samedi 30 janvier 2010

lecture du Coran - sourate 88 . L'engloutissante


soir du samedi 30 Janvier 2010

Prise pour son titre sans doute différemment rendu par les traducteurs, et par l’acception que lui donne – en l’occurrence – le mien (Chouraqui) :

Soute 88 – L’engloutissante

qui semble – pour une perspective que l’Islam partage très explicitement avec les chrétiens : la résurrection – en présenter une signification assez différente. La résurrection est plutôt un abandon ultime de l’homme à Dieu, plutôt qu’une sorte de triomphe sur une nature qui a failli et qui est restaurée. Elle est notre vulnérabilité, notre exposition au jugement, ce Jour-là, visages humiliés… ce Jour-là, visages ravis… 2 & 8. est-ce une description du paradis ? je ne le crois pas, c’est un lieu et un temps d’attente : dans un jardin sublime, ils n’entendront rien de futile, et là aussi se trouvent une source jaillissante, de hautes alcôves, des calices offerts, des coussins alignés, des tapis étalés 10 à 15 . Comme la description et les interdits de la beauté d’une femme ont pu être lus comme un carcan à lui imposer, la description d’un « salon » comme au pays maure il est fréquent, imposerait la disposition des lieux de repos au pays des chameaux : ne les contemplent-ils pas 17 et comment sont-ils créés ?. Je crois qu’il y a une autre leçon. D’abord un certain manichéisme, mais surtout une exhortation au Prophète, à toute personne se souciant d’une mission qu’il n’aurait pas, et qui le ferait se substituer à Dieu : tu n’es pas préposé contre eux, tu es un mémorisateur 22 & 21 en sorte que l’essentiel d’un prosélytisme est seulement de témoigner, d’annoncer Dieu. A lui seul appartiennent destins et jugement. Vers nous, leur retour se fera 25. Le texte lapidaire présente la réalité, ce qu’il advient aux croyants plus que le sort des infidèles, et une approximation de Dieu par sa création : l’auteur, cher aux philosophes du XVIIIème siècle européen, de tout ce qui nous dépasse, mais le Coran donne la mesure, elle est celle des chameaux : Ne contemplent-ils pas les camélidés ? Comment sont-ils créés ? Et le ciel ? Comment est-il élevé ? Et les montagnes ? Comment sont-elles hissées ? Et la terre ? Comment est-elle laminée ? 17 à 20. Titrée par la résurrection, cette sourate est paradoxale, elle est ou inachevée ou l’introduction à quelque chose qui devrait êre évident et qui ne l’est pas. Chameaux, ciel, montagne, terre sont si concrets. Les lieux de délice aussi. Le châtiment de ceux qui, visages humiliés, préoccupés, harrassés, rôtis au feu ardent, abreuvés à la source boueuse, n’auront pour nourriture que des bqies qui n’engraissent pas et ne calment même pas la faim 2 à 7, l’ensemble sévère et contrasté semble l’état définitif, tous comptes rendus.

Mon traducteur la dit souvent proclamée à la prière du vendredi.

vendredi 29 janvier 2010

lecture du Coran - sourate 78 . L'inspiration

après-midi du jeudi 28 Janvier 2010

Tranquillement à la suite de la précédente, mais attiré aussitôt par son souffle littéraire analogue à celui de la LXXVII. Lecture en la fête du grand théologien chrétien, Thomas d’Aquin au XIIIème siècle après Jésus-Christ. La révolution qu’apporte ce « docteur de l’Eglise » par sa méthode et son esprit, est fondée sur sa connaissance d’Aristode. Son grand prédécesseur au IVème siècle – saint Augustin – était de formation intellectuelle platonicienne. Averroès – rayonnant en médecine et en philophie à Cordoue, au XIIème – apporte à l’Occident chrétien Aristote : on l’y avait perdu. Thomas, célèbre autant pour sa curiosité intellectuelle que pour sa nature contemplative, doit donc beaucoup aux Arabes. Resterait à regarder – ce qui n’est pas actuellement mon objet, mais pourra être ma curiosité surtout si mes amis en Islam l’aiguisent – la relation d’Averroès aussi bien avec l’enseignement du prophète qu’avec l’Eglise de Rome où il est, dans un premier temps, apprécié avec reconnaissance, puis dans un second, condamné comme s’il en était le moins du monde un des adeptes…

