dimanche 19 août 2012

rapport du bâtonnier de Mauritanie empêché de participer à la rencontre d'Atar

Rapport du Bâtonnier sur la justice Août 2012,
à titre de contribution au débat télévisé du président de la République
prévu le 5 Août 2012

Par courrier adressé au Président de la République dont copie à été transmise au parti UPR en plus d'un courrier adressé le 2/8/2012 au ministère de la communication, j'ai  sollicité la participation à la rencontre du Président de la République avec le peuple prévue le 05 Août  pour interpeller le président sur les questions de droit et de justice dans la pays.
Naturellement aucune suite n'a été donnée à ce courrier ce qui traduit une volonté manifeste d'empêcher cette interpellation publique du président sur des sujets aussi sensibles que l'Etat de droit dans le pays.

 A titre de contribution à ce débat je me permets de rendre public mon rapport traditionnel sur la justice qui fait état des graves violations des droits de l'homme et le recul des libertés dans la pays, tout en esquivant les questions particulières que j'aurai posées au président de la République.

Ce recul est aujourd'hui largement constaté.
le rapport d'amnesty international 2012  déplore que la Mauritanie est malheureusement parmi les pays où les forces de l'ordre ont tiré des balles réelles sur les manifestants, faisant des blessés et des morts cela s'est passé à Magama, à Kaedi, à Nouakchott et tout récemment à Akjoujt.

Il s'agit incontestablement d'une preuve du recul des libertés dans le pays.

Il s'agit également d'une violation des engagements que la Mauritanie a pris devant les Nations Unies lors de l'examen périodique universel de l'ONU en janvier 2012 où le pays s'est engagé à mettre un terme au recours à la torture et l'usage de la force excessive  par les forces de l'ordre et de sécurité et à mettre en place une vraie stratégie nationale de lutte contre l'esclavage.

La liberté de la presse sérieusement compromise dans le pays

 le Secteur oh combien important de la presse n'est pas épargné 
Le licenciement abusif du journaliste Mamouni ould Moctar pour ses opinions fait scandale avec une mobilisation de l'ensemble de la presse en sa faveur.
Le journaliste Abdelkader à fait l'objet de menace de mort par le responsable du parti au pouvoir d'Aioun.
Le journal SEVIR à fait l'objet,  il y'a quelques jours, d'une campagne violente de  la part du parti au pouvoir ( encore lui) à travers un communiqué officiel offensif publié et largement diffusé par sa direction de l'information.

La campagne virulente à été dénoncée par un communiqué du rassemblement de la presse Mauritanienne dans lequel celui ci à déploré les sorties répétées du parti au pouvoir contre la presse toutes les fois qu'une information qui ne lui plaît pas est diffusée dans l'objectif de ce que le communiqué à appelé " l'intimidation et les pressions sur les journalistes pour les réduire à des forums de propagande".

Il faut noter que ce n'est pas la première fois que le parti au pouvoir s'attaque à la presse, déjà les sites de alakhbar et Akhbar Nouakchott ont auparavant fait l'objet de campagnes similaires.

Quand la presse est à ce point muselée force est de constater le recul des libertés dans le pays.

La liberté syndicale 

Les syndicats n'ont pas été épargnés ces derniers  jours 
Le syndicat indépendant des professeurs de l'enseignement secondaire  ( SIPES)  a dénoncé dans un communiqué rendu public  ce qu'il a appelé "les abus du ministère de tutelle" qui a procédé à la suspension du salaire de son secrétaire général  Mohameden Ould Rabani à qui on reproche d'avoir dénoncé, à travers un article,  certaines dérives du ministre d'Etat à l'éducation.
Cette mesure vient s'ajouter à celles similaires dont sont victimes Messieurs wagne Mountagha au collège de Foum Gleyta, Ali Ndom au lycée de Maghama, et Dial Ibrahima au collège de Rindiao pour avoir usé de leur droit de grève.
Les sanctions infligées aux syndicalistes ne s'arrêtent pas là, le secrétaire général de la section de tidjikja Abdoullahi Ould Sidina fut révoqué  et l'ensemble des syndicalistes évincés des responsabilités, de la coordination des disciplines, de la surveillance des examens et des responsabilités de façon générale.
Les syndicats de la santé ont déploré il y'a quelqu'un jours les affectations arbitraires et collectives des quatre médecins chefs de la wilaya du Brakna.
Les magistrats ont enterré leur projet d'amicale pour se ranger, contre leur gré, dans l'association crée par le ministère de la justice.
Quand les syndicats sont à ce point muselés force est de constater le recul des libertés dans le pays.

Tortures et mauvais traitements dans les prisons

La mort du prisonnier Mamadou Traoré ( malien) à la maison d'arrêt de Dar Naim pour défaut de soins est un scandale qui prouve que les conditions minima des Nations Unies pour le traitement des personnes privées de liberté ne sont pas respectées.
Le surpeuplement et les conditions inhumaines de la prison de Nouadhibou où séjournent 151 prisonniers dont 23 étrangers  demeurent inquiétants.
La garde aurait procédé à la torture de sept prisonniers ligotés par les mains et les pieds derrière le dos pendant 48 heures et ont dépouillé l'un d'entre eux, Ismael , de ses biens.
Il convient de rappeler à cet égard l'engagement précité du gouvernement Mauritanien devant les Nations Unies de mettre un terme à la torture dans le pays en application de la convention internationale ratifiée par la Mauritanie.
La situation de la prison de Dar Naim n'est pas meilleure pour citer quelques chiffres concrets certains prisonniers attendent encore de comparaître devant un juge depuis 2006, attendent ce premier droit de toute personne privée de liberté qui est celui "que sa cause soit entendue le plus tôt possible par  un juge impartial".
Dans un pays où le recours à la torture et aux traitements cruels inhumains et dégradants est fréquent, dans un pays où une personne peut attendre 6 ans pour être jugée on peut dire que règne l'arbitraire, les violations des droits de l'homme et force, bien entendu, est de constater le recul des libertés.


