dimanche 28 novembre 2010

la Mauritanie - écrit en Juin 1970 pour introduire une anthologie du président Moktar Ould Daddah

texte ne sera complet que lundi soir



écrit sans titre . juin 1970


– après avoir suivi le Conseil national du Parti du Peuple Mauritanien, tenu à Tidjikja . 25 Mars au 3 Avril 1970,
puis une tournée présidentielle de prise de contact du 17 au 23 Avril 1970 : Boumdeid, Ould Yenge, Kaédi –
pour servir d’introduction à l’anthologie des discours et messages du président Moktar Ould Daddah
qui devait être publiée à l’occasion du Xème anniversaire de l’Indépendance




de la Mauritanie



Bertrand Fessard de Foucault
futurement – Ould Kaïge . surnom donné par le président Moktar Ould Daddah




Un pays immense, sévère, silencieux que tout prédipose à la dispersion et au morcellement, en tout cas à la solitude : une contrée apparemment homogène si le blanc des cartes et des atlas ne masquait mille paysages des oasis de l’Adrar au Oualo, des tables violettes du Tiris et du Zemmour baignées des herbages vert crû de l’hiuvernage jusqu’aux dûnes de l’Azefal ou de la côte oxéane ; une terre si vaste qu’elle s’essouffle en sable et en coquillages, qu’elle éteint tout bruit, toute rumeur, toute plainte.

C’est pourtant la Mauritanie une et indivisible, si tendre dans la rumeur nocturne des campements, si stridente dans le chant aigü du puits ou le sifflet toucouleur, si changeante dans chacune de ses pistes et dans chacun de ses enfants.

Un pays peu connu, un terrain de parcours sillonné par des caravanes immémoriales, de mystérieux courants de troc, de lents brassages de populations, de subites et décisives invasions.

La Mauritanie amalgamée en deux générations sous la même autorité administrative, érigée voici seulement dix ans en une République indépendante, demeure encore aujourd’hui oubliée des journaux, de la télévision et des amateurs de science politique. Une proclamation d’indépendance en des circonstances mouvementées, des débats aux Nations Unies ou une visite officielle d’importance, la mettent quelques jours « à la une » des organes d’information. Mais l’analyse dépasse rarement la recension de quelques dates électorales et de statistiques souvent peu sûres, quand il ne s’agit pas de la description facilement suggestive de quelque folklore.

Pour connaître la Mauritanie telle qu’elle est et dans ce qu’elle veut être, il faut aller à elle pour elle-même, d’une certaine manière s’y consacrer. En se laissant imprégner d’elle et de l’œuvre de ceux qui la construisent, on finit par se pénétrer d’un nouvel être, d’une intelligence et d’une sensibilité autres : on se convertit à la Mauritanie, et par elle au désert, au développement, à la fierté de soi, au Dieu unique et transcendant. On n’oublie rien de la vie des tentes, de l’animation des marchés du Fleuve ; on médite toujours la vied ‘ici-bas et d’au-delà ; on demeure intransigeant dès qu’honneur, fraternité et justice sont en jeu. Mais on vient à un dessein politique, on entre dans la lente invention des institutions, dans le perfectionnement des concepts et des méthodes, on discerne le changement à peine perceptible s’il est mesuré sur une seule année, mais éclatant à considérer les quinze dernières, qui fait se mobiliser un peuple dont l’attentisme remontait à l’origine.
Le but de ce livre est d’introduire à la Mauritanie contemporaine en suivant – par les discours et les messages qui l’ont jalonnée et continuent de l’illustrer – le cheminement du projet, de l’analyse et de l’action de celui qui en est responsable depuis le 20 Mai 1957 : Maître Moktar Ould Daddah.



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La Mauritanie ne semble pas avoir de frontières naturelles sur la carte, ses limites courent en droite ligne ou se cassen en angles bien nets à l’exception des régions méridionales dont le contour irrégulier est dessiné par le fleuve Sénégal. A l’intérieur, d’elle-même, on ne croit ne pouvoir trouver davantage d’unité. La population se disperse en oasis, en escales fluviales, voire dérive au gré des saisons et des pluies. Les agglomérations traditionnelles de Tdijikja, d’Atar, de Néma, de Oualata, de Chinguetti, de Kiffa comme les centres modernes de Nouakchott, de Zouérate, de Nouadhibou, d’Aïoun-el-Atrouss sont comme des îles perdues dans le vide saharien ou les rochers d’un gigantesque et méditatif jardin Zen. Encore faut-il remarquer que l’essentiel ne vit pas en ville mais sous tentes dans des campements disséminés et eux-même peu peuplés. A première vue, la Mauritanie n’existerait donc pas.

Pourtant, cette insularité multiple forme le tissu de mille cohésions. Les caravanes, les campements suivent de véritables routes et s’établissent en des points toujours identiques. Ces gens aux modes de vie si différents, marchands et cultivateurs sédentaires du sud ou des palmeraies, nomades chameliers ou moutonniers, et aujourd’hui fonctionnaires ou ouvriers sont liés par d’innombrables relations familiales, domaniales, commerciales. A tous, le désert impose vêtement, manière de réagir et de penser quelles que soient leur couleur de peau ou leur lieu d’habitation. Tous se réclament de l’Islam et le pratiquent de même manière, enseignés qu’ils ont été et sont par les mêmes mâitres. On sent tout de suite si l’on se trouve ou non en Mauritanie ; point n’est besoin de montagnes ou de fleuves pour endiguer ou protéger ce peuple, pour le caractériser : regard et espace suffisent.

L’histoire le montre bien comme si une étrange complicité des paysages, des clinats et des hommes faisait que la Mauritanie absorbe, transforme, adapte, convertit et demeure siècle après siècle irréductible à toute absorption qu’elle vienne du nord ou du sud, d’occident ou d’orient. Chaqe envahisseur apporte qui sa langue, qui sa religion, qui ses méthodes d’adlministration, mais les gens du désert et leurs parents des escales restent les mêmes.

Sans doute les Beni Hassan introduisent l’organisation émirale et la langue arabe, sans doute fixent-ils des structures sociales ; mais l’Islam était pratiqué bien avant leur venue et même prpeché à toute l’Afrique occidentale depuis les Almoravides, et les droits et devoirs du chef qu’il soit celui de la tribu, de la fraction ou du village étaient déjà codifiés par des siècles de coûtumes.

Sans doute les Français apportent une administration écrite et survivant à la personne de celui qui en a momentanément la charge, sans doute unifient-ils pour la première fois le pays sous une seule autorité ; mais leur difficile pénétration, l’attentisme jusqu’à ce qu’ils aient conquis l’ensemble de ce qui est aujourd’hui la Mauritanie, montrent bien que dès 1900 le Trarza se sait solidaire du Tagant et le Tagant de l’Adrar et du Hodh et le Hodh de l’Assaba et du tagant, et le Fleuve du désert.

D’ailleurs, est-il seulement arabe ce dialecte hassnya ?est-il seulement français cet Etat de droit ? Et qu’est la démocratie en Mauritanie ? celle du parti communiste ? celle des Républiques parlementaires ? Ne serait-ce pas structurée par le Parti unique, prêchée à travers tout le territoire, maintenue par la persuasion, le tête-à-tête et un projet constamment enrichi, l’antique organisation qui régissait le campement minuscule ?

Comme elle adapte et transforme à son contact et en son milieu tout ce qui lui parvient du dehors : idées, institutions, vocabulaire et technique, la Mauritanie crée jusqu’à l’homme. Le courant qui joint l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne, c’est elle qui le détermine et le filtre. Elle est à la fois ce courant et autre chose, tant la rivière d’hommes, de religion, de produits coulant dans les deux sens au travers du Sahara occidental, laisse un dépôt unique : l’homme mauritanien. En elle descend vers le Sénégal le legs berbère, arabe et musulman, la civilisation écrite et universelle ; par elle remonte à la Méditerranée la sagesse, le plein air, un secret qui ne se transcrit pas maos se chante. La Mauritanie peut unir l’Afrique noire et l’Afrique blanche, parce qu’elle est les deux à la fois, et dans chacun de ses fils. Maures, Sarakollés, Toucouleurs, Ouolofs ont acquis les uns des autres une coûtume, un tempérament, un vêtement, un habitat, une nourriture, une religion. L’ensemble est mauritanien.



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Les révolutions en Mauritanie n’affectent donc ni le tempérament de l’homme, ni l’organisation de la vie collective. Elles sont lentes, presque indéchiffrables dans l’instant.

Historiquement, ce sont d’abord des migrations qui font entrer et sortir du désert des peuples blancs ou noirs, mais les entrelacent et les marquent définitivement de leur séjour saharien. A chaque vague de ce va-et-vient correspondent des hégémonies éphémères et le déplacement d’est en ouest de courants commerciaux et de capitales politiques. Chaque fois, le choc vient de l’extérieur qui redistribue entre les populations avoir et pouvoir. L’arrivée des Maq’il à partir du XVème siècle consacre un état de mœurs et de relations et impose des structures politiques en lmême temps qu’une culture et un commandement : c’est encore une révolution venue du dehors, mais à son tour l’envahisseur se « mauritanise ».

La révolution suivante va opérer la même novation à partir de l’intangible ; mais les fondements de la Mauritanie d’aujourd’hui en sont issus, comme si la France allait saisir en cinquante ans de présence souveraine un matériau millénaire et sans cesse en mouvements intérieurs.