Une piste commune par construction – face à l’agnosticisme ou/et au désespoir – a-t-elle explorée ensemble : juifs, chrétiens, musulmans (je prends ici l’ordre chronologique des fondations et révélations). Tout simplement déduire la philosophie des trois théologies. Si celles-ci diffèrent en des points majeurs, concernant essentiellement la personne-même de Dieu et sa manifestation aux hommes, en revanche elles produisent la même morale, si l’on regarde sans a priori culturel superficiel, et surtout elles montrent l’homme dans la même situation fondamentale face à la vie, à la naissance, à la mort et à la résurrection. Pour l’Islam (tel que je lis jusqu’à présent le Coran), la résurrection est un fait – fondant d’ailleurs le jugement, les punitions et les récompenses – tandis que pour le chrétien, elle est une promesse, plus fondée sur le précédent du Christ que sur la parole divine. Cette philosophie commune « contournerait » les différends théologiques entre les monothéismes révélés et présenterait à l’homme, en unisson, sa destinée, son salut, sa mission, ses chances et ses responsabilités. Ce serait une lumière pour notre temps, et les « religions » d’Extrême-Orient y reconnaîtraient certainement des éléments de dialogue et de convergence avec nous tous, nous trois, musulman, chrétien, juif.

Sourate 78 – L’inspiration

Construction et type d’apostrophe divines, analogues à la sourate Les envoyées. Dieu se pose, devant l’homme, en créateur, un créateur concret, attentionné dont l’œuvre est pour l’homme :
Ne mettons-nous pas la terre pour tapis,
et les montagnes pour piquets ?
Nous vous créons par couples,
nous vous donnons le sommeil pour repos,
nous vous donnons la nuit pour vêtement,
nous vous donnons le jour pour vivre
. 6 à 11
une création dont l’ensemble n’est évoqué qu’ensuite, en grandiose décor :
Nous avons construit, au-dessus de vous, sept firmaments,
nous y avons mis un flambeau de splendeur,
y faisant descendre une eau abondante, des nuages,
pour faire pousser graines, plantes
et jardins luxuriants.
12 à 16

C’est pour répondre à l’homme, et plus particulièrement à celui qui le renie ou refuse de croire, rien que par son doute. Sur quoi s’interrogent-ils ? 1 D’une manière que n’eût pas récusée Paul de Tarse, la discussion porte sur la résurrection : débat contemporain du Christ et que ne tranchaient pas tous les livres de l’Ancien Testament, le psalmiste a comme argument devant Dieu, son Sauveur, qu’on ne saurait le prier ni le contempler dans la tombe. Sadducéens et pharisiens s’écharpaient à ce sujet, au point d’oublier leur alliance contre Paul. Aujourd’hui, le désespoir fondant l’agnosticisme, est bien le refus de croire à ce Relèvement, à l’Inspiration, à la Résurrection.

Récompenses aux fidèles, c’est-à-dire aux croyants : les prendre au concret ou au spirituel (le Cantique des cantiques n’est pas chiche d’évocations érotiques) est indifférent. Le sens de la prophétie est une satifaction totale de la personne humaine : Les frémissants goûtent le triomphe, vergers et vines, seins fermes des compagnes, coupes débordantes 31 à 35, saintes bacchanales, noces.

