jeudi 17 mai 2012

françafrique - France-Mauritanie - Mars 2009


----- Original Message -----
Sent: Tuesday, March 31, 2009 3:18 PM
Subject: RE: conférence de presse conjointe du Président de la République à Niamey, hier vendredi 27 mars 209

J'ai bien reçu votre mail et je vous en remercie.

Bien à vous

C. Frémont

De : Bertrand Fessard de Foucault [mailto:b.fdef@wanadoo.fr]
Envoyé : samedi 28 mars 2009 15:09
À : FREMONT Christian
Cc : Philippe Etienne, directeur du cabinet au Département; Jérôme Peyrat - dir. cab. Coopération; M° Robert Bourgi
Objet : conférence de presse conjointe du Président de la République à Niamey, hier vendredi 27 mars 209

Cher Préfet, cher ami,

pourriez-vous donner à lire les lignes qui suivent à Monsieur le Président de la République, et m'en accuser aussi réception. C'est - je vous l'assure - pour la bonne cause.

Grande et chaleureuse reconnaissance. 



Monsieur le Président de la République, vous me savez loyal depuis que nous correspondons - c'est-à-dire depuis 2000 et la mairie de Neuilly.

Permettez-moi - vous ayant écouté sur les ondes, tandis que vous donniez avec votre homologue nigérien une conférence de presse conjointe - de vous informer plus précisément, au moins sur la Mauritanie que j'aime et pratique depuis quarante-cinq ans (mon service national comme professeur l'ENA locale en fondation alors) et dont je connais aujourd'hui et depuis longtemps les principaux personnages, dont notamment le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, Ahmed Ould Daddah, son compétiteur de 2007 et Messaoud Ould Boulkheir, président de l'Assemblée nationale.

La France a-t-elle été assez ferme contre les putchistes de Nouakchott, et ceux-ci n’ont-ils pas donné l’exemple à Bissao, à Conakry et à Tananarive ?

LE PRESIDENT – Ce n’était pas une question, c’était une fresque !

...

 Sur la Mauritanie, vous connaissez bien cela, est-ce qu’on a souvent vu un coup d’état sans manifestation et sans protestation, si ce n’est celle de la France ? Lorsque le Président, démocratiquement désigné, a été retenu, moi-même je l’ai appelé, moimême. j’ai exigé qu’il soit libéré, mais force est de constater qu’il n’y a pas eu un député, un parlementaire qui a protesté et qu’il n’y a pas eu une manifestation.

De fait, votre premier communiqué, au moment-même du coup du 6 Août 2008, était informé, de principe, et excellent. Quand il est apparu qu'au Quai d'Orsay et à la Coopération - certaines déclarations de M. Joyandet, employant par avance les termes exacts que vous avez eus hier matin - la position de la France paraissait plus émolliente, vous avez fait savoir que c'est vous qui décidez. Qu'allez-vous décider ? à la veille de la réunion du groupe de contact et à la suite du communiqué du Conseil de Paix et Sécurité de l'Union africaine ?

Factuellement, à vous entendre hier et à vous lire aujourd'hui sur le site de l'Elysée, vous avez été "désinformé".

Permettez-moi de vous rappeler que vous n'avez jamais parlé au téléphone avec le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, ni pendant qu'il était au secret au palais des congrès de Nouakchott depuis le 6 Août, ni ensuite dans son village de Lemden où il est assigné à résidence. Ou alors, vos services vous ont passé quelqu'un d'autre... je vous donne les téléphones de votre homologue :   x x x x

Dès l'après-midi du coup,
1° le président de l'Assemblée nationale a protesté solennellement, a déclaré illégale toute session à venir de l'Assemblée et du Parlement, et persévère depuis par des réunions publiques, par un tour d'Afrique en début d'année et une venue en France, à l'automne, notamment reçu par son homologue à l'hôtel de Lassay
2° un Front national de Défense de la Démocratie s'est constitué, comprenant nombre de parlementaires entre autres personnalités

Dans la semaine suivant le coup, importante manifestation de l'opposition : réprimée. Puis, très durement, le 6 Octobre. Depuis le début de l'année, il ne se passe pas de semaines sans manifestations.

A l'Assemblée nationale, la junte n’a pas la majorité constitutionnelle : 67 députés sur 95 le 13 Août, mais plus que 56 le 20 Août & 39 sénateurs sur 56 le 13 Août et 37 le 20 – effectif évolutif selon le cours des événements – les résultats du vote de confiance au "gouvernement" de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, nommé par la junte, n’ont pas été publiés : en séance 57 députés, le 20 Septembre. Depuis, aucun scrutin (s’il y en a eu) n’a donné lieu à publicité. - Ce qui rend illégal le referendum projeté pour le 20 Juin. La persévérance des putschistes à organiser le plébiscite du 6 Juin prochain, a réuni en un seul front les légalistes - voulant la reprise des fonctions du président de la République légitime - et ceux qu'on aurait pu appeler les opportunistes parce qu'ils ont dit "comprendre" le coup militaire.