Depuis longtemps établie au Sénégal, maintenant assurée de sa présence en Afrique du nord par la conquête de l’Algérie et le protectorat tunisien, la France républicaine songe à un empire africain. Sans réel plan d’ensemble, ses troupes occupent l’arrière-pays jusques là parcouru par les seuls missionnaires et marchands. La Mauritanie est la dernière à succomber à cette logique de la géographie. En apparence, elle n’est pas conquise pour elle-même. Le Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française fait surtout valoir des raisons stratégiques d’autant plus évidentes que la question marocaine est posée depuis 1900 et que la vieille ville française de Saint-Louis est à portée d’un coup de main des Maures. Pourtant, le maître d’œuvre de la pénétration française dans le pays, Coppolani, prend la Mauritanie pour ce qu’elle est. Sans doute vante-t-il ses possibilités économiques qu’il ne soupçonne qu’agricoles ; mais son expérience algérienne, puis ses missions au Hodh et au Soudan en ont fait un expert et un amoureux de l’Islam du désert. Cete conjonction d’un intérêt militaire et d’un attrait intellectuel marque la jeune colonie dès ses débuts de 1905 et jusqu’aux derniers temps de l’opération « Ouragan » en 1958.

En Mauritanie, la France tâtonne et hésite ; petit à petit, elle reconnaît chaque classe sociale, chaque région : les marabouts sur lesquels s’est appuyé le fondateur, 1es guerriers dont ses successeurs Montané-Capdebosc et Gouraud pressentent la crise morale et sociale, les gens du Fleuve d’abord auxiliaires de la pénétration puis envisagés pour eux-mêmes par Gaden. Le Trarza est le noyau – d’abord double – du futur ensemble en 1903 ; puis le Brakna en 1904, le tagant en 1905, la Baie du Lévrier, l’Inchiri, l’Adrar en 1908-1909. L’administration des régions méridionales et orientales est tentée de plusieurs manières : les cercles du Gorgol et de l’Assaba apparaissent et disparaissent, le Hodh n’est rattaché dans son entier au territoire qu’en 1944. Quant au nord, placé sous la souveraineté longtemps théorique de l’Epsagne, la France y reconnaît dans la pratique militaire consacrée par les expéditions de 1913 ou de 1958, qu’il est le prolongement nécessaire de la Mauritanie, ce que ses habitants expérimentent chaque saison.

Même intuitions et mêmes irrésolutions pour l’enseignement de la langue arabe, pour l’organisation de la justice eu égard à la coûtume, pour l’égalité devant l’impôt, pour la participation à la gestion des affaires locales. Pendant cinquante ans, les Mauritaniens – et surtout ceux d’entre eux qui servent dans l’administration – découvrent leur propre pays dans ses limites, dans ses terrains de parcours pacifiés, dans ses diversités et complémentarités régionales, dans un effort d’équipement et de scolarisation la prenant comme un tout ; mais les problèmes inhérents à sa composition ethnique et sociale, à ses mentalités, à ses aspirations sont « gelés ».

La présence française apporte cependant une nouvelle révolution en Mauritanie ; dès 1905 se tend la ligne télégraphique qui va desservir le pays à partir de Saint-Louis. Vingt ans plus tard, la liaison automobile Rosso-Atar est réalisée tandis que les premières patrouilles aériennes sont effectuées. Surtout, l’éparpillement de la population est enfin pallié par un réseau de plus en plus dense et rapide de communications, par la présence constante sur le terrain de l’administration, par la normalisation des règles et des coûtumes, par la sécurité que troublent certes les derniers combats des années trente ou le soulèvement hamalliste, dix ans plus tard, mais qui est assurée dans l’ensemble. Une mutation s’opère que quelques-uns seulement ont pressenti à l’instar de Chiekh Sidya, l’allié de Coppolani : la sécurité des voies de communications, des terrains de parcours, des marchés d’échange, le recensement et l’impôt, le contrôle des migration,s et des armes, le maintien d’une autorité tenant certes beaucoup à la personne de ses mandants mais contrôlés de plus haut, l’insertion du pays dans un ensemble africain transforment décenie après décennie, le paysage et la mentalité de tous les jours.

Cette mutation, commencée avec l’instauration du « protectorat des pays maures », n’est toujours pas achevée lors du dixième anniversaire de l’indépendance : le recensement, la levée de l’impôt, la dépersonnalisation de l’administration, le désenclavement des îlots humains séparés par des mers de sable ou de longs temps de déplacement, sont toujours et quotidiennement l’enjeu de la lutte. Est-ce à dire que l’Etat national soit le strict continuateur, avec moyens et fins identiques, de l’Etat colonial ? Pour distinguer ce régime relativement peu contraignant et qui inscrit à son actif d’incontestables réussites et apports positifs, de celui qui convient vraiment au pays et à son peuple, il faut à coup sûr beaucoup méditer et beaucoup imaginer. Réaliser que le régime français, pourtant adapté autant que possible aux nécessités mauritaniennes, demeure étranger à sa terre et à ses compatriotes, discerner ce que peut être la Mauritanie de l’avenir, la vraie Mauritanie, et prévoir le cheminement qui convient : ce ne sont pas par quelque éclair immédiat ou une conversion subite et illuminée que Moktar Ould Daddah y parvient. Les événements, ul ne les précède pas, mais fait corps avec eux et les comprend d’autant mieux. La première révolution que la Mauritanie va enfin tenter de l’intérieur et par elle-même, il la vivra dans son âme tout en l’expliquant à ses compatriotes et en les dirigeant à travers les pièges, les leurres et les exigences de la souveraineté nationale.

Au bouleversement des civilisations et des continents remués par la technique, liés par une solidarité brutale, frappés de peur et d’idéal, les Mauritaniens doivent apporter leur réponse avant qu’elle ne leur soit imposée par quelque aveugle engrenage technologique et sociologique. Pour la première fois, la Mauritanie doit – très vite, car le précaire abri de son désert est tyraversé de vents nouveaux – modifier son tempérament, l’adapter pour en sauvegarder le meilleur et le secret.



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De sa naissance à Boutilimit en Décembre 1924 – l’année-même de la mort du grand Cheikh Sidya – jusqu’en Mars 1957 – moment où le territoire choisit dans le savoir ceux qui vont le mener du statut colonial à celui d’Etat membre de la Communauté – Moktar Ould Daddah vit comme une longue scolarité, régulière et prégnante. D’abord d’une manière toute traditionnelle, s’imbibant du legs ancestra et si fortement qu’il ne s’en défera jamais, jusqu’à son entrée à l’Ecole Blanchot à saint-Louis-du-Sénégal en 1939. Là, sa vie demeure scolaire, mais maintenant c’est d’une culture occidentale et de concepts « modernes » qu’il se nourrit. Un instant, il succombe même à ses attraits sur l’instance de ses camarades plus âgés : démissionnant de cette école qui prépare au diplôme de fils de chef servant pour l’administration, il entre dans cette dernière, passe avec aisance le concours d’interprèe et est nommé à Fort-Gouraud en Janvier 1942 ouis à Fort-Trinquet à la fin de 1943.

Alors se situe sa première mûe : elle est toute intellectuelle. Mesurant l’insuffisance de l’instruction qu’il a jusqu’à présent reçue, il est envahie d’une soif d’apprenbdre. Par diqques et assimil, il s’initie à l’anglais et s’introduit à diverses disciplines. La politique n’est pour l’heure nullement sa voie.. Il est à nouveau austèrement et studieusement en poste à Fort-Gouraud quand le territoire élit pour son premier représentant au Parlement françis, Horma Ould Babana en Novembre 1946. S’il séjourne à Saint-Louis, dans l’administration centrale de Novembre 1947 à Septembre 1948 et se trouve donc bien placé pour découvrir la vie politique naissante et assez anarchique qui caractérise alors le pays – il participe même comme membre du bureau exécutif à la fondation de l’Union Progressiste Mauritanienne – Moktar Ould Daddah ne fait pas partie du « système ». Ses études, il les poursuit en France, d’abord à Nice d’Octobre 1948 jusqu’à son baccalauréat obtenu en Juin 1952, ensuite à Paris en faculté de droit où il rencontre la future Mariem Daddah.

De politique, il n’est toujours guère question ; il ne rentre au pays que tous les deux ans, brigue certes quelque instant un siège à l’Assemblée de l’Union française mais sans insistance. En 1955, l’année de la veille des échéances, une pleurésie le terrasse, il manque donc le congrès décisif qui marque, en Novembre à Rosso, la scission de l’U.P.M. et la constitution de l’Association de la Jeunesse et se trouve sous observation médicale pendant toute la première moitié de 1956. Quand il peut enfin partir pour Dakar y accomplir son stage d’avocaty chez M° Boissier-Palun en Novembre 1956, la « Loi-Cadre » a été votée, les revendications du Maroc sur la Mauritanie sont déjà formulées et l’U.P.M. a définitivement évincé sur le plan électoral le parti de Horma Ould Babana : l’Entente Mauritanienne.

Et d’un coup, l’étudiant passe d’une vie studieuse aux responsabilités politiques : Sidi El Moktar N’Diaye, le député au Parlement français présidant aussi l’Assemblée territoriale, pense à lui comme chef du gouvernement prévu par la loi du 23 Juin 1956. Déjà, il apparaît que Moktar Ould Daddah peut cioncilier tout le monde. Elu en Mars 1957 par la circonscription où il a servi quinze ans plus tôt, il manifeste d’emblée – par la manière dont il constitue son équipe et par le projet qu’il développe devant l’Assemblée le 20 Mai 1957 – qu’il n’entend pas sa tâche comme de simple gestion. Immédiatement – sans doute ont-ils été longuement et secrètement médités – sont posés les thèmes-clés : faire la patrie mauritanienne par l’union de tous, jeunes et vieux, gens du désert et gens du fleuve, nobles et moins nobles ; la bâtir en affirmant sa personnalité culturelle par une réforme de l’enseignement (il a pris sous sa responsabilité personnelle ce département ministériel) et par la mauritanisation des acdres, et sa maturité politique par la rvendication d’une place à part dans la communauté franco-africaine et le rejet des prétentions venues du nord ou d’ailleurs.