Aux renégâts et oublieux, le supplice : la géhenne sera aux aguets… un seul ébouillantement, une fétidité en récompense adéquate 30 & 40 . 21 mais l’essentiel porte sur ce qu’ils deviennent dans le moment du jugement, c’est-à-dire de la résurrection. Les voici, ils étaient à ne pas s’attendre à rendre des comptes, ils niaient nos signes en menteurs… Ils ne peuvent interpeller le Maître des ciels, de la terre et ce qui est entre les deux… Ils diront : « Ah, que ne suis-je poussière ?! » 27, 37 & 40. Ils regretteront résurrection et vie éternelle, tous repères perdus : Ouvert, le ciel, en ses portes, les montagnes en marche deviendront un mirage 19.20. Ah ! bientôt, ils sauront 4.5.

lecture du Coran - Les envoyées . sourate 77


matin du samedi 23 Janvier 2010
.
Je reprends ma lecture, que je voulais initialement quotidienne et vespérale. Je vais essayer de la maintenir quotidienne, mais peut-être le matin, à la suite de ma lecture des textes de la messe catholique. Ou selon l’inspiration. Tant je dois me consacrer à ce travail décisif et attendu par mon éditeur – mon journal assorti de ma mémoire de maintenant pour alors 1967-1971, cristallisation de presque tout dans ma vie, Dieu, l’amour, la politique selon de Gaulle, la Mauritanie selon Moktar Ould Daddah.

Cette lecture d’un mois et demi m’a déjà apporté trois choses. La totale différence de posture et de mode de pensée entre le musulman et le chrétien, puisque le livre saint de l’Islam n’est pas une biographie ou plusieurs biographies, alors que pour la Bible, c’est le genre dominant, l’identité de Dieu, son dessein s’apprennent et s’expriment par l’histoire des hommes, par des histoires d’homme. Puisqu’aussi le Prophète prêche l’inacessibilité de Dieu, même si Dieu miséricordieux a sur chacun et sur l’humanité son plan. Dieu selon la Bible est accessible au point qu’il a été, humainement, mis à mort. La puissance littéraire, le souffle du Coran, sont tels que la prière, directement par ce texte, est malaisée : je suis plutôt conduit à une contemplation sans mot ni image ni récit devant un Dieu absolu, qui est tout autant, évidemment, celui de la Bible. Prier avec mes chers amis confessant l’Islam est donc possible et je le veux, en ce sens que nous nous tournons ensemble vers l’absolu d’un Dieu attentif et compatissant, mais est difficile car la posture induite par le Coran me semble la seule adoration, à tort ou à raison, le chrétien – comme Abraham, comme les prophètes, comme Jésus – dialogue avec Dieu. Cette différence est à approfondir avec mes amis : prier en Islam, la question ne s’épuisant pas par les horaires et les rites, qui sont aussi ceux du monachisme chrétien. Enfin, le Coran apprend comment a échoué une sorte d’évangélisation primitive puisque le Prophète reprend maints épisodes de la Bible, autant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau, qu’il connaît aussi certains textes dits apocryphes par l’Eglise chrétienne. Il n’a retenu – intuition propre ou Révélation – que l’absolu et la transcendance du Dieu de la Bible, et l’écrit témoigne d’une intuition ou d’une Révélation tout à fait autonomes, les emprunts ou commentaires de la Bible me semblant détachables, sinon accessoires. L’Islam ne me semble pas avoir besoin de cette généalogie à laquelle les chrétiens sont si attachés – généalogie qui fait naître leur foi du judaïsme mais les en distinguent puisque c’est une généalogie aboutit et qui introduit au mystère central du corps mystique, de l’adoption de l’humanité par Dieu. Cependant, « au bout du compte », l’Islam arrive là où est aussi le christianisme, tout en le disant très différemment et d’une manière qui peut se lire soit au concret soit au poétique : le jugement et la Géhenne, le paradis.

Je rechercherai maintenant davantage les notions et enseignements sur la miséricorde, sur le pardon.


