mercredi 9 mars 2011

esclkavage - entretien du président de l'OCDIVH avec le site Haratine.com


A.H.M.E.

INTERVIEW 103 :


Interview du Président de l’Ocvidh à AHME

1) A.H.M.E. : Vous êtes un ancien officier de l'armée mauritanienne et président de l'OCVIDH. Présentez-vous à nos lecteurs.
Je suis un ex officier de l’armée mauritanienne issu de la promotion des élèves officiers d’active à l’EMIA de 1982. Victime, comme beaucoup de mes camarades et frères d’arme, des purges ethniques orchestrées par le colonel raciste et génocidaire Ould Taya sous le fallacieux prétexte de complot et/ou de déstabilisation de la Mauritanie, ce qui m’a conduit de manière injuste à quitter ma patrie, la Mauritanie, pour me refugier en France en 1991.
Je suis effectivement le président de l’Organisation Contre les Violations des Droits Humains(OCVIDH)
Avec espoir et conviction malgré nos modestes moyens, nous croyons contribuer à la promotion et à la sauvegarde des Droits de l’Homme en Mauritanie et au-delà.
En nous rappelant surtout de notre vécu dans les prisons mouroirs et en ayant conscience que l’écrasante majorité de nos concitoyens vivent dans la pauvreté la plus cruelle, l’esclavage, le racisme, les déportations, l’expropriation des terres et l’exclusion, notre combat ne peut qu’être renforcé à jamais pour terrasser cette bête féroce qu’est le racisme d’état en Mauritanie!

2) A.H.M.E. : Parlez-nous des activités de l'OCVIDH ?
Les activités de l’OCVIDH sont multidimensionnelles du fait que nous avons réussi non seulement à nous occuper des droits de l’homme en Mauritanie par les dénonciations, les plaintes, l’aide aux victimes des répressions, aux veuves, aux rescapés et toutes les autres catégories de victimes de l’arbitraire notamment l’esclavage et ses séquelles mais aussi nous avons fait notre place à coté des grandes ONG de droit de l’homme pour faire connaitre la Mauritanie , son histoire, ses ressources humaines et économiques, sa société et surtout les graves violations des Droits de l’homme des années de braise liées aux massacres des populations Noires. C’est donc autant d’acquis dans le monde de la communication et des relations qui nous permettent d’agir au profit des victimes souvent restées au pays, démunies sans voix et sans défense. Si nous devons citer toutes nos actions, l’interview se limiterait uniquement à cette question puisqu’elles sont nombreuses et quelque fois spontanées car il faut s’adapter à toutes les situations de violations dans notre pays et dans le monde en soutenant aussi des amis de la diaspora qui ont souffert dans leur pays et qui veulent et souhaitent partager leur joie comme leur souffrance.
Avec d’ailleurs votre ONG(AHME) et d’autres, nous avons eu, ces derniers temps, à secouer le cocotier face à différentes violations flagrantes des Droits de l’homme en Mauritanie et avions, ensemble, fait des communiqués et des pétitions qui ont littéralement apporté leurs fruits.
Le rôle qu’a joué l’OCVIDH dans la conscientisation et dans la sensibilisation est incommensurable et quelques unes de ces activités ne peuvent être étalées d’ailleurs sur la place publique du fait de leur extrême sensibilité. Mis à part la vanité l’orgueil, nous pouvons vous affirmer que l’OCVIDH travaille même au delà de la Mauritanie et nous avons en retour des encouragements de certains de nos amis et partenaires à travers le monde pour la noblesse du combat que nous menons.
Nous ne pouvons que nous en féliciter tout en redoublant les efforts !