Ce programme est mis à rude épreuve : le candidat de tout le monde n’est en réalité celui de personne ; encore plus vite que le peuple dans son entier, les extrêmistes nostalgiques ou adventistes s’en aperçoivent. Quant au jeune chef du gouvernement, à peine a-t-il surmonté un obstacle ou séduit un opposant que d’autres surgissent, que ses amis hésitent, que l’incertitude de beaucoup obscurcissent la conjioncture et le projet d’ensemble. L’union réalisée en Mai 1957 par la participation au gouvernement de l’Entente évincée de l’assemblée, semble compromise par le départ inopiné de deux ministres en Mars 1958 à Rabat. La personnalité mauritanienne originale entre le Maghreb et l’Afrique noire est contestée par ceux qui prônent en Lauritanie ou à Dakar l’adhésion du territoire aux projets fédéraux du Mali ébauchés puis mis en en place de Février 1958 à Mai 1959, et par ceux qui du Maroc ou à l’intérieur, faisant allégeabnce au souverain chérifien ou fondant la Nahda en Août 1958, prêtent à la confusion des deux et donnent matière à la propagande d’Allal El Fassi. La vocation à l’indépendance marquée par le discours d’Aleg le 2 Mai 1958 ou celui prononcé au lendemain du referendum du 28 Septembre, est également et moralement contesté par le propre parti de Moktar Ould Daddah.

Pourtant, ce dernier parvient à exorciser chacun de ces démons. Essentiellement parce qu’il a la foi et se sent assuré d’œuvrer dans la seule voie qui soit créatrice de la Mauritanie. Si l’on pose en principe la Mauritanie, alors en une logique très simple mais inéluctable apparaissent les lignes majeures de la politioque qu’elle se doit d’adopter vis-à-vis de ses voisins et du colonisateur comme à l’égard de ceux qui constituent son peuple. Même isolé parmi ses amis, le président du Conseil de gouvernement puis Premier Ministre fait surseoir à Aleg à toute décision concernant l’exécutif fédéral, maintient le contact avec les jeunes activistes, obtient de la Frabnce une indépendance sans condition puisqu’elle est proclamée le 28 Novembre 1960 en dehors de la Communauté et avant la conclusion de tout accord de coopération lequels n’interviendront que le 19 Juin suivant.

Chaque fois, les événements lui ont donné raison. Pourquoi ? Parce que les objections de chacun, il les vit lui-même. Les vœux impatients de la Nahda tout autant que la prudence atavique des dirigeants du Parti du Regroupement Mauritanien sont les siens. Sa vision d’une Mauritanie indépendante et spure d’elle-même, il ne l’invente pas ; il la reconnaît confuse mais certaine chez beaucoup de ses compatriotes ; qu’il incarne peu à peu et de plus en plus nettement ce dessein très silmple mais aux multiples implications, ce devient évident, mais il n’est pas seul à le formuler et il sait le reconnaître dans les tentatives de ses amis et des opposants. Il sait aussi ce que ecouvre de hasard ou d’opportunisme, voire d’intoxication, tel événement dont il ne se formalise qu’officiellement. Une fois les caps difficiles doublés, enfin achevé l’enfantement, il pressent que l’unité sera forgée par la nature des choses mauritaniennes.

L’allure demeure aussi « estudiantine » de ce jeune homme d’Etat méditant sur le pas de la porte de planche de sa modeste villa, squr la dûne de Nouakchott en donnant audience dans le garage ou le patio de la même villa. Mais c’est à Nouakchott et non à Saint-Louis…. Le rire sur les bancs d’école, sous la tente, dans le hangar qui accueillent les délibérations de l’exécutif et du léislatif de l’époque, est toujours aussi frais et la voix aussi timide et sourde dans son début. Mais le politique est né qui pêut être intransigeant envers les sceptiques de l’extérieur et les attentistes du dedans. Le politique qui est devenu le symbole de la nation naissante, seul interlocuteur que doit reconnaître le négociateur français, seul Président de la République possible pour la « table ronde » des partis mauritaniens réunis à partir du 20 Mai 1961 et pour l’unanimité des électeurs le 20 Août suivant, seul Secrétaire Général possible pour le parti né de la fusion de tous les autres le 25 Décembre 1961, seul arbitre admis par les élites politiques quand elles se divisent sur des revebdications particularistes surgies de procès d’intentions.

Les succès viennent alors d’un coup : les mythes d’une capitale sur le sol mauritanien et d’une mise en exploitation des gisements de fer deviennent réalités. En Novembre 1958, le Président s’installe définitivement à Nouakchott et contraint ainsi ministères, services et élites à peupler la fameuse dûne. En Mars 1960, la Banque mondiale accorde le prêt qui permet à Miferma d’exporter à partir d’Avril 1963 le minerai de la Kedia d’Idjill en quantité telle que Nouadhibou devient en quelques années le premier port de l’Afrique francophone pour le tonnage ; Le 27 Octobre 1961, la République Islamique de Mauritanie est adlise aux Nations Unies après une bataille qui fait de son entrée dans l’immeuble de Manhattan une victoire. Le pays est dès lors capable de résister par lui-même à la subversion et aux attentats d’Atar et de Nouakchott au printemps de 1961 et de Néma l’année suivante.

Tout semble doncen voie d’être acquis : l’appareil étatique est entre des mains mauritaniennes, la souveraineté nationale n’est plus contestée ni sérieusement ni efficacement, la vie politique s’est unifiée, l’équilibre budgétaire par des ressources mauritaniennes et à force d’austérité, est réalisable. Alors survient une nouvelle mûe pour Moktar Ould Daddah comme si le cheminement intime, la méditation qui modèlent son allure physique et son comportement politique, passaient parfois par une soudaine prise de conscience de l’insuffisance radicale des résultats obtenus et de la nécessité d’une conversion qualiitative complète pour que ce qui est, soit préservé et ce qui doti être, soit entrepris. Rehgard du philosophe, diagnostic du médecin, enthousiasme du néophyte, patience du sage : Moktar Ould Daddah écoute silencieusement ses compatriotes disputer et débattre et la synthèse qu’il expose en prenant la parole le dernier, est davantage celle d’observations faites que d’avis antagonistes. Juxtaposées en forme de choix, il présente le bilan du présent et rappelle le but que l’on avait été d’accord pour se proposer. La crise née des opinions divergentes au sein du Bureau Politique National du Parti unique quant aux suites immédiates à donner aux résolutions du Congrès de Mars 1963 le font s’asseoir devant la page blanche du rapport qu’il reçoit mandat d’élaborer le 4 Octobre 1963. L’événement coincide avec un voyage officiel que le Président mauritanien doit accomplir en guinée du 27 Octobre au 3 Novembre.

Jusques là réservé vis-à-vis d’un parti unique et institutionnalisé, Moktar Ould Daddah constate en quelques semaines – qu’il découvre la Guinée ou réfléchisse sur les mœurs politiques de son pays – la nécessité d’une révolution totale allant au fond des mentalités, la nécessité d’une forte organisation centralisée et rassemblant toutes les forces du pays quelles que soientr leur nature et leur statut, la nécessité enfin de remettre à une telle institution tous les moyens de l’Etat. Pour lui-même, c’est une révolution ; l pèse sur combien d’habitudes, de principels il va falloir passer et avec la même rigueur que l’étudiant qu’il était voici peu, il atteint la condition impérieuse qu’il va devoir prêcher : une conversion des esprits, une disponibilité vraie.

L’exposé d’une telle doctrine, il l’entreprend avec les mots du moment, à propos des maux que chacun expérimente à l’instant. Les propositions successives énoncées à Kaédi en Janvier 1964, puis à Aïoun-el-Atrouss en Juin 1966, enfin à Nouakchott en Janvier 1968, les illustrations fournies devant les Commissions nationales en Juillet 1966 ou lors du Conseil national de Mars 1970, les discours prononcés en toute occasion et à travers tout le pays, développeent et dévoilent à petites touches progressives le dessein d’ensemble. Après la Mauritanie fondée et assurée de 1957 à 1963, ce sont les Mauritaniens qu’il faut fonder. A Mauritanie nouvelle, préalable de tout, Mauritaniens nouveaux, gages que ce qui est commencé sera continué.



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En Décembre 1961, peut-être pas consciemment mais en tout cas de manière irréversible, la Mauritanie a choisi l’unité politique. Pourquoi ? Parce qu’il ne saurait exister d’opinions et de visions des choses suffisamment divegentes pour justifier plusieurs partis alors que le minimum reste encore à faire, minimum sur lequel tout le monde est d’accord : la construction nationale. Le multipartisme occidental correspond à une pluralité seulement possible quand un minimum de sécurité, de cohésion, de niveau de vie est atteint et que seul le « superflu » donne lieu à discussion.

Ici, si des divergences se produisent, elles sont davantage des heurts de tempérament, des conflits de moyens – parfois graves –, des discussions de calendrier ou d’opportunité que des mises en question des buts. Il s’agit de personnes ou d’équipes de recchange, non de politiques laternatives. Mieux vaut alors que les abritrages soient faits au sein du mouvement unique, puisque le choix, ( = le parti choisi, le « parti pris ») lui-même ne peut être mis en question. Et que c’est précisément par comparaison des moyens alternatifs proposés par les antagonistes aux fins acceptées de tous que se fera l’option définitive dans une conjoncture donnée. Au Parti donc de définir les fins et de choisir entre les moyens suggérés pour les atteindre.