Sourate 77 – Les envoyées

Je l’ai choisie depuis le début de ce mois, par hasard, pour son souffle littéraire jamais rencontré nulle part à ce point. Qu’enseigne-t-elle religieusement ?
Par les envoyées en rafales,
par les tourmentes déchaînées,
par les trombes qui déferlent,
par les ruptures qui déchirent,
par le jaillissement de la mémoire
- excuse ou avertissement –
voici, ce à quoi vous êtes promis
arrive.
Manière très différente des chrétiens, d’exposer le concept de destinée. La promesse n’est pas adressée à tel ou tel, représentant l’humanité et tout le vivant. Nous sommes, les hommes sont objets de la promesse, une promesse qui enveloppe, transforme, concerne – semble-t-il. La mémoire est ici entendu comme une prophétie, renforcement, bienvenu, de la définition biblique et du rôle de la mémoire dans la vie spirituelle : elle transcende le temps selon ce texte.
Quand les étoiles s’effacent,
quand le ciel se fend,
quand les montagne se pulvérisent,
quand les envoyés sont convoqués…
Annonce de quoi ? avec une datation très évangélique par les signes et non par la chronologie. Le jour de la Répartition ? J’ai déjà remarqué, celui récurrent du Relèvement – que les chrétiens diraient celui de la Résurrection (même étymologie). Il faudrait entendre ce terme-ci comme équivalent du Jugement. Répartition de fait comme c’est figuré au tympan de nos basiliques et cathédrales : anéanti les premiers ? fait suivre les derniers ? Mode coranique. Dieu parle le plus souvent au discours direct, sans indication de contexte ni même de porte-parole. Mahomet est destinataire – en notre nom à tous – de cette parole directe : Qui t’apprendra ce qu’est le Jour de la Répartition ? 14 ... En ce Jour où ils ne s’exprimeront pas, il ne leur sera pas permis de se disculper 35.36 Sans indiquer que le jugement soit contradictoire, les évangiles donnent la parole aux élus et aux pécheurs : Quand Seigneur t’avons-nous … ? quand Seigneur n’avons-nous pas … ? Le Coran ne nous met pas en situation de ce jugement, il l’annonce, ou nous en menace. Ce jugement est un attribut de Dieu : Nous voici, nous rétribuons ainsi les excellents 44 .Chemin faisant, rappel des conditions de notre naissance : n’avez-vous pas été créés d’un liquide fétide ? 20 et surtout de la toute-puissance divine, toujours exprimée de façon neuve et surprenante : ne mettons-nous pas la terre en habitacle des vivants et des morts ? Nous y mettons des massifs altiers : nous vous abreuvons d’eau douce 25.26.27. Et peut-être une chance laissée à l’homme, quand il est incrédule : Allez vers ce que vous étiez à nier… si vous avez une échappatoire, échappez-vous ! 29 & 39 La figuration de la récompense est – plus accidentelle mais aussi crûe dans la Bible : mangez des viandes grasses et savoureuses, buvez – toujours très précise et concrète, matérielle : les frémissants, parmi les ombrages et les sources, ont des fruits, ceux qu’ils désirent. Mangez et buvez à souhait pour ce que vous faisiez… Mangez et jouissez, mais peu, car, voici, vous êtes coupables ! 41.42.43 & 46 . La hantise du Prophète reste celle aussi du Seigneur : le refus de croire, quand il leur sera dit : « Prosternez-vous ! », ils ne se prosterneront pas. Pour l’Islam, l’incroyant est fondamentalement un menteur. Les envoyées le sont à ces menteurs 15 . 24 . 28 . 34 . 40 47 : Aïe ! les menteurs, de Jour-là ! La dialectique de l’espérance en islam est retournée : le chrétien espère en Dieu dont la Bible lui répète pourtant que c’est Celui-ci qui attend et espère l’homme, le musulman d’une certaine manière n’a rien à espérer mais il lui est dit que Dieu attend sa foi, veut sa foi : à quelle geste, après cela, adhéreront-ils ? 50 Ce qui incombe à l’homme dans le dessein, le projet de Dieu est finalement le même dans les deux acceptions chrétienne et musulmane : croire, la foi, à cette nuance-près – passionnante – que pour le musulman la foi est native et l’incroyance une dénégation, une infidélité, un reniement (la trahison de Pierre affirmant à trois reprises ne pas connaître son Maître), tandis que pour le chrétien, la foi est reçue, elle est une conversion, elle n’est plus originelle depuis Adam et Eve.

jeudi 21 janvier 2010

affaire Hanevy Ould Dehah - point et démarches - la communauté internationale au pied du mur

adressé aux quotidiens Le Monde . Libération et La Croix, et sous une autre forme - personnalisée - à des relations à l'Elysée, à Matignon, au Quai d'Orsay et à la Commission européenne.

