----- Original Message -----
Sent: Sunday, May 13, 2012 9:38 PM
Subject: invitation absolument inopportune du dictateur mauritanien pour les cérémonies du 15 Mai
Pièces jointes : communiqué de la COD protestant contre les dires de Sarkozy le 4 Mai – transmission du message de Tulle en Afrique et spécialement en Mauritanie – note déracinement de la françafrique
Monsieur le Président de la République ,
écoutant en direct sur France 2, votre discours à Tulle, j'ai été saisi par une phrase que j'ai aussitôt retransmis en Afrique et particulièrement à mes amis mauritaniens, dont je suis les faits, gestes et personnages - les malheurs depuis trente quatre ans - après avoir commencé ma vie d'homme par un service national accompli chez eux à mes vingt ans.
citation - Nous ne sommes pas n’importe quel pays, nous sommes la France , la paix, la liberté, le respect, la capacité de donner aux peuples de s‘émanciper des dictatures et des règles illégitimes de la corruption. - fin de citation
Des dizaines de messages courriel me sont aussitôt revenus, en pleine nuit de votre victoire tandis que vous rouliez vers la Bastille. Espoir d'un changement de cours, c'est peu vous écrire.
Or, il paraît que le général Mohamed Ould Abdel Aziz, président en fonction de la République Islamique de Mauritanie, s'apprête à venir à Paris pour les cérémonies de votre investiture après-demain, mardi 15.
Puis-je vous faire observer que
1° vous donnez, si l'invitation est faite en votre nom, un signe de contradiction totale avec votre message de Tulle. Le paroxysme de la "françafrique" c'est précisément ce putschiste, légitimé par un scrutin dont la tenue a été forcée et le résultat truqué. Le putsch qui a renversé le premier président de ce pays à être élu par un scrutin pluraliste et à deux tours, observé par des centaines d'experts dépêchés par plusieurs organisations ad hoc, a été d'abord condamné par Sarkozy, ce qui est banal. Mais ce qui est exceptionnel, c'est que le revirement de la France - celui de l'Elysée, seul contre le Quai d'Orsay, la Coopération et même à l'Elysée par le seul Claude Guéant en convainquant votre prédécesseur contre Jean-Daniel Lévitte, le conseiller diplomatique et ses collaborateurs - a été acheté. Un déjeuner entre l'alter ego du putschiste en Septembre 2008, un mois après l'attentat antidémocratique, a été payé - de l'ordre de 100.000 euros - via Karim Gaye à Robert Bourgi, lequel a introduit le général El Ghazouani dans le bureau de Claude Guéant, alors même qu'en sanction contre le putsch l'Union européenne, observant l'article 96 du traité de Cotonou, refusait tout visa aux putschistes. Peuvent en attester les directeurs de cabinet au Quai et à la Coopération , en fonctions alors aujourd'hui respectivement à Bruxelles et en fin de mission à Tananarive, et l'avocat françafricain également.
2° votre prédécesseur a soutenu qu'il n'y avait pas eu de résistance au putsch (27 Mars 2009 à Niamey) et dans son dernier dire de candidat, devant vous le 4 Mai, que l'élection de Juillet 2009 avait été régulière. Vous conforteriez donc l'analyse qui prévaut sur la Mauritanie. Notre actuel ambassadeur en fonctions depuis plus de six mois n'a toujours pas rendu une visite au moins de courtoisie à l'ancien président de la République , Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, à qui Nicolas Sarkozy était censé avoir téléphoné après son renversement. Mensonge avéré, du même genre que l'histoire du mur de Berlin ou de Fukushima. J'ai dû protester auprès de Christian Frémont au nom du président mauritanien et à la demande de ce dernier.
3° Mohamed Ould Abdel Aziz depuis sa "légitimation" dont nous nous sommes portés forts devant l'Union européenne et devant l'Union africaine, a réveillé tous les démons nationaux, le débat ethnique et linguistique, le débat sur l'esclavage en montant les étudiants de l'Université de Nouakchott les uns contre les autres et en protégeant les esclavagistes contre les abolitionnistes, régulièrement mis en taule. Il a ajourné sine die le renouvellement de l'Assemblée nationale, saboté les listes électorales en contestant en sus la nationalité mauritanienne à une partie de ses concitoyens (jeu qui a couté dix ans de guerre à la Côte d'Ivoire).
4° Mohamed Ould Abdel Aziz est actuellement en grave difficulté intérieure avec des manifestations hebdomadaires réclamant son départ et d'une ampleur sans précédent dans le pays. Le soutenir est du genre de Jacques Chirac venant visiter le pays juste trois mois avant une élection présidentielle anticipée par le précédent dictateur militaire (Septembre-Décembre 1997).
5° l'actuel dictateur se fait valoir depuis ses débuts comme le point fort de notre lutte contre le terrorisme et Aqmi au Sahel, et d'une totale disponibilité aux plus folles entreprises des "services" sous votre prédécesseur, ce qui a coûté la vie à l'admirable Michel Germaneau, a contribué à déstabiliser le Mali d'ATT dont les Mauritaniens ont violé au moins deux fois, et en profondeur, le territoire sans résultats.
Le parti Rassemblement des forces démocratiques RFD - présidé par mon ami Ahmed Ould Daddah - fait partie de l'Internationale socialiste, il a suivi plusieurs de vos congrès, admiré personnellement le sauvetage que vous avez su opérer pour le Parti à la suite de 2002. Il peut attester cette immoralité de l'homme en place et combien l'influence de la France si elle change d'application et de manière peut transformer la donne en Mauritanie-même et dans toute l'Afrique anciennement nôtre. Peut-être intervient-il auprès de vous en ce moment ? à la suite des dires de votre adversaire devant vous le 4 Mai, je vous ai transmis le communiqué de la Coordination de l'opposition démocratique dont Ahmed Ould Daddah fait partie.
Le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi peut confirmer l'ensemble de ces cinq points.
Il est possible que - très proche de vous - Michel Sapin qui a toute mon estime puisqu'il avait celle de notre cher Pierre Bérégovoy et que j'ai pu vérifier sa capacité d'accueil pour une affaire que je lui soumettais (corruption de l'ancienne Commission des opérations de bourse, avant que Jean-Pierre Jouyet n'y vienne), ait opiné en faveur de Mohamed Ould Abdel Aziz et argué de sa propre connaissance du terrain, puisque la région Centre est jumelée avec le Gorgol une des régions mauritaniennes. Il a été tout simplement intoxiqué, ce qui peut se comprendre car le pays et ses moeurs, surtout quand on y passe peu de temps, a le charme du tout autre mais dans la pratique de notre langue et de nos références : l'hospitalité parfaite peut tromper.
Permettez-moi d'insister vivement pour que cette invitation soit retirée. ce sera très positivement reçu en Mauritanie et accélèrera très heureusement la chute d'un régime qui doit sa naissance et son crédit à votre prédécesseur, non à la France telle qu'elle est attendue en Afrique et que vous avez promis d'incarner.
Sans grandiloquence, il en va de votre crédibilité à propos de la "françafrique".
Vous savez bien mes sentiments de confiance, d'espérance, et ma disponibilité.
Merci, Monsieur.
RépondreSupprimerBien dit, Monsieur
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