La même logique amène à poser que l’ensemble des forces autres que traditionnellement « partisans et politiques » conjuguent leurs efforts avec ceux du Parti, non pour définir les fins (elles le sont déjà et ce sont elles qui motivent l’unification) mais pour mettre en œuvre les moyens.

L’Etat lui-même et sa tête gouvernementale n’échappent pas à ce processus d’intégration. Ils sont « politisés » en ce sens qu’ils sont les moyens du Parti. Si l’on entend par politique, les luttes verbales et la curée financière auxquelles se livrent les organisations électorales, cette main-mise du Parti sur l’Etat et le Gouvernement serait au moins choquante. Mais si l’on comprend que politique signifie développement et promotion, il serait au contraire criminel que le Parti néglige l’un des outils les plus assurés que lui ait légués le colonisateur.

Vouloir distinguer syndicats, armée, jeunesse scolaire ou universitaire, masseqs rurales, fonctionnaires de divers cadres, milieux dirigeants, c’est s’en tenir à une vision fragmentaire des choses, c’est croire que chacun de ces groupes possède en propre moyens et fins dans la Mauritanie d’aujourd’hui, alors que c’est leur seule addition, leur seul rassemblement constitutifs du Parti du Peuple Mauritanien qui en dispose.

Cette analyse théorique indique bien la fusion nécessaire de toutes les forces vives du pays orientées vers le développement national ; elle ne facilite pas l’explication des crises éventuelles ni la mise en évidence des courants qui traversent le pays et donc le Parti. Aussi, l’observateur pressé aura-t-il le sentiment qu’en cas de difficulté on revient aux méthodes d’antan et qu’en définitive l’ « on s’appuie sur les forces traditionnelels » : l’administration, les notables, l’armée, voire la centrale syndicale.

Pensant cela, on confond l’aboutissement sans cesse à parfaire d’une évolution qui est autant moyen que fin et le cheminement qui mène à cet aboutissement. Si l’on adopte un point de vue extérieur à la réalité du Parti, autant vaut dire à la réalité mauritanienne d’aujourd’hui, si l’on conitnue d’analyser en termes de forces concurrentes et fragmentées armée, masses rurales, syndicats, fonctionnaires, jeunesse, etc. il est logique que les étapes les plus importantes de la vie nationale perdent de leur signification : l’indépendance est obtenue sans effusion de sang et n’emporte pas la rupture avec l’ancienne méteopole ; les élections présidentielles et législatives se font à liste unique avec des pourcentages de participation impressionnants ; les Congrès voient leurs débats fondés sur le rapport moral du Bureau Politique sortant, rapport conçu et présenté par le Secrétaire Général constamment réélu. Les moyens classiques d’analyse restent inopérants, la vie politique semble stagnante, les changements imperceptibles ou – quand ils se produisent – imprévisibles. Et pourtant il y a lutte, changement et révolution.

C’est que ce point de vue extérieur n’est pas le bon. Plus difficile mais plus fécond est l’examen de la réalité à partir de l’intérieur. Le combat qui se livre n’est pas celui de forces politiques ou l’est peu ; il est celui de forces psychologiques. En tout Mauritanien, existe un anti-Parti et un militant, un homme vieux et un homme nouveau, ou plutôt un homme prisonnier d’habitudes de pensée, d’analyse et d’action ou d’inaction, et un être prenant conscience que ces habitudes doivent changer pour que l’essentiel de sa personnalité s’épanouisse dans un monde changeant.

Les étapes de la Mauritanie nouvelle ne sont pas à chercher dans des dates d’élection ou de congrès ; elles sont à mesurer dans l’esprit de chaque Mauritanien, à la tête de l’Etat ou perdu au fond de la brousse. C’est la découverte progressive de la nécessité quasi-métaphysique de l’indépendance politique, puis économique ; c’est l’expérience que le multipartisme en Mauritanie est vidé de tout sens et de tout élément de progrès ; c’est le choix de plus en plus conscient d’un instrument politisque, puis l’ »laboration d’abord lente et soudain éclatante d’une doctrine du Parti ; c’ests surtout l’adhésion progressive et le débat intérieur de chacun, – chacun à son niveau de compréhension et de culture –, en face du problème du développement.

On ne dira qu’en passant combien un tel débat et une telle prise de conscience pourraient être médités par les « habitants » de beaucoup de pays occidentaux qui ne se sentent ni ne se veulent plus citoyens ou militants de quoi que ce soit.

Dès lors l’indépendance politique, puis l’austérité financière signifient la rupture irréversible du cordon ombilical, même si l’aide étrangère demeure fort importante. Dès lors la participation aux élections manifeste encore plus qu’une réalité : un vœu et une projection sur l’avenir, celui de el’unité – et les congrès sont plus un approfondissement qu’une alternative posée ; mais approfondir est le choix par excellence puisque partant d’une réalité défectueuse on décide de maintenir cette réalité en l’enrichissant au maximum.

Dans la Mauritanie contemporaine, les forces en présence sont donc d’ordre spirituel, ou intellectuel si l’on préfère. Depuis 1958, aucune force d’opposition n’a ambitionné autre chose que d’être admise à dire ouvertement son opposition ; de conquête et de responsabilité du pouvoir, il ne semble pas qu’il en ait été question ni pour la Nahda, encore moins pour certains membres du Bureau Politique National à l’automne 1963 – immobilisés instantanément par le retrait de Moktar Ould Daddah – ou lors des tentatives de partis d’opposition l’été 1964 dont les inspirateurs venaient du Parti et y rentrèrent. Durant les Congrès, les éventuels opposants ne le sont que pour désapprouver non pour revendiquer le pouvoir. Le conflit doit donc se résorber par conversion progressive au point de vue de l’autre ou par accomodement des visions, non par éviction de personnes ou scissions. Il l’est pa approfondissement des positions en présence, par dépassement de chacun de ces positions en direction des fins sur lesquelles on est d’accord. Et la discussion se réinstaure au seul niveau des moyens, du calendrier et de l’autocritique.

Mener le combat d’une manière « classqiue », c’est-à-dire en inventoriant les groupes sociaux et les intérêts en présence, en supputant leurs collusions, c’est aller à l’échec. Car c’est revenir au point de savoir si le Parti sera de cadres ou de masses, si l’on exclura telle ou telle couche soxciale, voire telle étendue géographique. C’est remettre en cause la Mauritanie. Dès 1957, Moktar Ould Daddah en a l’intuition et il place – de plus en plus explicitement à mesure que les années passent et que Nation et Parti deviennent tangibles – l’affrontement dans l’orodre intellectuel et mental : c’est conserver les chances d’unanimité et porter le fer au point précis où le bât blesse : celui des conversions et des approfondissements personnels et intérieurs, – c’est en fin de compte rester fidèle à une manière d’être mauritanienne.

S’il peut ainsi choisir le terrain du combat et y ramener sans cesse les débats et les affrontements, Moktar Ould Daddah le doit à ce qu’il a créé le langage politique de la Mauritanie.

C’est un fait qu’il est le seul à avoir élaboré et à élaborer un corps complet de doctrine politique pour la Mauritanie. La lettre de la Constitution et l’esprit des sgtatuts du Parti le prévoient. Mais ce fait tient essentiellement à ce que depuis treize ans, le même homme est au pouvoir et que le pouvoir s’est créé à partir de peu et en s’appuyant presque uniquement sur cette doctrine. En d’autres termes, Moktar Ould Daddah a été choisi pour être à la tête du Gouvernement mauritanien en 1957 parce qu’il semblait faire la synthèse et la conciliation de toutes les forces alors en présence : autorités colonialesn pesanteurs sociologiques et traditionnelles, nationalisme naissant, petite élite politique déjà en place, fonction publique embryonnaire. Au fond de lui-même, il pensait déjà au-delà de cette synthèse du moment et « voyait » l’identité nationale, la « patrie mauritanienne », ses chances, ses possibilités et sa mission. C’est ce dessein global qui lui a permis de rester le commun dénominateur à chaque étape de la naissance du nouvel Etat, étape marquée chaque fois par de nouveaux affrontements potentiels. Le cheminement de pensée du Chef de l’Etat est donc d’une certaine manière la trame de l’histoire mauritanienne récente et l’homogénéité comme l’unicité d’origine de la vision politique de la Mauritanie en sont la conséquence. C’est par adhésion à cette vision que se sont constituéess jusqu’à présent les équipes gouvernantes et les thèmes présidentiels sont devenuss le programme d’action et la description de l’avenir du pays.

suite et fin de la saisie à suivre

Peut-on alors qualifier de monologue l’élaboration de cette politique et la fromation de ce langage ? Ce serait céder à l’apparence. La Mauritanie est née dans les sprits avant d’exister dans les institutions, dans les faits, dans les comportements. Parce qu’elle a été « vue » par avance et longuement décrite à mesure des premières étapes de la « Loi-Cadre » de l’autonomie interne et des premières années d’indépendance politique, la Mauritanie a pu parvenir à l’existence. Nouakchott même a commencé de naître sur plan avant de s’édifier dans les dûnes et les euphorbes. Moktar Ould Dadda a alors joué un rôle de catalyseur des visions et des espoirs des responsables de l’époque. Il a exprimé et globalisé ce qui était la coversation et le projet quotidiens des éléments les plus lucides de la population encore sous administration coloniale.

Aujoird’hui cette sorte d’écoûte des autres et de traduction d’une attente en programme politique se lue en une explication permanente de l’évolution d’une couche de la société mauritanienne à une autre couche et réciproquement. Le Chef de l’Etat rappelle aux plus pressés les conditions de la masse et aux ruraux les nécessités du monde moderne. Cette « médiatisation » n’a pourtant pas supprimé l’autre fonction intellectuelle du premier responsable mauritanien : celle de préparer constamment l’avenir et d’en penser les moyens.