L’affaire Hanevy Ould Dehah
met la communauté internationale au pied du mur


violation cynique des droits de l’homme, des procédures pénales existantes, du chapitre VII de l’accord de Dakar conditionnant la reprise des aides européennes et de la déclaration d’intentions signée le 20 Décembre 2009


Le 20 Décembre 2009, a été signée à Nouakchott par M. Stefano Manservisi, directeur général à la Commission européenne et par M. Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, Premier ministre nommé par les putschistes du 6 Août 2008 et reconduit dans ces fonctions par l’élu du 18 Juillet 2009, une déclaration d‘intentions censée faire reprendre les relations entre l’Union européenne et la République Islamique de Mauritanie, telles qu’elles avaient été renouvelées par un accord de Juillet 2008, précédant de quelques jours le renversement du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, premier président élu démocratiquement lors d’un scrutin pluraliste, et cela sans contestation au contraire du scrutin ayant censément légitimé le général Mohamed Ould Abdel Aziz.

Ce texte dispose en tête des engagements pris par le gouvernement mauritanien actuel, ceux concernant les « droits de l’homme – libertés et droits fondamentaux. Lutte contre les violences à l’égard de la femme, lutte contre les séquelles de l’esclavage, poursuite du retour et dédommagement et réintégration des réfugiés, et ce conformément à l’accord tripartite entre la République Islamique de Mauritanie, le Sénégal et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, poursuite de l’ouverture des médias et amélioration du cadre légal assurant une plus grande liberté d’association et la dépénalisation des délits de presse ». Il y a lieu de noter que l’ensemble de ces politiques a été initié par le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, tandis que le dernier point relatif à la liberté d’association et à la dépénalisation des délits de presse, n’avait évidemment pas lieu d’être, le régime étant transparent et le chef de l’Etat particulièrement vigilant et intègre. Il a d’ailleurs prouvé depuis son renversement sa grande valeur morale.

J’avais reçu quant à moi, le 22 Juillet 2009, de la part du Commissaire chargé du Développement et de l’Action humanitaire, l’assurance écrite que « la Commission, au-delà même de l’élection résidentielle du 18 juillet, reste très attachée au plein rétablissement de l’ordre constitutionnel et de l’état de droit, conformément notamment à la décision du Conseil de l’Union européenne du 6 avril dernier relative à la clôture des consultations au titre de l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Elle continuera donc de suivre avec vigilance l’évolution de la situation en Mauritanie et notamment le respect des engagements pris par les parties à l’Accord de Dakar, dont le point VII précise que sa mise en œuvre devra se poursuivre au-delà de l’élection présidentielle » (D2*4(2009) D/4860 - signée de F . Ceriani Sebregondi, Chef d’Unité).

Pourtant, dans la semaine de la déclaration d’intentions euro-mauritanienne, pénalisation des délits de presse et détention arbitraire ont été manifestes.

En effet, le 24 Décembre 2009, le directeur d’un site électronique d’opposition, Hanevy Ould Dehah qui devait être libéré parce qu’il avait purgé la peine de six mois de prison à laquelle il avait été condamné le 19 Août précédent – n’a pas été libéré.