3) A.H.M.E. : Vous appartenez à l'ethnie soninké de Mauritanie. Que pensez-vous de l'esclavage au sein de votre ethnie et plus largement de la communauté négro-mauritanienne ?
L’esclavage est un phénomène social qu’il ne faut pas nier. Il a existé et existe encore dans certains milieux soninkés et Négro-Africains.
Pour s’attaquer fondamentalement à ce fléau, il faut parfaitement le faire comprendre de la manière la plus explicite à nos compatriotes. Il n’y aura jamais dans mon esprit une quelconque volonté d’esquiver votre question sur l’esclavage en milieu soninké et au-delà en milieu Négro-Africain. Mon combat contre ces injustices m’interdit tout amalgame. De prime abord, il n’y a et il n’y aura jamais d’esclavage meilleur que d’autre comme on a tendance à l’affirmer souvent! C’est ma première conviction. Etre esclave ou considéré comme tel, est une négation de l’homme par l’homme. Pour ce qui concerne mon ethnie Soninké que je connais parfaitement et plus particulièrement la question au niveau de Kaédi, je l’affirme sans risque de me faire contredire que l’esclavage a bien existé dans notre milieu. L’esclave, sur le plan de la servitude et de l’exploitation de l’homme par l’homme, l’homme soumis à son maître et corvéable à volonté, n’existe ni en théorie ni en pratique en milieu soninké de Kaédi. L’esclavage a été pratiqué par nos ancêtres à leur époque et personne ne peut le nier mais de ma génération et je dirai même de la génération de mes grands frères, l’esclavage n’existe que par le nom ! Les enfants dits « esclaves » de ma génération ont fréquenté les mêmes écoles (coraniques et modernes) que moi. Chaque génération de kaédiens a eu ses promotionnaires d’école issus de cette classe « d’esclaves »
Comme je l’ai dit tantôt, je ne pourrai dire avec la mêm exactitude comment la question de l’esclavage est vécue dans les autres milieux Négro-Africains en dehors de cette communauté soninké qui était mon milieu naturel. J’insiste encore pour réaffirmer que dans la pratique, l’esclavagisme en milieu arabo-berbère est d’une férocité incalculable et diffère fondamentalement de celui que nous vivons dans le milieu soninké ; Et c’est ce type d’esclavagisme que nous combattons farouchement par sa brutalité et son inhumanité. Il a existé effectivement une timide relation d’anciens maitres à anciens esclaves de par une certaine génération de nos pères en milieu soninké à kaédi mais du temps de ma génération cette relation n’a jamais existé et il n’y en a jamais eu d’où l’inexistence de soumission ni de corvée ou toute autre forme d’exploitation ou de privation de liberté. Je mets au défi quiconque qui me contredira ou démontrera le contraire. Je ne pourrai jamais dire de manière formelle que l’esclavage n’existe pas dans certains milieux négro-africains mais dans mon Kaédi natal, je ne connais pas un seul cas. D’ailleurs, cette appellation en soninké du mot « komé » qui veut dire esclave est tabou dans ma ville de Kaédi. Personne ne peut se permettre de le prononcer ni publiquement ni en aparté sans qu’il n’y ait réprimande. La lutte contre cette tare sociale est un combat que je mène farouchement. Il est tellement gênant, voire révoltant de voir une personne devant soi qui souffre de l’esclavage psychologique qu’il ressent comme une humiliation de la nature. Et ce sont ces séquelles qu’il faut maintenant s’attaquer par l’information et la sensibilisation des consciences.
L’esclavage en milieu soninké de Kaédi qui persiste est beaucoup plus dans les mentalités que dans la pratique. Dans les comportements au quotidien d’où le complexe d’infériorité ou de supériorité du fait que l’autre est issu de la grande féodalité ou que ses grands parents avaient comme esclaves telles familles d’où souvent ou un climat d’alliance et d’entraide réciproque ou un climat de méfiance, de haine, de rivalité ou de frustration etc.
Faut-il qualifier ces faits évoqués d’esclavage ou de séquelles ? Quel que soit le qualificatif que l’on donnera à ces pratiques et à leurs relations d’anciens maitres à anciens esclaves, la lutte pour briser l’humiliation voire l’appellation « komé » qui veut dire esclave en soninké ne doit plus exister. C’est pourquoi, pour aider les populations victimes de ces pratiques d’esclavage féroce et brutal afin qu’elles accèdent à leur émancipation totale et à tourner les pages sombres de cette histoire humaine douloureuse, il incombe à l’Etat de prendre sa responsabilité pour l’éradiquer.
Je finirai votre question en disant que je combats sans réserve toutes les formes d’esclavage, comme pour mon engagement dans la lutte contre la torture. Il n’y a pas de petite ou grande torture et il ne peut y avoir non plus de bon ou mauvais esclavage!
Le Combat contre l’esclavage et dans toutes ses coutures doit être l’engagement de toutes et de tous !

