samedi 23 janvier 2010

lecture du Coran - Les envoyées . sourate 77


matin du samedi 23 Janvier 2010
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Je reprends ma lecture, que je voulais initialement quotidienne et vespérale. Je vais essayer de la maintenir quotidienne, mais peut-être le matin, à la suite de ma lecture des textes de la messe catholique. Ou selon l’inspiration. Tant je dois me consacrer à ce travail décisif et attendu par mon éditeur – mon journal assorti de ma mémoire de maintenant pour alors 1967-1971, cristallisation de presque tout dans ma vie, Dieu, l’amour, la politique selon de Gaulle, la Mauritanie selon Moktar Ould Daddah.

Cette lecture d’un mois et demi m’a déjà apporté trois choses. La totale différence de posture et de mode de pensée entre le musulman et le chrétien, puisque le livre saint de l’Islam n’est pas une biographie ou plusieurs biographies, alors que pour la Bible, c’est le genre dominant, l’identité de Dieu, son dessein s’apprennent et s’expriment par l’histoire des hommes, par des histoires d’homme. Puisqu’aussi le Prophète prêche l’inacessibilité de Dieu, même si Dieu miséricordieux a sur chacun et sur l’humanité son plan. Dieu selon la Bible est accessible au point qu’il a été, humainement, mis à mort. La puissance littéraire, le souffle du Coran, sont tels que la prière, directement par ce texte, est malaisée : je suis plutôt conduit à une contemplation sans mot ni image ni récit devant un Dieu absolu, qui est tout autant, évidemment, celui de la Bible. Prier avec mes chers amis confessant l’Islam est donc possible et je le veux, en ce sens que nous nous tournons ensemble vers l’absolu d’un Dieu attentif et compatissant, mais est difficile car la posture induite par le Coran me semble la seule adoration, à tort ou à raison, le chrétien – comme Abraham, comme les prophètes, comme Jésus – dialogue avec Dieu. Cette différence est à approfondir avec mes amis : prier en Islam, la question ne s’épuisant pas par les horaires et les rites, qui sont aussi ceux du monachisme chrétien. Enfin, le Coran apprend comment a échoué une sorte d’évangélisation primitive puisque le Prophète reprend maints épisodes de la Bible, autant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau, qu’il connaît aussi certains textes dits apocryphes par l’Eglise chrétienne. Il n’a retenu – intuition propre ou Révélation – que l’absolu et la transcendance du Dieu de la Bible, et l’écrit témoigne d’une intuition ou d’une Révélation tout à fait autonomes, les emprunts ou commentaires de la Bible me semblant détachables, sinon accessoires. L’Islam ne me semble pas avoir besoin de cette généalogie à laquelle les chrétiens sont si attachés – généalogie qui fait naître leur foi du judaïsme mais les en distinguent puisque c’est une généalogie aboutit et qui introduit au mystère central du corps mystique, de l’adoption de l’humanité par Dieu. Cependant, « au bout du compte », l’Islam arrive là où est aussi le christianisme, tout en le disant très différemment et d’une manière qui peut se lire soit au concret soit au poétique : le jugement et la Géhenne, le paradis.

Je rechercherai maintenant davantage les notions et enseignements sur la miséricorde, sur le pardon.


Sourate 77 – Les envoyées

Je l’ai choisie depuis le début de ce mois, par hasard, pour son souffle littéraire jamais rencontré nulle part à ce point. Qu’enseigne-t-elle religieusement ?
Par les envoyées en rafales,
par les tourmentes déchaînées,
par les trombes qui déferlent,
par les ruptures qui déchirent,
par le jaillissement de la mémoire
- excuse ou avertissement –
voici, ce à quoi vous êtes promis
arrive.
Manière très différente des chrétiens, d’exposer le concept de destinée. La promesse n’est pas adressée à tel ou tel, représentant l’humanité et tout le vivant. Nous sommes, les hommes sont objets de la promesse, une promesse qui enveloppe, transforme, concerne – semble-t-il. La mémoire est ici entendu comme une prophétie, renforcement, bienvenu, de la définition biblique et du rôle de la mémoire dans la vie spirituelle : elle transcende le temps selon ce texte.
Quand les étoiles s’effacent,
quand le ciel se fend,
quand les montagne se pulvérisent,
quand les envoyés sont convoqués…
Annonce de quoi ? avec une datation très évangélique par les signes et non par la chronologie. Le jour de la Répartition ? J’ai déjà remarqué, celui récurrent du Relèvement – que les chrétiens diraient celui de la Résurrection (même étymologie). Il faudrait entendre ce terme-ci comme équivalent du Jugement. Répartition de fait comme c’est figuré au tympan de nos basiliques et cathédrales : anéanti les premiers ? fait suivre les derniers ? Mode coranique. Dieu parle le plus souvent au discours direct, sans indication de contexte ni même de porte-parole. Mahomet est destinataire – en notre nom à tous – de cette parole directe : Qui t’apprendra ce qu’est le Jour de la Répartition ? 14 ... En ce Jour où ils ne s’exprimeront pas, il ne leur sera pas permis de se disculper 35.36 Sans indiquer que le jugement soit contradictoire, les évangiles donnent la parole aux élus et aux pécheurs : Quand Seigneur t’avons-nous … ? quand Seigneur n’avons-nous pas … ? Le Coran ne nous met pas en situation de ce jugement, il l’annonce, ou nous en menace. Ce jugement est un attribut de Dieu : Nous voici, nous rétribuons ainsi les excellents 44 .Chemin faisant, rappel des conditions de notre naissance : n’avez-vous pas été créés d’un liquide fétide ? 20 et surtout de la toute-puissance divine, toujours exprimée de façon neuve et surprenante : ne mettons-nous pas la terre en habitacle des vivants et des morts ? Nous y mettons des massifs altiers : nous vous abreuvons d’eau douce 25.26.27. Et peut-être une chance laissée à l’homme, quand il est incrédule : Allez vers ce que vous étiez à nier… si vous avez une échappatoire, échappez-vous ! 29 & 39 La figuration de la récompense est – plus accidentelle mais aussi crûe dans la Bible : mangez des viandes grasses et savoureuses, buvez – toujours très précise et concrète, matérielle : les frémissants, parmi les ombrages et les sources, ont des fruits, ceux qu’ils désirent. Mangez et buvez à souhait pour ce que vous faisiez… Mangez et jouissez, mais peu, car, voici, vous êtes coupables ! 41.42.43 & 46 . La hantise du Prophète reste celle aussi du Seigneur : le refus de croire, quand il leur sera dit : « Prosternez-vous ! », ils ne se prosterneront pas. Pour l’Islam, l’incroyant est fondamentalement un menteur. Les envoyées le sont à ces menteurs 15 . 24 . 28 . 34 . 40 47 : Aïe ! les menteurs, de Jour-là ! La dialectique de l’espérance en islam est retournée : le chrétien espère en Dieu dont la Bible lui répète pourtant que c’est Celui-ci qui attend et espère l’homme, le musulman d’une certaine manière n’a rien à espérer mais il lui est dit que Dieu attend sa foi, veut sa foi : à quelle geste, après cela, adhéreront-ils ? 50 Ce qui incombe à l’homme dans le dessein, le projet de Dieu est finalement le même dans les deux acceptions chrétienne et musulmane : croire, la foi, à cette nuance-près – passionnante – que pour le musulman la foi est native et l’incroyance une dénégation, une infidélité, un reniement (la trahison de Pierre affirmant à trois reprises ne pas connaître son Maître), tandis que pour le chrétien, la foi est reçue, elle est une conversion, elle n’est plus originelle depuis Adam et Eve.

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