A cette heure, il est maintenu en détention sans aucune base légale, puisqu’il n’existe plus de mandat de dépôt le concernant. Qui plus est, sa condamnation était contestable en droit puisqu’il n’existe pas à l’heure actuelle en droit mauritanien de qualification du délit de presse électronique dont le directeur du site Taqadoumy a été jugé coupable. Celui-ci a entrepris le 27 Décembre, une grève de la faim, qu’il n’a cessée que le 11 Janvier – à la demande instante de sa famille. Depuis, un consensus national s’est formé en Mauritanie qui rassemble opposants et thuriféraires. Le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, l’opposant historique Ahmed Ould Daddah, les candidats à l’élection présidentielle sont tous dans ce consensus et le 20 Janvier, avant-hier, les partis de la majorité présentielle les ont rejoints.

La communauté internationale qui après ses condamnations du putsch du 6 Août 2008 a accepté la légitimation du fait accompli, au motif de l’élection présidentielle de son principal auteur, est ainsi mise en demeure ou de tirer toutes conséquences du déni de droit et de l’irrespect des engagements pris par le pouvoir en place, ou de tout accepter de celui-ci selon les mêmes motifs qui ont poussé à la tolérance depuis un an et demi. Selon les Mauritaniens eux-mêmes, il n’y a pas de politique plus efficace pour la sécurité dans la région et contre le terrorisme qu’une pratique démocratique et une gouvernance économique et sociale sincère, non démagogique et scrupuleuse.

Le sort fait à Hanevy Ould Dehah est donc la pierre de touche.

Permettez-moi de l’exposer en détail – selon ce que m’expose son principal avocat défenseur, M° Brahim Ould Ebety. Celui-ci est un apôtre des libertés publiques depuis qu’il a prêté serment en 1981. En France, il s’appellerait Maurice Garçon, Jacques Isorni, Moro-Giafferi ou aujourd’hui Robert Badinter, Georges Kiejman. Intégrité, compétence, passion, il est unanimement respecté en Mauritanie par tous les politiques. Il a été à la tête de ceux qui dénonçaient les manipulations et tentatuves d’intimidation du barreau de Nouakchott, pendant la dictature du colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya. Le président-fondateur Moktar Ould Daddah (+ 15 Octobre 2003) l’avait en particulière estime.

1- L’identité d’une victime exemplaire.

Qui est Hanevy Ould Dehah ? C’est un jeune journaliste (né en 1977) de talent professionnel et littéraire (reconnu internationalement en arabe). Le site qu’il dirige : Taqadoumy, est le site le plus visité en Afrique de l'Ouest. Censeur intelligent, informé et sans complaisance, il avait relevé les lacunes du gouvernement démocratique de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, dans la version originelle du site, uniquement en arabe. La version française est apparue trois semaines avant le putsch du général Mohamed Ould Abdel Aziz, elle a aussitôt élevé la critique la plus vive et la plus argumentée contre le coup. Le site a dès lors constitué une base de données et un forum exceptionnels autant pour les citoyens mauritaniens que pour les observateurs grâce à l'efficacité et à la documentation de ses réseaux éparpillés dans tout le pays et à l'étranger. On peut le comparer au Canard enchaîné, en France. Les détournements de deniers publics, la corruption, l'interventionnisme, les délits d'initiés et toutes les formes de la délinquance économique en font la chronique, mais aussi les connivences entre le principal putschiste et quelques gens d’affaires et hommes politiques, éradiquant de fait tous les éléments qui commençaient d’instaurer la démocratie et l'Etat de droit en Mauritanie.

2- Le montage politique.

La cible ainsi désignée a été atteinte par un coup monté. Un des candidats à l’élection présidentielle anticipée – d’abord en forme de plébiscite qui devait avoir lieu le 6 Juin 2009, puis à celle du 18 Juillet – Ibrahima Sarr a été utilisé pour déposer une plainte visant une des dépêches de Taqadoumy, le concernant. Cette plainte a d’ailleurs été abandonnée par cette personnalité qui a finalement refusé de se présenter au tribunal ayant compris la manipulation du parquet, mais ce dernier a persévéré. Hanevy Ould Dehah, la semaine même de la mise en œuvre des accords de Dakar et de l’ultime acte d’abnégation du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, sans laquelle aucun processus régulier n’aurait pu avoir lieu, a donc été arrêté. Cinq inculpations lui ont été signifiées en raison de sa publication sur le site électronique. Il a été relaxe du chef de quatre de ces inculpations faute que figure le délit de presse électronique en droit mauritanien, et a été – d’une manière étonnante – écroué au seul motif de sa prétenue atteinte aux moeurs islamiques.