4) A.H.M.E. : D'aucuns affirment que dans les foyers des immigrés en France, certains comportements esclavagistes persistent. Qu'en dites-vous ?
Justement, j’ai évoqué ce complexe de supériorité et d’infériorité dans la question précédente. Je ne pourrai pas dire avec certitude si ce phénomène est généralisé dans les foyers d’immigrés mais, je pourrai témoigner d’un cas avéré d’un individu qui se trouve dans l’un des foyers d’immigrés que j’ai un jour rencontré qui se plaisait d’être toujours à côté de ses anciens maîtres, prétextant de gagner mieux sa vie et que ses relations entre ses anciens maitres étaient naturelles et cordiales pendant que je le conseillais de se détacher d’opter pour sa liberté totale et de son épanouissement. Malheureusement l’intéressé me considérait plutôt comme un ennemi. Il me dit qu’il « s’accrochera avec bec et ongle » à ce type de relation qui n’est rien d’autre pour moi que les séquelles de cet esclavage. Il n’est absolument pas exclu que d’autres cas similaires existeraient dans les foyers au vu de la hiérarchisation de cette société qui ne repose que sur une histoire ancienne qui ne peut être acceptable pour nous militants pour l’égalité, la justice et l’émancipation de toutes les couches sociales.


5) A.H.M.E. : Peut-on gagner le combat contre l'esclavage et le racisme en Mauritanie alors que la communauté noire dans son ensemble est traversée par des divisions statutaires qui empêchent son unité ?
Tout est à portée de main ! Le combat pour les libertés c’est un combat de longues haleines, c’est des retournements de situation. Il y a certes des trahisons avec la bénédiction des pouvoirs successifs. Il y a eu des hauts et des bas dans ce combat pour la liberté et l’instrumentalisation par des forces obscures pour faire taire ou corrompre les bonnes volontés et cela s’avérait nécessaire dans le seul but de briser un élan et de pouvoir sauver le système féodal et dictatorial. De gros moyens sont déployés pour arriver à ces fins.
Effectivement nous avons connu des moments de périodes difficiles et que nous continuons de subir. Mais voyons autour de nous avec les nouvelles technologies, les médias, l’éducation , l’apport de la diaspora , l’exil, les échanges internationaux et l’évolution même du monde, nous nous rendons compte que tout est possible et que plus rien ne peut ressembler au passé, je pense que l’actualité est riche sur ce sujet précis et qu’aucun pouvoir ne pourra se contenter de l’intoxication de ces citoyens, jouant sur leur ignorance ou la fragilité.
Que les uns ou les autres se cramponnent dans des divisions statutaires, les révolutions se font maintenant de manière spontanée et les peuples n’attendent plus les ordres de cette classe vieillissante ou soit disant avant-gardiste, peu courageuse pour mener à bien le combat contre le racisme et l’esclavage. La roue de l’histoire ne tourne plus à l’envers et la question du racisme et de l’esclavage dans notre pays est devenue universelle et c’est pourquoi, malgré les divisions et ceux qui croient que ces deux questions sont leur jardin secret ou relèvent simplement de la volonté des gouvernants, se trompent. L’exemple de la solidarité nationale et internationale suite à l’arrestation de Biram Ould Abeid Ould Dah et ses amis abolitionnistes confirment cette assertion.
Et d’ailleurs vous remarquez aujourd’hui dans notre pays la création du FLERE, qui est une excellente idée de regrouper l’ensemble des fils de ce pays pour dire non, tous ensemble à l’esclavage et au racisme, cette structure répond à notre vœu pieux afin de venir au bout de ces pratiques d’un autre âge.
Les divisions c’est inhérent à la vie humaine, ce qui serait dommage c’est de passer à coté de son combat pour des raisons bassement matérielles ou d’alliance de circonstance comme on a l’habitude de le voir dans notre pays et le citoyen réduit au silence et dans ses conditions d’opprimés pour toujours.

