vendredi 28 novembre 2008

cinquantième anniversaire de la République Islamique de Mauritanie




Vendredi 28 Novembre 2008

La junte convoque pour un lever des couleurs, à l'occasion du 48ème anniversaire de l'Indépendance. C'est banal, l'anniversaire du jour - qu'elle semble ne pas connaître - est le cinquantième de l'option mauritanienne pour le statut d'Etat membre de la Communauté, à l'appel de Moktar Ould Daddah, alors président du Conseil de gouvernement du Territoire d'outre-mer qu'est encore la Mauritanie post-coloniale, et aussitôt ensuite la proclamation de la République Islamique de Mauritanie.
Deux discours du Président le commentent au mieux.
Discours radiodiffusé
prononcé par M° Moktar Ould Daddah,
président du Conseil de Gouvernement de la Mauritanie
le 1er Octobre 1958
(à la suite du referendum du 28 Septembre 1958)



Par son vote massif, la Nation mauritanienne a, sans équivoque possible, manifesté le 28 Septembre son désir de construire son avenir avec l’aide de la France.

Nous avons voté oui parce que la Constitution proposée par le Général de Gaulle comporte d’une part des options dont l’une permet à la Mauritanie d’obtenir la gestion complète de ses propres affaires et reconnaît par ailleurs au peuple mauritanien son droit imprescriptible et sacré à l’indépendance.

En votant oui, nous avons donc opté pour la Communauté des Peuples libres, au sein de laquelle nous jouirons d’ici quatre mois d’une totale autonomie interne dont nous entendons assumer tous les attributs. Il me paraît dès à présent indispensables que les institutions nouvelles soient conçues et mises en place par une Assemblée Territoriale et un Conseil de Gouvernement renouvelés. Je pense que l’actuelle Assemblée Territoriale devra donc, après le vote du budget en Décembre prochain, démissionner pour permettre l’élection d’une nouvelle Assemblée en Janvier. Le Conseil de Gouvernement remettrait sa démission à la réunion de cette Assemblée. Un nouveau Conseil de Gouvernement serait formé qui, avec le concours de l’Assemblée nouvelle opterait pour le statut d’Etat membre de la Communauté et élaborerait la Constitution locale à soumettre au referendum du peuple mauritanien.

Ayant ainsi déterminé sa place au sein de la Communauté et grâce à l’aide que celle-ci nous apportera dans tous les domaines pour continuer et amplifier l’aide que la France métropolitaine nous accordait jusqu’à présent, la Mauritanie pourra préparer dans les meilleures conditions l’accession à son indépendance totale. Ce « stage » de quelques années dans la Communauté nous permettra de parfaire notre structure politique et d’asseoir notre économie sur des bases solides.

Lorsque ces tâches essentielles auront été menées à bien, nous déciderons de notre indépendance sans pour autant rompre les liens qui nous unissent à la France et aux Etats de la Communauté. Grâce à la Constitution que le peuple mauritanien vient d’approuver à une si large majorité, nous sortirons le moment venu de la Communauté des Peuples libres du Titre XII pour conclure avec elle les accords d’association prévus au Titre suivant.

Je suis profondément convaincu que la France et la Communauté parfaitement conscientes des impératifs géographiques, historiques et ethniques de la Mauritanie l’aideront sans réserve à préparer cette indépendance qui nous permettra, entre l’Afrique méditerranéenne et l’Afrique noire, d’affirmer notre personnalité et de devenir cette « Suisse africaine » que nous appelons de tous nos vœux.
Discours prononcé par M° Moktar Ould Daddah,
président du Conseil de Gouvernement de la Mauritanie,
devant l’Assemblée Territoriale,
réunie pour la première fois à Nouakchott,
le 28 Novembre 1958



Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Vous devez tous partager aujourd’hui l’émotion qui m’étreint en cet instant historique où votre Assemblée erst appelée par la Constitution à définir la place que la Mauritanie doit occuper désormais au sein de la Communauté franco-africaine.

Il me paraît profondément symbolique qu’une telle décision qui engage l’avenir du peuple mauritanien tout entier, doive intervenir au moment précis où votre Gouvernement et votre Assemblée se trouvent pour la première fois réunis sur le sol de la Patrie dans cette Capitale que je m’engageais solennellement à réaliser dans mon discours d’investiture du 20 Mai 1957 et qui fut pendant dix-huit mois l’objet de nos incessantes préoccupations.

Bravant toutes les difficultés, sans souci de l’inconfort et des complications qu’entra$îne le maintien provisoire de plusieurs ministères et de tous les services à Saint-Louis, le Gouvernement a tenu à ce que l’appareil politique de la Nation s’installe définitivement à Nouakchott pour donner à la Mauritanie les institutions nouvelles que requiert la création de la Communauté franco-africaine.

Il y a tout juste deux mois, nos concitoens approuvaient à la majorité que vous savez la Constitution proposée à leurs suffrages par le Général de Gaulle. Il vous appartient aujourd’hui de dire quel statut est choisi par la Mauritanie parmi les possibilités offertes par l’article 76 de ladite Constitution dont je vous rappelle les termes :
« Les Territoires d’Outre-Mer peuvent garder leur statut au sein de la République.
S’ils en manifestent la volonté par délibération de leur Assemblée Territoriale prise dans le délai prévu au premier alinéa de l’article 91, ils deviennent soit Départements d’Outre-Mer de la République, soit, groupés ou non entre eux, Etats membres de la Communauté. »

Entre ces trois possibilités, votre Gouvernement a choisi sans hésitation aucune et vous propose d’opter aujourd’hui en faveur du statut d’Etat membre de la Communauté qui seul permet d’acquérir l’autonomie interne complète et véritable, réclamée à l’unanimité par le Congrès d’Aleg en considération de la position particulière qu’occupe la Mauritanie au sein de la Communauté franco-africaine et du rôle que lui confèrent sa position géographique, ses traditions ethniques et culturelles.

C’est qu’en effet, l’autonomie interne dont bénéficie un Etat membre de la Communauté est totalement différente de celle accordée aux Territoires d’Outre-Mer par la loi-cadre. Un Territoire d’Outre-Mer fait partie intégrante de la République française : à ce titre, son organisation politique et administrative est déterminée à l’origine, et, si besoin est, modifiée par le Parlement français, après consultation de l’Assemblée Territoriale. C’est dans les limites précises fixées par la loi française que s’exercent les pouvoirs du Gouvernement local, de l’Assemblée Territoriale et que s’organise l’administration locale.

Au contraire, un Etat membre ne fait plus partie intégrante de la République française mais seulement de la Communauté. Il est totalement maître de son organisation interne qui ressort de lois élaborées par le pouvoir exécutif et votées par le pouvoir législatif qu’il s’est donnés dans sa propre Constitution. Il bénéficie donc d’une autonomie complète pour tout ce qui n’est pas compris dans le domaine réservé à la Communauté par l’article 78, c’est-à-dire :
la politique étrangère,
la défense,
la monnaie,
la politique économique et financière commune,
la politique des matières stratégiques,
et sauf accords particuliers
le contrôle de la justice,
l’enseignement supérieur,
l’organisation générale des transports extérieurs et communs et les télécommunications.

Dans tous les autres domaines, l’Etat mauritanien sera donc entièrement libre de promulguer ses propres lois, d’établir ses propres règlements, de promouvoir en un mot l’organisation interne susceptible d’assurer l’épanouissement de sa personnalité particulière.

Enfin, seul le statut d’Etat membre permettra de sauvegarder pour l’avenir le droit imprescriptible et sacré du peuple mauritanien à l’indépendance.

Le choix du Gouvernement est donc fait : celui de votre Assemblée ne saurait faire de doute.

La proclamation de l’Etat mauritanien sera suivie de la rédaction d’un projet de Constitution définissant l’organisation des pouvoirs, la composition et le mode d’élecvtion des représentants du futur pouvoir législatif mauritanien, les domaines respectifs de l’exécutif et du législatif, etc… Il s’agit là d’un gros travail qi requiert la collaboration de tous ceux qui veulent réaliser la nation mauritanienne au sein de la Communauté franco-africaine.

Je suis certain de trouver au sein de votre Assemblée tous les concours qui nous permettront de mener ensemble à bonne fin, cette tâche essentielle.

En ce qui le concerne, le Gouvernement se doit de faire connaître dès à présent aux citoyens de ce pays que les droits nouvellement acquis par l’accession à l’autonomie interne comportent pour eux en contre-partie des devoirs que l’exécutif entend faire respecter par tous.

Sur le plan extérieur tout d’abord, le Gouvernement est pleinement conscient des dangers qui menacent l’Etat mauritanien. Bien que la défense soit de la compétence de la Communauté, il est fermement résolu à coopérer avec les forces de la Communauté et dans toute la mesure de ses moyens à la défense de la Patrie contre les entreprises menées de l’extérieur et par ailleurs à réprimer toutes les actions subversives tentées à l’intérieur de l’Etat, par les étrangers ou les nationaux mauritaniens ainsi que toute propagande effectuée en faveur d’un Etat étranger.

Mieux que quiconque les membres de votre Assemblée savent les efforts que j’ai déployés dès mon investiture pour réaliser au sein du Gouvernement et à l’intérieur du pays l’unanimité mauritanienne. Vous savez de quelle manière mes efforts ont été récompensés. Fort de l’approbation de l’immense majorité de nos concitoyens, j’avertis solennellement ceux qui seraient tentés de trahir la Patrie mauritanienne qu’ils seront impitoyablement châtiés ou rejetés hors des frontières de notre Etat.

Sur le plan intérieur ensuite, la création et le développement de l’Etat mauritanien nécessitent l’union de tous les efforts sous l’impulsion d’une autorité gouvernementale accrue. Les discussions tribales, les oppositions raciales seront énergiquement réprimées parce qu’elles sont de nature à affaiblir le nouvel Etat, voire même à compromettre son existence. Elles doivent faire place, bénévolement ou par la contrainte, au sentiment d’appartenance à une Patrie commune où toutes les races, toutes les catégories sociales jouiront des mêmes droits et des mêmes devoirs, où la place de chacun sera déterminée par ses seuls mérites et les services qu’il est susceptible de rendre. Cela doi signifier la fin du régime de facilité, la fin des prébendes et des faveurs indûment accordées. Dans l’organisation de l’Etat mauritanien, un rôle essentiel devra être tenu par les fonctionnaires, métropolitains ou africains, personnel de commandement, techniciens, personnel d’exécution qui tous dépendront directement et uniquement du Gouvernement.

J’entends et je veillerai à ce qu’ils accomplissent toutes les tâches qui leur sont confiées avec conscience, efficacité et patriotisme. Tous ceux qui ne comprendraient pas que la Nation requiert d’eux un travail accru seront sanctionnés ou licenciés. Je suis certain cependant que l’immense majorité des fonctionnaires conscients de la situation privilégiée dont elle bénéficie par rapport au reste de la Nation, apportera au Gouvernement sa collaboration totale et enthousiaste, indispensable à la vie et à la prospérité de notre pays.

Mes chers collègues, je ne veux pas retarder plus longtemps l’instant solennel et émouvant où va naître, par vos soins, l’Etat mauritanien. Dans les semaines à venir, nous déterminerons ensemble la structure institutionnelle qu’il convient de lui donner. Ensuite, c’est du peuple mauritanien, tout entier, de son patriotisme, de sa discipline que dépendront en définitive e développement et la prospérité de l’Etat.

Responsable des destinées du pays, le Gouvernement est, pour sa part, résolu à renforcer par tous les moyens la conscience nationale pour que vive et s’épanouisse la Mauritanie nouvelle.

1 commentaire:

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