Le langage politique ainsi créé est polyvalent et « poly-signifiant ». C’est le langage et la pensée d’un seul, mais d’un seul qui se confond avec la création même de l’Etat et de la Nation, Etat et Nation dont les fondements seraient différents – à supposer qu’ils existent – si cet homme n’avait pas été là. C’est un langage parlé au présent, mais toujours en avance de plusieurs années, la vision étant le moyen d’entraîner à la réaliser. C’est un langage qu’il afut déchiffrer à plusieurs niveaux ; il est à prendre au pied de la lettre dans la mesure où il cherche à convertir des mentalités, mais il ests déjà très en avance sur les possibilités immédites de réaliser ce qu’il demande ; il est à penser littéralement si l’on considère qu’il s’adresse à l’ensemble des Mauritaniens, mais il doit être compris non dans sa formulation du moment mais dans la préoccupation qui le motive s’il est médité et étudié par une élite intellectuelle. Il est à prendre dans ses intentions pour les futurs cadres de la Nation et dans ses exhortations pour l’entier de la population.

La dernière et non la moindre des ambivalences de ce langage est qu’il se veut à la fois critique, parfois même autocritique, et en même temps constructeur. Une logique de première vue voudrait que ce ne soit pas le même qui exerce et qui juge ; et certains sont souvent tentés d’adhérer à la critique tout en y trouvant motif de refuser la construction vouée par avance à l’échec puisque les éléments dénoncés par la critique risque de ne pas changer. Et de souligner la plus grande difficulté que soulève le langage politique de la Mauritanie, tel que parlé par Moktar Ould Daddah : celle de thèmes et de propositions sur lesquels chacun est d’accord, mais dont la réalisation pratique laisse toujours à désirer.

On revient alors à ce qui a été envisagé plus hgaut. Les thèmes et propositions du Chef de l’Etat sont bien la matière du seul consensus mauritanien possible ; ils déterminent donc ipso facto l’unicité de mouvement politique et même de langage ; et l’analyse critique de la situation mauritanienne à chaque moment de l’histoire récente est forcément unique elle aussi puisqu’elle se fonde sur l’appréciation des faits rapportés aux buts que l’on s’est fixés. Mais la partie constructive du propos politique et sa réalisation pratique sont du domaine de la conversion des mentalités et du cheminement de chaque individu comme de l’ensemble national. Qu’il s’agisse de déontologie administrative, d’austérité financière, de moralité publique ou privée, de décolonisation des comportements, d’acquisition d’habitudes et de méthodes de travail, d’apprentissage des circuits administratifs ou économiques modernes, c’est toujours à l’esprit qu’il faut s’attacher. En ce domaine, le bilan est longtemps hasardeux et la description de faits négatifs souvent compensés par celle d’éléments positifs.

Au reste, c’est bien par ce langage et par cette pensée que se maintient et que peut agir le pouvoir. La stabilité politique de la Mauritanie n’est pas la conséquence d’un attentisme ou d’un scepticisme dont il serait au contraire facile de profiter pour renverser les institutions existantes. Elle est plutôt le fruit d’une conscience répandue que ce langage et cette pensée sont ce qui convient à la Mauritanie d’aujourd’hui, et pour ceux qui ont de la mémoire, sont ce qui a fait la Mauritaanie nouvelle. En même temps que la Nation, naît une légitimité mauritanienne et c’est en définitive cette logique collective qu’exprime la doctrine édifiée jour après jour depuis 1957 : une suite de constatations très simples qui poussent à une grande ambition, celle d’être un peuple ayant les moyens d’épanouir chacun.


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journal de maintenant - dimanche 28 novembre 2010

l'indépendance - circonstances de sa proclamation : analyses françaises en 1960



Le fait et les circonstances de la proclamation de l’indépendance



Les circonstances de la proclamation de l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie sont tout le contraire d’une opposition franco-mauritanienne. La France souhaite la ratification dans le monde d’une décolonisation pacifique dont elle est aussi fière qu’elle l’est rétrospectivement de son œuvre de plus de cinquante ans sur place. La Mauritanie a plusieurs opinions selon ses régions et ses générations, beaucoup sont encore soucieuses d’intimité avec la France et que continue le passé. La couverture militaire face à la revendication marocaine est essentielle. – Les événements et préoccupations sont donc la subversion marocaine et sa manifestation terroriste, la coexistence frontalière difficile avec l’ex-Soudan français devenu Mali, les éphémérides aux Nations Unies avec leur dénouement inattendu et décevant, enfin la relation très complexe de la Nahda avec le gouvernement présidé par Moktar Ould Daddah. Cette opposition est – à tort – regardée par les observateurs français comme pro-marocaine.


Le transfert des compétences de la Communauté

La négociation est courte. Le 14 Octobre 1960, arrivés à Paris, Moktar Ould Daddah et Sidi el Moktar N'Diaye sont reçus par le Général de Gaulle. Le Premier ministre mauritanien souhaite le transfert des compétences sans le préalable d'accords de coopération ; il l’obtient. Dans la journée du 18 Octobre, à l'Hôtel de Matignon, les négociations franco-mauritaniennes pour le transfert des compétences communes sont surtout l’examen des fururs accords de coopération mais sans paraphe ; y participent : Michel Debré, Jean Foyer, Jacques Foccart du côté français et Moktar Ould Daddah et Sidi el Moktar N'Diaye du côté mauritanien.


COMPTE-RENDU à Monsieur le PREMIER MINISTRE
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J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce que je viens d’avoir une conversation avec Monsieur LIBAUD, Chef de Cabinet de M. le Ministre des Armées. Cette conversation, toute personnelle, a porté sur le déroulement des négociations franco-mauritabnienens qui doivent s’ouvrir le 10 Octobre 1960.
Le Ministre des Armées n’est pas, dans l’organisation actuelle, le responsable de la Défense, celui-ci étant le Chef d’Etat-Major Général.
Il est vraisemblable que le Général NOIRET sera désigné par le Chef d’Etat-Major, pour le représenter au cours des conversations. Si le fait se confirme, c’est, d’après LIBAUD, une excellente chose, le Général NOIRET étant un homme extrêmement compréhensif.
Le Ministre des Armées sera représenté aux conversations par M. LIBAUD et par le Colonel LAMBERTON. Ces deux personnes doivent d’ailleurs se rendre en Mauritanie, ansi que vous en avez convenu avec M. MESSMER et n’attendent, pour le faire, que des précisiuons sur la date à la quelle vous désirez leur voir effectuer ce déplacement.
Le Ministre des Armées, pour des raisons personnelles, ne désire pas voir son rôle mis en avant au cours des conversations, mais il reste entendu qu’il est absolument décidé à appuyer directement, auprès du Premier Ministre de la République Française, les demandes de la Délégation Mauritanienne.
PARIS, le 11 Août 1960


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ACCORD PARTICULIER
portant transfert des compétences de la Communauté

Le Gouvernement de la République française, d’une part,
Le Gouvernement de la République islamique de Mauritanie, d’autre part,
Vu l’article 86 (alinéa 3) de la Constitution du 4 octobre 1958, complétée par la loi constitutionnelle du 4 juin 1960,
Sont convenus de ce qui suit :
Art. 1er. – La République islamique de Mauritanie accède en plein accord et amitié avec la République française à la souveraineté internationale et à l’indépendance par le transfert des compétences de la Communauté.
Art. 2. – Toutes les compétences instituées par l’article 78 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont pour ce qui la concerne transférées à la République islamique de Mauritanie dès l’accomplissement par les parties contractantes de la procédure prévue par l’article 87 de ladite Constitution.
Fait à Paris, le 19 octobre 1960.
Le Premier ministre de la République française,
Michel Debré
Le Premier ministre de la République islamique de Mauritanie
Moktar Ould Daddah


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Lettre du Haut-Commissaire représentant le Président de la Communauté et de la République française au Premier ministre mauritanien

Saint-Louis, 23 Novembre 1960

annoté de Moktar Ould Daddah
M. Larue m’en parler 24 . 11 – 60

SECRET
n° 0700
Monsieur le PREMIER MINISTRE DE LA REPUBLIQUE
ISLAMIQUE DE MAURITANIE

NOUAKCHOTT

Echange des instruments
de ratification de l’Accord
de Transferts des Compétences
Communes.
Monsieur le Premier Ministre,