6) A.H.M.E. : En quoi le système des castes qui sévit dans la communauté négro-mauritanienne porte-t-il atteinte aux valeurs républicaines à savoir la liberté, l'égalité etc. ?
Je qualifierai le système de caste d’anti thèse à la démocratie et une grande entrave à la promotion sociale dans notre pays.
Dans nos communautés nationales, il est fréquent que l’individu soit réduit à son appartenance sociale (forgeron, esclave, cordonnier noble, marabout etc..) cela dit, les mentalités, malgré l’évolution du monde, tardent à suivre d’où la persistance des inégalités sociales, des discriminations et des abus dans nos sociétés, qui ne correspondent à aucune valeur que je ne dirai pas seulement républicaine mais universelle.
Il va de soit que si l’on avait un état fort, avec une justice forte et indépendante, le citoyen serait mieux protégé et les lois appliquées à la lettre, ainsi donc les valeurs de la république se feront approprier par le peuple et les mentalités évolueront inéluctablement comme cela fut le cas partout dans le monde.
Prenons même l’exemple de la France, avant de la révolution Française de 1789, il existait ces problèmes de castes, de noble, de citoyens serviles etc.
Aujourd’hui, tous les citoyens sont égaux devant l’état et la justice. On est d’abord Français, loin de moi d’affirmer qu’il n y a plus de discrimination en France ou de racisme, sinon le FN n’existerait pas. Mais remarquons tout simplement que n’importe qui peut porter plainte contre le président de la république Française ou sur n’importe quel autre individu quelque soit son titre.
L’état mauritanien, malgré la lenteur de l’évolution des mentalités, doit assumer ses responsabilités et instaurer des lois régaliennes afin que cessent les discriminations, les marginalisations et les humiliations du fait de son appartenance sociale ou ethnique.


7) A.H.M.E. : Votre père, paix sur son âme, a participé au Mouvement Hamalliste (Hamallisme) sous la colonisation française. Certains membres de cette tendance islamique, dont votre père, ont connu la prison à Tidjikdja du fait de l'administration coloniale.
a) Parlez-nous du Hamallisme
b) Tidjikdja est habitée notamment par deux tribus très esclavagistes à savoir Idaouali et Idaw-Ich.
Votre père, vous a-t-il rapportés des faits liés à l'esclavage maure ce, durant son séjour à Tidjikdja ? Rappelons que vous avez des demi-frères qui ont pour mère une femme maure.
Il y a pratiquement plusieurs questions en une, néanmoins je tenterai d’y répondre succinctement malgré ma volonté de ne pas laisser de zones d’ombre sur une question surtout historique.
Effectivement, très exactement le 15 février 1930 à Kaédi, mon père avait à peine 20 ans , il venait d’être arrêté par les autorités coloniales avec beaucoup d’érudits talibés de Cheikhna Ahmadou Hamahoullah de kaédi, leur seul tort était leur pratique de ZIKR (Lâ îlâha, Illalah) avant chaque prière dans les Zawiyas. La riposte de l’autorité coloniale était disproportionnée : en plein mois de Ramadan, le 15éme jour du ramadan, ou l’on assassina de sang froid 51 personnes parmi ces talibés Hamallistes de Kaédi, tous soninkés .En plus de ces assassinats, l’autorité coloniale a emprisonné arbitrairement plusieurs rescapés envoyés dans des prisons en Mauritanie et dans plusieurs pays de l’Afrique afin de les neutraliser et les empêcher de pratiquer leur foi ou de résister aux colons.
Mon père avait été emprisonné, effectivement, avec ceux qui étaient envoyés dans les prisons de Tidjikdja, puis à Atar.
Alors c’est de cet exil, puisque tous condamnés à huit ans d’emprisonnement par l’autorité coloniale que beaucoup comme d’ailleurs mon père fonda une famille à Tidjikdja avec une Idawaili (Paix sur son âme) qui fut pour nous une mère et ne faisait aucune différence entre mes demi frères et nous. Elle prendra le chemin de retour avec mon père libéré vers kaédi en 1938. Elle sera rappelée à Dieu décédée en Aout 2005. C’est donc par ce biais qu’est né le métissage dans ma famille.
Donc, en réponse à votre question, j’ai beaucoup appris, j’ai beaucoup écouté et de par mes fonctions d’officier, j’avais été muté au nord du pays ou j’ai appréhendé des choses.
L’individu est façonné de par son milieu, son environnement. Frédéric Rau nous disait la morale c’est l’éducation, c’est l’école, c’est la rue etc. Incontestablement, la personnalité et le vécu de nos papas ont largement contribué à façonner notre image et notre façon de penser, de voir et de juger aujourd’hui.
Et d’ailleurs pour votre information, le fondateur du Hamallisme en la personne de Cheikhna Ahmadou Hamahoullah est issu d’un brassage culturel dont la mère Assa Diallo dite waalida est peulh et son père est Beydane et s’appelle Ahmedou, Originaire de Tichit.
Pour comprendre la résistance des habitants de kaédi et leurs conditions de détention, je vous renvoie pour l’instant au livre d’Alioune Traoré de l’UNESCO sur le hamallisme.