Votre secrétaire général a reçu à plusieurs reprises, et la dernière fois, il y a un peu plus d'un mois à ma connaissance, le numéro deux du régime. M° Robert Bourgi qui a l'amabilité de s'entretenir de confiance avec moi, a fait l'intermédiaire, mais sans assister à la dernière conversation. C'est le général El Ghazouani qui la lui a résumée. Sauf démenti, il semble que le scenario des putschistes - cosmétique - ait été agréé : le général-candidat défroque quarante-cinq jours avant le scrutin et le président du Sénat fait l'intérim (non de Sidi Ould Cheikh Abdallahi mais de Mohamed Ould Abdel Aziz). 

Comment ces entretiens peuvent-ils constituer votre information ? Je prends la liberté de vous donner ci-jointe une note exhaustive à jour, jusqu'à hier, ainsi qu'une lecture de la dernière lettre des "putschistes" à l'Union africaine - annotée tant les erreurs et contre-vérités sont nombreuses et flagrantes. 

De tout cela - parallèlement avec notre ambassadeur à Nouakchott - j'ai à plusieurs reprises entretenu les directeurs du cabinet des ministres, aux Affaires étrangères et européennes, et à la Coopération. Le "patron" de nos "services" a accompagné le directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères et l'un de vos propres collaborateurs, le 29 Novembre en Mauritanie. Ils ont rencontré "tout le monde", sauf le président de l'Assemblée nationale absent alors du pays, ils sont allés au village du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et ont terminé avec "l'homme fort" qui leur a fait médiocre impression de personne. Ils vous ont certainement rendu compte.

Il m'est revenu de Bruxelles que la lettre que vous avez adressée le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le 10 Décembre, en tant que président en exercice de l'Union européenne, pour la réunion du groupe de contact, n'a pas suivi jusqu'à cette instance.

Je vous en prie, Monsieur le Président de la République, favorisons au maximum les conversations entre les principaux personnages de la Mauritanie, y compris naturellement ceux qui sont en possession d'état, ne compliquons pas les choses pour l'Union européenne que l'Union africaine a choisi comme partenaire politique et comme modèle institutionnel.

Permettez-moi une conclusion qui n'a "rien à voir", mais comment vous entendre et lire ensuite ceci : 

 quand j’ai été en République Démocratique du Congo, que j’ai soutenu le Président KABILA dans sa main tendue au Rwanda, j’ai bien entendu que je n’étais pas ovationné parce qu’il y avait beaucoup de ressentiments encore entre le Rwanda et la RDC. Mais vous croyez que quand De GAULLE et ADENAUER ont fait la réconciliation franco-allemande, dans les familles françaises, cela n’a pas toussé ? Ils sont applaudis des décennies après mais sur le moment, ils n’étaient pas applaudis. Et la France est dans son rôle en soutenant ces gestes là.

Vous n'aviez que sept ans certes en 1962 - moi, je me souviens à mes quatre ans de l'élection présidentielle de Vincent Auriol et à mes onze ans de Geneviève de Gallard, des étoiles parachutées à Dien Bien Phu pour de Castries - en 1969, vous avez quatorze ans. Mais les voyages du général de Gaulle en Allemagne en 1962, ceux du chancelier Adenauer chez nous, la foule à Reims, les venues offcielles du président Luebke avec sa montée et sa descente des Champs-Elysée et l'Arc-de-Triomphe, ont été plus que marquants. Jamais une orientation de politique extérieure n'a été aussi immédiatement populaire : les applaudissements à la réconciliation, à l'amitié et à l'entente franco-allemande ne se font pas entendre des décennies après, ils se sont déchaînés sur le champ de part et d'autre du Rhin.

C'était d'ailleurs tout naturel.  Cette réconciliation, cette entente furent souhaitées dès la Résistance. Le silence de la mer, Vercors. L'extrême qualité de nos amis, l'évidente admiration mutuelle, sinon la complémentarité des deux pays et des deux peuples. La synergie des deux économies.

Veuillez agréer l'expression de toute ma disponibilité à vous entretenir un instant de la Mauritanie, avant ou après que vous vous soyez entretenu avec le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, puisque tel était votre désir initial et votre premier mouvement, et aussi l'expression de mes sentiments très attentifs et déférents.

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