'Homme, empêchée de visiter les prisons de Rosso et de Nouadhibou ( voir son rapport 2011).

Le pays où les écoutes téléphoniques illégales sont une pratique courante en violation flagrante de la vie privée des citoyens.

Le pays où 14 prisonniers ont été enlevés depuis le 23 mai 2011 et séjournent dans une prison inconnue de  leurs avocats et de leurs familles, contrairement au droit international qui exige que " les détentions de personnes privées de liberté soient dans des lieux de détentions officiellement reconnus" quelque soit le crime qu'ils ont commis et quelque soit sa gravité.
La Mauritanie viole ainsi la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées  qu'elle à signée en septembre 2011.

                                                              conclusion 

Tortures, traitements cruels, inhumains et dégradants, violentes répressions des manifestations,  limites à la liberté de la presse, limites à la liberté syndicale, limites à l'indépendance des juges, limites à l'indépendance des avocats, oui, en effet on peut parler de recul des libertés dans le pays, je l'atteste.

Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni
Bâtonnier de l'ordre national des Avocats de Mauritanie
04/08/2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire