Mauritanien d'adoption depuis un service national français effectué à l'Ecole nationale d'administration mauritanienne (Février 1965 . Avril 1966), je souhaite dialoguer ce que je continue d'apprendre de la Mauritanie, et - avec mes amis mauritaniens - ce que je sais du legs de leur fondateur moderne : Moktar Ould Daddah, qui me surnomma Ould Kaïge (Mars 1974). L'accompagnant à son retour d'exil (Juillet 2001), j'eus l'honneur de relire ses mémoires. - b.fdef@wanadoo.fr
jeudi 31 mai 2018
mercredi 30 mai 2018
Ahmed Ould Cheikh - Le Calame
Coûteux programme de pauvreté
Félicitations, monsieur le
Président ! Le slogan de votre campagne de 2009 était bel et bien
prémonitoire. Votre vœu a été exaucé. Vous êtes devenu, comme vous le vouliez,
le président d’un pays dont 89% sont (devenus) pauvres. Champion du monde de la
misère, à défaut de l’être en autre chose. Et ce n’est pas de la littérature ou
des « accusations sans fondement », comme dira, demain, le
porte-parole du gouvernement : dans un rapport préparé par les Nations Unies,
avec le concours de la Ligue Arabe et de l’Université d’Oxford, tout
récemment publié, le niveau de pauvreté extrême, dans dix pays arabes, dépasse
13%. Avec des disparités entre eux. Ainsi le pourcentage de pauvres est de 69%
au Yémen, 73% au Soudan et… 89% en Mauritanie. Mais c’est quoi, la
pauvreté ? Le rapport donne des indications précises : une situation
économique où l’individu n’a pas un revenu minimum qui lui assure
l’alimentation, l’habillement, l’éducation et les soins. Avec, en corollaire,
des inégalités sociales qui entraînent, à leur tour, chômage, faim et
mendicité.
Serions-nous donc pauvres à ce
point qu’on ne s’en rende même plus compte ? Comment un pays, qui dispose
d’autant de richesses naturelles (fer, poisson, cuivre, or et autres métaux
précieux), d’un potentiel agricole immense et de ressources animales aussi
importantes, peut-il être dans une telle situation ? Ça devrait tous nous
interpeller, quand même ! Qu’avons-nous fait de toutes ces recettes
générées par l’exportation de nos ressources minières et des financements
obtenus auprès de nos partenaires ? Pourquoi la majorité d’entre nous n’a
ni logement décent, ni eau courante, ni électricité, ni éducation de qualité,
ni soins ? Qu’un pays d’à peine 3,5 millions d’habitants, riche à ce
point, soit en queue de peloton des pays pauvres, il y a véritablement de quoi
s’interroger.
Il y a une décennie, notre
objectif était d’atteindre le point d’achèvement de l’Initiative PPTE (pays
pauvre très endetté) pour avoir droit à l’effacement d’une partie de notre
dette multilatérale. Nous l’avons atteint et nous avons été
« achevés ». Notre dette a été épongée mais nous n’en avons pas été,
pour autant, plus riches. Au contraire, nous ne cessons, depuis près de
dix ans, de nous enfoncer dans la misère. Pourtant avec la hausse des prix
des matières premières, enregistrée il y a quelques années et les financements
extérieurs, le pays n’a jamais obtenu autant de ressources. Où est donc le
problème ? Dans la mauvaise gestion, le détournement, la corruption,
les mauvais choix, l’absence de vision, les projets coûteux,
l’incompétence, le népotisme, la gabegie. Bref, il est dans cette Mauritanie
nouvelle où une infime minorité est choyée et la grande majorité oubliée.
Jamais, en effet, depuis l’avènement de l’Azizanie, les inégalités sociales
n’ont été aussi fortes, les pauvres aussi nombreux et la mendicité aussi
voyante. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, des individus, partis de
rien, sont devenus milliardaires, comme par un coup de baguette magique. Bénéficiant
de marchés et de passe-droits, ils ont fait main basse sur tout ce qui bouge,
ne laissant même pas des miettes aux autres. Avec un acharnement de tous les
instants à faire, d’Ould Abdel Aziz, un incontestable président des pauvres… au
prix de l’honneur, de la fraternité et de la justice. Une république
non-islamique, donc, par soustraction successive...
Ahmed Ould
Cheikh
Le Calame .
mercredi 30 Mai 2018