8) A.H.M.E. : Les tenants du système de domination arabo-berbère comparent l'esclavage maure à l'esclavage dans le milieu négro-mauritanien. Cette comparaison vise souvent à minimiser l'esclavage dans la communauté arabo-berbère. Qu'en est-il exactement ?
Dans mes réponses antérieures, j’avais stigmatisé cette astuce des tenants du système de domination Arabo-berbère sur la pratique de l’esclavage dans les deux milieux.
L’esclavage en milieu Arabo-berbère c’est purement et simplement l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est l’acculturation, c’est l’humiliation, c’est les abus de tous ordres sans aucune possibilité d’épanouissement et de vision pour l’avenir. L’esclave, reste la propriété privée du maitre jusqu’à même l’hériter en ca s décès. En tout cas, je n’ai pas connaissance de cette pratique dans mon milieu soninké de Kaédi
La comparaison est déraisonnable et vise surtout à empêcher toutes les voix et opinions concordantes qui ont tendance à condamner cette pratique honteuse d’un autre âge.
Je dois encore rappeler que toute pratique esclavagiste est condamnable quel que soit le milieu.
Nous devons tout simplement nous méfier des prêches de nos gouvernants qui utilisent tous les moyens possibles et imaginables pour pouvoir agiter quand il faut ce levier d’esclavage comme pour faire oublier leurs forfaitures et abus.

9) A.H.M.E. : Relativement à l'esclavage et au racisme, quelles sont les différences entre le régime de Ould Taya et celui de Ould Abdel Aziz ?
Précisons que Ould Abdel Aziz a crée une ville destinée uniquement aux Maures et un lycée militaire qui n'accueille que des élèves maures.
Entre Taya et Ould Abdel Aziz, c’est bonnet blanc et blanc bonnet, il n’y a aucune différence, je dirai que l’un a appris chez l’autre en matière de gouvernance.
C’est la continuité de l’esclavage, de la purification ethnique, du racisme, de la gabegie, du favoritisme, du clientélisme etc.
Vous venez de citer l’exemple du lycée militaire c’est l’illustration d’une politique tribale, effectivement, il parait qu’il n’est admis que les enfants d’officiers supérieurs, de ministres, de chefs de tribu et d’autres privilégiés à ce lycée loin d’être républicain, nous éloigne, des devises de la Nation à savoir honneur , fraternité et justice.
Comment construire une nation sur la base des inégalités à la naissance, dans l’éducation, devant l’administration, à la police, devant la justice, pour ne citer que ces cas.
L a création d’une ville ou lycée est destinée à une seule race dans notre pays, c’est justement les prémices d’une certaine instabilité, c’est aussi attiser , la peur et la haine, c’est tout simplement diviser le peuple et ceci n’est pas acceptable.

10) A.H.M.E. : Dans l'armée mauritanienne, on évoque souvent des pratiques esclavagistes du fait des officiers maures. Des hommes de troupes travaillent aux domiciles, dans les plantations de ces derniers. Eclairez-nous sur cette question ?
Dans l’armée, le principe selon lequel un chef reste toujours un chef n’est valable que dans l’exercice du commandement, dans l’accomplissement des missions, sur le terrain des opérations etc. je veux dire dans le bon sens du commandement et dans le respect de la dignité humaine.
Malheureusement dans notre armée, on détache souvent plusieurs soldats (hommes de troupe) chez les généraux, colonels et autres gradés pour des tâches ménagères, loin de leurs missions de soldats chargés de la souveraineté du territoire, ils sont quasiment déclassés et j’ai souvent appelé cela de l’esclavage administratif, comme d’ailleurs pour tous les nègres de service quelque soit leur poste dans l’administration qui ne font que subir sans la moindre initiative, corvéables à la merci au profit d’un individu ou d’une tribu.
Sur ce plan aussi nous avons beaucoup à faire, puisque nos hommes ne sont pas opérationnels, du fait de ce dysfonctionnement, de cette exploitation abusive qui ne repose que sur la mentalité des commandeurs et non celui des textes régissant l’armée et son fonctionnement.