Sur la demande du Gouvernement Français, j’ai l’honneur de soumettre à votre appréciation un projet de procédure concernant l’échange des instruments de ratification que vous avez bien voulu prévoir pour le 27 Novembre prochain à 11 heures.
A l’heure fixée, les représentants des deux Etats pourraient échanger des lettres notifiant que chacun des
Pièces jointes : 5 Gouvernements a accompli en ce qui le concerne les procédures requises par l’article 87 de la Constitution d’Octobre 1958, c’est-à-dire les ratifications de l’Accord de Transfert par les deux Parlements. Vous trouverez ci-joint le type de correspondance qui a déjà été employé, en l’occurrence, par les autres Etats de la Communauté et la France. (Annexe n° 1)
Je dois toutefois porter à votre connaissance une varbiante qui a été adoptée à la demande du Gouvernement du MALI. Celui-ci ayant tenu à ce que l’échange d’instruments de ratification revête une forme particulièrement solennelle, les lettres du modèle ci-dessus indiqué ont été remplacées par des actes de notification (Annexe n° 1 bis).
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire connaître laquelle de ces deux suggestions recueille votre préférence, l’échange de ces documents, quelle que soit leur forme, devant être constaté par un procès-verbal qui, établi en double original, sera signé le même jour par les deux parties.
Le jour de la proclamation de l’Indépendance, le Ministre des Affaires Etrangères de la République Française notifiera l’Indépendance de la République Islamique de Mauritanie aux Chefs de Mission accréditées à PARIS (Annexe n° 3). Mais, comme vous le savez, c’est à votre Gouvernement qu’il appartiendra, une fois acquise l’Indépendance, de saisir le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies aux fins d’admission de votre Etat à l’O.N.U. J’ai l’honneur de vous soumettre ci-joint, à cet effet, un projet de lettre (Annexe n° 4) qui s’inspire de précédents récents. En effet, aux termes du Règlement du Conseil, la demande d’admission doit contenir une déclaration, faite dans un instrument formel, par laquelle l’Etat intéressé accepte les obligations de la Charte. Dans la pratique, le Secrétariat accepte que cette déclaration soit incluse dans le texte de la demande elle-même. Certains Etats qui, récemment, ont omis de satisfaire à cette disposition ont eu par la suite de nombreuses difficultés avec le Secrétariat Général de l’Organisation internationale.
L’Etat candidat adresse lui-même sa demande au Secrétariat Général, éventuellement par câblogramme. Il n’y a cependant pas d’inconvénient à ce que, pour acheminer leur lettre par les voies les plus rapides, les Etats utilisent l’entremise de la Mission Permanente de la France à l’O.N.U. En tout état de cause, le Gouvernement Français serait heureux que vous l’avertissiez de l’envoi de votre demande, afin de permettre à la France de parraîner la candidature de la Mauritanie.
Je vous prie, Monsieur le Premier Ministre, d’agréer les assurances de ma haute considération.

Pierre ANTHONIOZ


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LE GENERAL DE GAULLE

Ancien et noble pays, la Mauritanie accède aujourd’hui à la souveraineté internationale en confiante et fraternelle amitié avec la France.
La République française et la République Islamique de Mauritanie resteront fidèles l’une à l’autre, fières de leur passé valeureux, sûres de leur avenir solidaire et prospère.
J’adresse au peuple mauritanien mon salut et les vœux de la France.
Vive la Mauritanie.
Vive la France.

Signé : CH. de GAULLE




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Les circonstances de la proclamation de l’indépendance,
analysées par le représentant de la France
pour l’ensemble du pays


Il s’agit de synthèses mensuelles ou bi-mensuelles que tient le Haut-Commissariat puis l’Ambassade : elles sont adressées à Paris : notamment à l’Elysée, au Quai d’Orsay et rue Monsieur. Les signataires sont Pierre Anthonioz et son adjoint Henri Bernard. Anthonioz – particulièrement apprécié par Moktar Ould Daddah – est de la France d’Outre-Mer. Né le 7 Janvier 1913, il a surtout un grand passé dans la France libre, grand-croix de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945 : un baroudeur qui a servi au Soudan et au Niger avant et pendant la guerre, mais aussi un amoureux du Pacifique (commissaire aux Nouvelles Hébrides dont il recevra beaucoup de visites pendant son affectation mauritanienne). Il est le premier ambassadeur de France à Nouakchott, alors que Moktar Ould Daddah souhaitait que l’ancien Haut-Commissaire n’en fasse pas office afin que le changement soit bien marqué : Paris s’y refusa. Par la suite, il sera ambassadeur en malaisie, au Ghana à Cuba et au Sri Lanka. Henri Bernard, né le 20 Septembre 1920 est aussi de la France d’Outre-Mer : Côte d’Ivoire et Niger avant d’être le dernier secrétaire général du Territoire en 1958, suppléant avec souplesse au gouverneur Mouragues. Il sera ensuite aux Comores, en Guine équatoriale et au Burundi, familier des cabinets ministériels. Tous deux sont de la même génération ou à peu près que Moktar Ould Daddah, et très à l’aise en Mauritanie qu’ils aiment.


Synthèse Générale n° 10
Période du 1er au 15 Novembre 1960.

SECRET – n° 0207

La nervosité et la déception qui perçaient dans les dernières déclarations marocaines relatives à la Mauritanie ont sans doute poussé les autorités de RABAT aux solutions extrêmes. En effet, le Député-Maire d’ATAR, ABDALLAHI OULD OBEID, a été assassiné le 8 Novembre, et il semble bien que l’initiative de l’attentat ait été prise au MAROC. Loin de provoquer le désarroi que ses auteurs avaient probablement escompté, ce rime a suscité de la part du Gouvernement de NOUAKCHOTT des réactions immédiates et efficaces. Il n’est pas impossible, en outre, que cet acte de terrorisme ait pesé sur la décision prise tout récemment par les deux principaux leaders de la NAHDA qui viennent, dans une volte-face inbattendue, de se rallier à la politique du Président MOKTAR OULD DADDAH. Enfin la position mauritanienne, déjà considérablement renforcée par les résultats de la Conférence d’Abdijan et l’annonce du soutien accordé par la TUNISIE, vient de recueillir à TUNIS les suffrages des Syndicats Africains, qui ont en même temps condamné avec une impressionnante unanimité les prétentions Marocaines.

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Au cours de la première semaine de Novembre, l’attention générale, qui n’était pas encore sollicitée par la situation intérieure, s’est portée sur les réactions Marocaines à l’annonce que la TNUNISIE soutenait désormais la thèse Mauritanienne. Surprise, déception, amertume, telles sont les impressions qui se sont dégagées de la lecture de la presse Chérifienne qui, dans son ensemble, a invoqué la solidarité du Maghreb Arabe pour condamner la position Tunisienne à l’égard d’un pays Africain qui n’a justement jamais fait partie du Maghreb. Ces commentaires qui ne sauraient surprendre, ont pris un tour plus insidieux lorsque certains journaux, prenant prétexte des risques que ferait courir à l’unité du Maghreb l’attitude Tunisienne, en sont arrivés à invoquer l’affaire d’ALGERIE. Esquissé par la presse, le nouveau thème de la propagande de RABAT a été précisé par M. ALAOUI, Ministre de l’Information, dans son dernier communiqué : « L’attitude de la presse Tunisienne – a-t-il dit – est indéfendable. Elle n’est pas maghrébine. Vouloir sacrifier la Mauritanie au nom de l’Algérie ne trompe personne. Travailler pour la libération de la Mauritanie, c’est également lutter pour l’Algérie et l’édification du Maghreb Arabe ». Cela signifie, en d’autres termes, que celui qui soutiendrait l’indépendance Mauritanienne, s’affirmerait contre l’indépendance Algérienne. Il est douteux qu’une dialectique aussi paradoxale parvienne à ébranler ceux qu’elle s’efforce de convaincre, en premier lieu la Tunisie et les Etats africains d’expression française dont l’unanimité sur le problème mauritanien vient d’ailleurs se trouver consacrée. La GUINEE a en effet répond par l’affirmative à l’invitation de NOUAKCHOTT pour les fêtes du 28 Novembre.

Ainsi, malgré l’affaiblissement d’une position qui n’a cessé de se dégrader depuis la publication des motions de la Conférence d’ABIDJAN, le MAROC s’est enfermé dans une attitude intransigeante que le Souverain lui-même a fait sienne. Dans un geste qui semble comme un défi lancé aux partisans africains d’une Mauritanie indépendante, le Sultan a nommé Ministre d’Etat, l’ex-Emir du Trarza, MOHAMED FALL OULD OUMEIR. Estimant enfin que la propagande habituelle ne saurait plus suffire à troubler l’opinion, les autorités chérifiennes semblent bien avoir déclenché ou tout au moins encouragé l’implantation d’une action terroriste en Mauritanaie.

Le Député-Maire d’ATAR, ABDALLAHI OULD OBEID a été tué le 8 Novembre à 20 heures dans la rue principale du Ksar de NOUAKCHOTT d’une balle de pistolet 7,65 tirée à bout portant dans le dos. Le meurtre a été commis alors que OULD OBEID sortait de l’échope d’un boutiquier chez lequel il venait de rédiger la communication qu’il devait lire le lendemain à la Radio.

Bien qu’il ait encore été impossible de se procurer les bulletins d’écoute de Radio-Rabat relatifs à la période qui a précédé le meurtre, il est probabale que l’annonce marocaine pourra être bientôt vérifiée.

Au cours d’une entreveu le 15 Novembre à NOUAKCHOTT, le Président MOKTAR m’a affirmé que la Radio Marocaine avait annoncé, puis démenti deux jours après cette exécution, en précisant que le premier attentat avait été manqué, mais que le second atteindrait son but.

Plusieurs témoins auraient en effet affirmé avoir entendu au cours de la soirée du samedi 5 Novembre dans la grand’rue du village un coup de feu au moment précis où ABDALLAHI OULD OBEID passait au milieu des promeneurs habituels. Ce dernier ne sse serait même pas douté de la tentative et la détonation aurait été attribuée par les témoins au pétard d’un enfant.

D’autre part, le communiqué officiel publié à la suite de l’assassinat du Député de l’ADRAR a fait état de déclarations de la Radio Marocaine sur un ton tellement formel que l’on peut être à peu près certain que plusieurs Mauritaniens de la Capitale ont entendu annoncer la mort d’OULD OBEID avant que celui-ci ait été turé. « Radio-Rabat – dit le communiqué de NOUAKCHOTT – a annoncé depuis plusieurs jours l’assassi,at de ABDALLAHI OULD OBEID. Les responsabilités de ce lâche assassinat sont donc clairement établies. Le Gouvernement Marocain tente aoinsi d’intimider l’opinion publique Mauritanienne en inspirant des actes de terrorisme. De tels actes soulèvent la réprobation générale et vont à l’encontre du but recherché. Ils ne peuvent que confirmer la volonté du peuple mauritanien de défendre l’indépendance nationale ».