Le régime de la garde à vue 
L'accès des avocats aux personnes en situation de garde à vue, bien que prévu par la loi ( article 58 du code procédure pénale), est systématiquement refusé par le parquet toutes les fois que les avocats le requièrent.
Le Conseil National des Barreaux de France a rappelé, par une Motion rendue le 23 septembre 2011, que le renforcement du rôle et de la présence de l'avocat dans la phase d'enquête de la procédure pénale est une garantie essentielle de l'Etat de droit et du respect effectif des droits de la défense.
Les systèmes juridiques tunisiens marocains et sénégalais veillent à ce que les personnes soupçonnées ou poursuivies aient accès à un avocat dans les meilleurs délais.
Partout, sauf en Mauritanie,  il est reconnu à l'avocat le droit de s'entretenir avec le suspect ou la personne poursuivie pendant un temps suffisant et à intervalles raisonnables pour pouvoir exercer effectivement les droits de la défense, d'assister à tout interrogatoire ou audition, sauf lorsqu'un retard risque de compromettre la disponibilité d'éléments de preuve, de poser  des questions , de demander des éclaircissements et assister à toute mesure d'enquête, il est également reconnu à l'avocat le droit d'accéder au lieu de détention pour prendre connaissance des conditions de détentions.
L'accès de l'avocat aux personnes en garde à vue, timidement reconnu par notre législation, n'est en pratique pas autorisé par les autorités judiciaires dans notre pays ce qui constitue une violation flagrante des droits de l'Homme et pas des moindres, preuve supplémentaire, si besoin était du recul des libertés dans le pays.

Assistance judiciaire
Il est un objectif primordial de tous les Etats aujourd'hui de faire  bénéficier tous les justiciables du droit à un procès équitable, surtout quand ils sont indigents.
L'assistance judiciaire est une institution capitale, notamment quand la liberté du justiciable se trouve menacée par une peine d'emprisonnement.
Cette porte d'accès à la justice et d'égalité  des citoyens  devant la justice n'est pas offerte aux justiciables Mauritaniens.
Le ministère de la justice refuse de mettre en place le système d'assistance judiciaire pour faire de notre pays  l'un des rares pays ou ce droit n'est pas octroyé aux citoyens.
Les obstructions délibérées du ministère de la justice quant à l'exécution du projet d'assistance judiciaire financé à l'Ordre National des Avocats par la coopération espagnole risquent fort bien de conduire à sa suspension lors d'une réunion prévue le 6 Août.
L'absence d'un système d'assistance judiciaire dans un pays est considérée aujourd'hui comme une violation des droits de l'homme.

Incohérence et violation de la loi 

Nous avons constaté que certaines lois abrogées continuent paradoxalement à être appliquées alors que les usagers courent, en vain, derrière l'application des lois en vigueur ( loi relative à la retraite des députés par exemple 2011/32).

L'exemple de personnes ayant bénéficié de la grâce présidentielle alors qu'ils ne sont pas encore jugées est une aberration totale, en revanche nous avons certains exemples de personnes ayant purgé leurs peines et qui ne sont pas encore élargies.

Ce sont ces incohérences totales, associée à la radiation du juge Mohamed L'éminent Ould Moctar qui ont fait mentionner dans le rapport d'amnesty internationale 2012 que des doutes planent sur la crédibilité de la justice en Mauritanie, ce pays où le Président de la République a demis, en trois ans, trois présidents de la cour suprême de leur fonctions violant ainsi le principe de la séparation des pouvoirs et celui autant ancré de l'indépendance de la justice.
Le pays où l'ordre des avocats est empêché de visiter les prisons, pas plus d'ailleurs que la Commission Nationale des droits de l'Homme, empêchée de visiter les prisons de Rosso et de Nouadhibou ( voir son rapport 2011).

Le pays où les écoutes téléphoniques illégales sont une pratique courante en violation flagrante de la vie privée des citoyens.

Le pays où 14 prisonniers ont été enlevés depuis le 23 mai 2011 et séjournent dans une prison inconnue de  leurs avocats et de leurs familles, contrairement au droit international qui exige que " les détentions de personnes privées de liberté soient dans des lieux de détentions officiellement reconnus" quelque soit le crime qu'ils ont commis et quelque soit sa gravité.
La Mauritanie viole ainsi la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées  qu'elle à signée en septembre 2011.

                                                              conclusion 

Tortures, traitements cruels, inhumains et dégradants, violentes répressions des manifestations,  limites à la liberté de la presse, limites à la liberté syndicale, limites à l'indépendance des juges, limites à l'indépendance des avocats, oui, en effet on peut parler de recul des libertés dans le pays, je l'atteste.

Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni
Bâtonnier de l'ordre national des Avocats de Mauritanie
04/08/2012

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