11) A.H.M.E. : Quelle est la situation des Noirs en général et celle des Harratines en particulier dans l'armé mauritanienne ?
Malheureusement, l’élite Négro –Africaine a été complètement décapitée au sein de l’armée, depuis l’arrivée du colonel Taya le 12 décembre 1984. Sa première priorité a été de purifier l’armée, d’où l’invention quotidienne des complots imaginaires pour finaliser son projet macabre « quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage » alors il fallait à chaque fois accuser les Officiers et sous officiers Négro Africains et les envoyer dans des prisons mouroir comme cela a été le cas en 1987, en 1989 et en 1990.
Quand aux officiers Hratine, malgré leur présence encore au sein de l’armée, n’accèdent pas au commandement. Le système est fait de telle sorte à les laisser dans des postes de second rôle, ou les laisser sous surveillance, sous la subordination.
Et pourtant, les Hratines constituent la colonne vertébrale de notre armée, puisque l’écrasante majorité de la base est issue de cette communauté.
Souhaitons avoir une armée républicaine mais pour l’instant c’est loin d’être le cas et c’est le lieu de vous dire que le favoritisme et le clientélisme comme pour les autres secteurs gangrènent cet établissement.

12) A.H.M.E. : Dans l'affaire du passeport de Birame Ould Dah Ould Abeid en avril 2010, la mobilisation s'est limitée à trois organisations : FIDH, OCVIDH et AHME.L'emprisonnement des militants anti-esclavagistes suite à l'affaire Mint Bekkar Vall a suscité une mobilisation plus large. Outre les associations déjà citées, il y a eu SOS-Esclaves, FLAM, Conscience et Résistance, FLERE, SOS-Discriminés... Cette campagne d'informations a été payante puisque Biram Ould Dah Ould Abeid, Cheikh Ould Abidine et Alioune Ould M'bareck Vall sont libres depuis le 15/02/2011. Quelles conclusions en tirez-vous ?
Dans l’affaire du passeport de notre ami Biram, il y avait effectivement, votre ONG, les Flam et l’OCVIDH et beaucoup de personnalités nationales et internationales, qui avaient tous signé la pétition internationale afin de permettre à un infatigable militant des Droits de l’homme de circuler librement. Nos amis de la FIDH, ont joué un rôle remarquable grâce à AHME et l’OCVIDH.
Face à cette nouvelle agression et emprisonnement arbitraire du 13 Décembre 2010, il y a eu un regain de mobilisation et nous nous en réjouissons et pensons que le virus de la promotion des droits de l’homme gagne du terrain, ce qui nous donne davantage la motivation de continuer ce combat.
Nos camarades ont été libérés le 15 février 2011 grâce d’abord à la détermination des concernés et la pression nationale et internationale, j’en profite pour remercier le parti Radical Italien et notre amie IVANA DAMA en contact permanent avec notre bureau exécutif et tous les autres partenaires. A tout ce monde, nous ne le dirons pas d’ailleurs assez, merci !

13) A.H.M.E. : Quelles sont vos impressions relatives aux activités de A.H.M.E. ?
Je n’ai que de bonnes impressions pour AHME. Depuis au moins deux ans nos deux ONG travaillent ensemble sur certaines questions liées aux violations des Droits de l’homme. J’ai apprécié le sérieux, le dynamisme, la franchise et l’efficacité d’AHME et surtout sa disponibilité, chose rare dans le microcosme du militantisme des Droits de l’homme sur la Mauritanie.
Je suis persuadé qu’avec ce rythme, les choses évolueront considérablement malgré nos modestes moyens de lutte et que le vent de la promotion des Droits humains tant attendue par nos compatriotes commence à souffler.

14) A.H.M.E. : Votre dernier mot aux lecteurs du site www.haratine.com ?
C’est de dire un grand merci à votre site de m’avoir donné la parole sur l’esclavage dans notre pays
Et je profite pour citer Martin Luther King en disant « Tous les progrès sont précaires et la solution d’un problème nous confronte à un autre problème »
Donc , continuons à être vigilants !
Merci

NB : Réponse à la question sur jreida.
Effectivement, pendant mes deux séjours en prison , j’avais été arrêté et emprisonné arbitrairement à jreida.
En octobre 1987 ,lors du pseudo coup d’état et en décembre 1990 lors de l’arrestation de l’ensemble des militaires Négro-Mauritaniens dans toute l’étendue du territoire mauritanien

A.H.M.E : L'échange relatif au séjour de Mamadou Diagana Youssouf en prison a été évoqué oralement après envoi du questionnaire. Il ne s'agissait pas d'une question écrite. A.H.M.E. remercie l'interessé pour cette réponse.

L’équipe du site www.haratine.com vous remercie
Mars 2011

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