L’hypothèse d’un assassinat organisé à partir du MAROC paraît d’autant plus vraisemblable que les transfuges Mauritaniens et les dirigeants Marocains avaient évoqué depuis longtemps cette éventualité. Par des actions terroristes ils espèrent en effet non seulement frapper l’opinion, impressionner le Gouvernement et fléchir sa résolution, mais aussi démontrer à l’étranger que le peuple Mauritanien n’hésite pas à recourir aux moyens les plus extrêmes pour obtenir la réalisation « de ses aspirations fondamentales ».

Cependant les aurorités de NOUAKCHOTT ont conservé tout leur sang froid. Le Conseil des Ministres s’est réuni le lendemain de la mort d’ABDALLAHI OULD OBEID et a arrêté les mesures suivantes :
– 1 – Perquisitions systématiques dans toutes les subdivisions au domicile des éléments Nahdistes.
– 2 – Contrôle rigoureux des militants. Ceux-ci devront se présenter matin et soir aux autorités du lieu de résidence.

– 3 – Les Chefs de Circonscription ont reçu toute latitude pour placer en résidence surveillée les activistes locaux qui leur paraîtraient dangereux.

– 4 – Expulsion, dans un délai de 24 heures, de tous les ressortissants Marocains d’ATAR et ROSSO. Des mesures conservatoires seront prises pour préserver leurs biens qui seront placés sous scellés.

– 5 – Dans tous les autres Cercles, l’expulsion des ressortissants Marocains a été également décidée. Elle ne pourra toutefois s’effectuer dans des délais aussi brefs, et certaines exceptions pourront être proposées au Gouvernement par les Chefs de Circonscription.

– 6 – Des postes de contrôle routier ont été mis en place à l’entrée et à la sortie de NOUAKCHOTT.

– 7 – Tous les activistes NAHDA de la Capitale, une vingtaine de militants environ, ont été arrêtés. Ils seront placés en résidence obligatoire à AKJOUJT.

Le meurtrier a pu s’enfuir à la faveur de la nuit et les recherches n’ont jusqu’à présent pas abouti. Elles s’orientent bien entndu vers les milieux nahdistes de NOUAKCHOTT, mais aussi vers les ressortissants de la Tribu SMACID d’ATAR à laquelle appartenait le défunt. Une partie importante de ce groupement qui se réclame du transfuge DEY OULD SIDI BABA – lui-même SMACID – était en effet violemment et depuis longtemps opposée au nouveau Maire d’ATAR, et il est possible que les instigateurs du meurtre, utilisant une haine traditionnelle pour préparer un crime politique, aient recruté un homme de main dans cette Tribu dont par ailleurs les attaches et les alliances avec le Sud Marocain sont connues.

La nouvelle de l’attentat, une fois passé le premier moment de stupeur, a suscité la réprobation générale des milieux officiels. On s’indigne d’un acte que l’on dit contraire aux mœurs Mauritaniennes. Un certain flottement et de l’inquiétude sont perceptibles au sein de la population de NOUAKCHOTT. Pour la rassurer autant que par mesure de sécurité les patrouilles qui parcourent la ville ont été renforcées et les Groupes Nomades qui doivent participer au défilé du 28 Novembre ont reçu l’ordre de gagner au plus tôt les environs de la Capitale.

L’attentat perpétré contre le Député d’ATAR a ramené l’attention sur un incident qui avait été interorété au moment où il s’est produit comme la vengeance banale d’un ancien condamné contre celui qui l’avait arrêté. Le vendredi 4 Novembre, à 20 h 30, un inconnu a tiré un coup de fusil de chasse sur le gendarme VINCENT, Chef de la Brigade de KIFFA. Ce dernier, gravement blessé à la cuisse, a été évacué sur SAINT-LOUIS et les recherches entreprises pour retrouver le coupable sont jusqu’à ce jour demeurées vaines. L’enquête a repris sur de nouvelles bases. Bien que rien ne permette de le penser, on peut se demander en effet si cette agression n’était pas la première manifestation d’une série d’actes de terrorisme dont la liste a peut-être été arrêtée par les transfuges installés au MAROC, comme le laissent entendre les rumeurs qui circulent à NOUAKCHOTT au sujet d’une liste « hommes à abattre » publiée par la radio marocaine, en tête de laquelle viendraient sucessivement les noms de ABDALLAHI OULD OBEID, MOKTAR OULD DADDAH eyt SIDIYA, Speaker à la Radio Mauritanienne. Il faut préciser à cet égard qu’à aucun moment le nom d’un européen n’a été prononcé par Radio-Rabat.

Quoi qu’il en soit Gouvernement et Assemblée s’efforcent d’offrir au londe extérieur un spectacle de travail et de sérénité.

Le 9 Novembre, au lendemain-même de l’attentat contre ABDALLAHI OULD IBEID, les Députés ont approuvé debout et par acclamations le projet de loi portant approbation de l’accord signé le 19 Octobre 1960 entre le Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie et celui de la République Française, portant transfert des compétences de la Communauté. A cette occasion le Président de l’Assemblée Nationale et le Premier Ministre ont réaffirmé avec force leur foi dans l’indépendance de la Mauritanie et leur hostilité aux prétentions Marocaines.

La nomination de Monsieur DEYINE, Ministre de l’Education Nationale au poste de Ministre de l’Intérieur a été rendue publique. Celui-ci a choisi comme Directeur de Cabinet l’Administrateur AHMED OULD BAH, dont le caractère et la fermeté se sont affirmés à plusieurs reprises au cours des commandements qu’il a assumés, à KIFFA et NEMA notamment. On sait que la charge de l’Intérieur avait jusqu’ici été assurée par le Premier Ministre lui-même, assisté d’un Directeur de l’Intérieur, M. BOURGAREL. Monsieur DEYINE conserve en outre le Portefeuille de l’Education, de la Jeunesse et de l’Information.

Le Conseil des Ministres a d’autre part donné son approbation aux nominations suivantes :
– SAMORY OULD BIHA, Commandant de Cercle de NEMA ;
– DEYE OULD BRAHIM, Commandant de Cercle d’AKJOUJT ;
– AHMED OULD MOHAMED SALAH, Commandant de Cercle de Tidjikja ;
– SID AHMED OULD MOHAMED, Commandant de Cercle d’ALEG ;
– HAMADA OULD ZEIN, Chef de la Subdivision d’AIOUN ;
– AHMED OULD MOHAMED LAGHDAF, Chef de la Subdivision nomade de NEMA ;
– KANE AMADOU, Adjoint du Commandant de Cercle de ROSSO ;
– BASTOUIL, à la disposition du Ministre de l’Economie rurale.

Ainsi, le Gouvernement a poursuivi sa tâche sans se laisser intilider. Ce calme et cette confiance sont d’ailleurs d’autant plus justifiées que les nouvelles parvenues de l’extérieur ont confirmé le progrès considérable accompli par la thèse Mauritanienne dans l’opinion mondiale.

Lors de la réunion du 8 Novembre à TUNIS de la Conférence Syndicale Africaine, un Mauritanien, M. FALL MALICK, a été proposé pour le poste de Vice-PréSIDENT ; Il aurait été probablement élu s’il n’avait lui-même fait remarquer que la demande d’adhésion de son organisation à la C.I.S.L. n’était pas encore officiellement ratifiée. Cette élection aurait permis à la Mauritanie de faire avant l’heure, et dans l’une des capitales du Monde Arabe, son entrée sur la scène internationale. Bien que le projet n’ait pu aboutir, le fait qu’il ait été proposé atteste que le monde Africain du travail, qui n’avait pas eu jusqu’à présent l’occasion de faire entendre sa voix, apporte à la Mauritanie un soutien qui sera particulièrement appréciable.

La position des Délégués à la Conférence Syndicale s’est encore affirmée avec force le 12 Novembre lorsqu’après avoir condamné l’ « immixtion inadmissible » du Gouvernement chérifien dans le domaine Syndical » ils ont adopté une résolution appelant tous les travailleurs Africains à saluer l’Indépendance de la Mauritanie comme « une spectaculaire victoire des Syndicats Africains dans leur lutte conbstabte pour libérer le Continent de toute domination colonialiste et impérialiste ».

Les délégués Maricains furent seuls à voter contre la résokution. Encore devaient-ils spécifier dans le même temps – comme s’ils étaient gênés d’obéir à des instructions qu’ils n’approuvaient pas – qu’ils n’étaient pas opposés à l’accession de la Mauritanie à l’indépendance. Ce nouvel échec a dû être ressenti à RABAT avec une amertume comparable à celle qui avait accueilli la prise de position Tunisienne car les délégués Algériens eux-mêmes se sont prononcés pour l’indépendance de la Mauritanie etr se sont abstenus au moment du vote. La position formelle adoptée par les Délégués à la Conférence Intersyndicale est d’autant plus opportune que la Commission Politique à l’O.N.U. a décidé le 10 Novembre d’aborder le 15 la question de la République Islamique de Mauritanie, et que les autorités de RABAT ont décuidé à leur tour d’envoyer des Missions dites « d’amitié et de bonne volonté » chargées d’exposer aux Gouvernements le point de vue marocain. Ces délégations sont digigées par les personnalités suivantes :

Asie – Moyen-Orient : M. ALLAL EL FASSI, Président de l’Istiqlal ;
Europe : M. BALAFREJ, ancien Ministre des Affaires Etrangères ;
Amérique : M. ABDEL KADER TORRES ; ancien Président du Parti Réformiste du Nord.

Quant à la Mission « Afrique », elle a à sa tête M. ABDELKEBIR MEHDI EL FASSI, Ambassadeur à BONN, et compte parmi ses membres le transfuge Mauritanien MOHAMED EL MOKTAR OULD BAH, Directeur de la Radiodiffusion Marocaine.