3 – La procédure acquise et en cours

Hanevy Ould Dehah a alors été placé sous mandat de dépôt par le procureur le 24 Juin 2009. Il a été condamné à six mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Nouakchott le 19 Août 2009. Cette peine a été confirmée par la Cour d'appel le 23 Novembre 2009. Elle est donc devenue définitive, même s'il y a pourvoi en cassation devant la Cour suprême, puisque – comme en droit français - cette haute juridiction ne statue qu'en droit et ne prononce pas de condamnation. La libération au terme de six mois était donc évidente juridiquement. Elle était attendue politiquement, et beaucoup avait même cru à une remise de peine à la fin du Ramadan, comme il est fréquent en Mauritanie.

La saisine de la Cour suprême a résulté des pourvois en cassation formés par les parties : le procureur général et la défense. Comme dns tous pays de droit, le dossier ne peut être en état et donc transmissible à la Cour suprême pour en connaître qu'après la remise par le greffe de la Cour d'appel d'une copie de l'arrêt, remise qui fait courir le délai d'un mois pour le dépôt du mémoire en cassation. Obligation aussi de communication à chaque partie du mémoire de l'autre pour en répondre dans un délai d'un mois à compter de cette remise.

Après la manipulation politique, après l’abus de chef d’accusation, a commencé la manipalation de procédure qui me paraît de la meilleurev facture totalitaire. La défense n’a reçu copie de l'arrêt de Cour d’appel que le 24 Décembre 2009, jour où Hanevy Ould Dehah devait être libéré. Prétexte tout trouvé pour le maintien en détention, d’autant que le mémoire en cassation du procureur général n’a toujours pas été remis à la défense ! Le détail des irégularités établit que la saisine de la Cour suprême et par conséquent toute délibération ou décision de sa part n’étaient pas légales. A la surprise de tous les praticiens du droit et avec des incidents de séance ubuesques puisqu’elle n’était pas à l’ouverture de la séance régulièrement constituée, qu’il a fallu rameuter un juge… la Cour a cependant – le 14 Janvier – cassé l'arrêt de la Cour d'appel et renvoyé le dossier et les parties devant une autre cour d'appel pour être rejugés. Cet arrêt de renvoi de la Cour suprême n’a qu’un objectif : tenter de couvrir une détention arbitraire et évidemment obtenir une peine plus longue – probablement cinq ans. Mais cette décision ne comporte pas de mandat de dépôt et ne permet pas d'en obtenir un mandat de dépôt. Il n’y a donc plus aucune base légale à une détention qui aurait dû cesser depuis le 24 Décembre dernier.

La défense compte objecter devant la cour d'appel juridiction de renvoi la notification préalable de la Cour suprême. Cette notification fait ouvrir la voie de l'opposition contre l'arrêt et devant la Cour suprême. L’affaire serait donc à nouveau examinée par la Cour suprême, mais cette fois en toute régularité, ultime chance du pouvoir en place de sauver la face – mais dans quels délais ? car au-delà du sort fait à ce journaliste devenu emblématique, l’abus dont il est victime doit servir, pour ce pouvoir, d’intimidation à toute opposition médiatique.


Il coule donc de source que le gouvernement mauritanien et son premier responsable, le général Mohamed Ould Abdel Aziz doivent – rien que pour leur image – être mis en demeure de libérer Hanevy Ould Dehah.

Il est aussi certain que ne pas exercer toutes pressions reviendrait de notre part à accepter le contraire de nos convictions, valeurs et pratiques.