De leur côté, les Délégations envoyées par le Gouvernement Mauritanien en Afrique et en Amérique du Sud s’apprêtent à rejoindre NOUAKCHOTT, leur mission remplie. Avant de regagner PARIS où il a été chargé de représenter son pays à la Conférence réunissant les Etats Africains d’expression Française devenus indépendants en vue d’étudier dans quelles conditions ils pourraient demeurer associés à la Communauté Economique Européenne, M. CHEIKHNA OULD MOHAMED LAGHDAF, Ministre de la Justice, a confirmé à Mexico que les Nations de l’Amérique Latine donneraient leur appui à la Mauritanie. De son côté, M. BA MAMADOU SAMBA BOLI, Ministre du Plan, qui a fait le tour de toutes les capitales des Etats Indépendants d’Afrique Noire, a eu l’occasion de me préciser à son passage à SAINT-LOUIS combien il était satisfait de l’accueil qui lui avait été réservé et des appuis qu’il avait recueilli partout.

Enfin il faut noter que trois jours avant la sortie du Livre Blanc Marocain, le 10 Novembre, la Délégation officieuse de la Mauritanie à NEW-YORK a publié un Aide-Mémoire dans lequel l’argumentation marocaine s’est trouvée refutée par avance.

Les travaux de la Commission Politique de l’Assemblée Générale de l’O.N.U., en prévision desquels les Marocains ont envoyé à NEW-YORK une délégation « Mauritanienne » sous la direction de HORMA OULD BABANA, ne manqueront pas d’être influencés par un événement assez inattendu. Il s’agit du ralliement des deux plus importants leaders du part pro-Marocain de la NAHDA placés en résidence surveillée à TICHITT depuis le 12 Septembre, MM. BOUYAGUI OULD ABIDINE, Président, et BAMBA OULD YEZID, Secrétaire de l’Organisation Féminine. Dans un télégramme adressé le 14 Novembre au Premier Ministre, ils ont félicité ce dernier de son action pour l’indépendance, rejetté les prétentions marocaines, condamné tous actes pouvant porter atteinte à l’Ordre public et se sont placés à la disposition du Gouvernement « pour contribuer à l’édification de la Nation et à la sauvegarde de l’intégrité territoriale de la Patrie Mauritanienne ».

A NOUAKCHOTT, où ces deux messages ont produit une forte impression tant dans les milieux gouvernementaux que dans l’opinion publique, ont s’est félicité d’un ralliement qui, intervenant quelques semaines seulement après celui de l’U.N.M., constirue un démenti flagrant aux allégations des autorités de RABAT et des transfuges Mauritaniens. On n’en demeure pas moins réservé sur les mobiles profonds d’une volte-face tardive autant que spectaculaire. Il est possible que les deux leaders, effrayés par les dangers que ferait courir au pays la généralisation des attentats, aient sincèrement opté pour la politique gouvernementale. Ou bien ont-ils estimé plus prosaïquement que la partie étant perdue pour le MAROC, il était temps pour eux, s’ils voulaient se ménager la clémence et plus tard les faveurs du pouvoir, de faire amende honorable. Il n’est pas exclu enfin – et c’est l l’opinion du Premier Ministre MOKTAR OULD DADDAH – qu’ils aient eu l’arrière-pensée de se soumettre apparemment pour reprendre leur action d’opposition quand les circonstances seront devenues plus favorables. Peu importent d’ailleurs dans l’immédiat les mobiles réels de leur décision. Seul compte le résultat, qui est la neytralisation ou tout au moins l’affaiblissement de la NAHDA, qui constituait jusqu’ici en territoire mauritanien la tête de pont indispensable à la réalisation des plans Marocains.

. . . Pierre ANTHONIOZ


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Synthèse Générale n° 11
Période du 15 au 30 Novembre 1960.

SECRET – n° 0223

Les fêtes qui ont marqué l’accession de la République Islamique de Maritanie à l’indépendance se sont déroulées à NOUAKCHOTT les 27 et 28 Novembre, selon le programme ci-joint (annexe n° 1), en présence de M. le Premier Ministre de ka République Française, de M. le Secrétaire d’Etat FOYER et de M. le Secrétaire Général FOCCART. Trentew-cinq délégations étrangères – dont trente-deux envoyées par des Etats membres de l’O.N.U. – assistaient aux cérémonies (cf. annexe n° 2). Il faut ajouter à cela que le Gouvernement Mauritanien avait auparavant reçu des messages de reconnaissance formelle ou de félicitations de trente-six nations, dont vingt n’étaient pas représentées à NOUAKCHOTT pendant ces deux de festivités. On peut donc dire qu’outre la France cinquante-deux pays, appartenant aux Nations Unies, ont manifesté soit par leur présence, soit par télégramme ou par lettre, leur désaccord avec la thèse marocaine.

Une sérieuse réserve doit néammoins être faite en ce qui concerne l’U.R.S.S. En effet, M. KROUCHTCHEV a adressé au Chef du Gouvernement Mauritanien le message suivat, qui manque quelque peu de netteté et qui corresopond assez bien à l’attitude ondoyate de la Délégation soviétique lors des récents débats de l’O.N.U. :

« Le jour où la Mauritanaie fait ses premiers pas verssa libération du joug colonial, j’adresse au peuple de MAURITANIE les salutations cordiales et les leilleurs vœux du peuple de l’U.R.S.S., du Gouvernement et de moi-même. S’inspirant constamment des principes léninistes de la politique extérieure, respectant profondément les aspirations des peuples à un libre développement, le Gouvernement de l’U.R.S.S. exprime la certitude que la population de la Mauritanie obtiendra le succès dans cette noble cause. Je souhaite au peuple mauritanien bonheur et prospérité. Nikita KROUCHTCHEV ».

Il n’a pas échappé au Gouvernement de Nouakchott que ce télégramme ne parle que d’ « un premier pas vers la la libération du joug colonial », et que les vœux et les salutations qu’il comporte ne s’adressent pas aux dirigeants, mais au peuple mauritanien. Néammoins, M. MOKTAR OULD DADDAH a tenu à répondre au leader soviétique en affectant de croire que celui-ci a formellement reconnu la souveraineté internationale de la MAURITANIE, et il l’a remercié des vœux qu’il a bien voulu lui faire parvenir à l’occasion de l’accession de son pays à l’indépendance.

Certes, l’Ouest a mis plus d’empressement que l’Est à reconnaître la souveraineté mauritanienne et les premiers Etats qui aient établi des relations diplomatiques avec NOUAKCHOTT – France, U.S.A., Grande-Bretagne et ALLEMAGNE FEDERALE – sont tous quatre des piliers de l’Occident. Il est vrai, également, que dans le Groupe Afro-Asiatique un pays aussi important que l’INDE, n’est pas encore sorti de l’expectative, et que les membres de la Ligue arabe se sont solidarisés avec le MAROC.. Mais la SOMALIE et, surtout, la TUNISIE ont ewnvoyé des représentants à Nouakchott, et M. BOURGUIBA a non seulement pris position en faveur de la République Islamique, mais est allé jusqu’à accorder son parrainage à ce nouvel Etat pour son admission à l’O.N.U. Aussi le Chef de la Délégation Tunisienne, M. MASMOUDI, a-t-il été l’objet d’un accueil particulièrement enthousiaste de la part des dirigeants locaux et de la foule.

D’ailleurs, après le méchoui offert par le Premier Ministre le 27 Novembre à 13 heures, M. MASMOUDI a fait aux reporters français et étrangers, dans notre langue, une déclaration extrêmement aimable pour le peuple mauritanien et aussi, il faut bien le dire, pour la France, « à la générosité de laquelle la MAURITANIE devait de fêter, après les autres Etats de la Communauté, un si grand jour ». Il est vrai qu’il a ajouté que nous ne saurions nous arrêter en si bon chemin et que nous nous devons de libérer « tous les peuples d’Afrique encore placés sous notre tutelle ». il ne semble pas qu’il en reste beaucoup, ce qui rend l’allusion de M. MASMOUDI très transparente en dépit de sa courtoise discrétion.

Déjà encouragé par la prise de position tunisienne et par les nombreuses marques de sympathie qui lui étaient parvenues du monde entier, M. MOKTAR OULD DADDAH a accueilli avec joie, le 27 Novembre, l’annonce de l’échec subi par le MAROC à l’O.N.U., à propos de l’amendement indien repris par l’IRAK, le vote intervenu sur cet amendement démontrant l’impuissance du Gouvernement Chérifien à réunir une majorité sur un texte qui, si peu que ce soit, mettrait en doute la pleine capacité de la Nation mauritanienne.

Aussi est-ce dans une atmosphère de joyeuse détente que les invités de la République Islamique ont vécu ces deux jours. L’enthousiasme de la masse a pu étonner ceux qui, connaissant les Maures, savent qu’ils sont toujours aimables, souvent enjoués, mais très rarement bruyants. La foule était nombreuse, le service d’ordre ayant visé à la discrétion dans l’efficacité, et les visiteurs les plus malveillants pourront difficilement prétendre qu’une ambiance policière aura pesé sur les festivités. Les organisateurs, étant donnés les moyens réduits qu’ils ont gtrouvés sur place dans cette capitale en chantier, ont obtenu des résultats remarquables, que la plupart des Délégations se sont plues à reconnaître.

A tout instant et partout le Président de la Communauté, la France et ses représentants ont été l’objet de la sympathie et, il faut le dire, de la reconnaissance des Mauritaniens et de leur leaders. Après la cérémonie intime de l’évhange des instruments de ratification, la réunion de l’Assemblée, en présence d’une foule considérable, a donné lieu à une manifestation d’amitié franco-mauritanienne qui – de source sûre – a beaucoup impressionné les visiteurs. Le discours du Premier Ministre Français, ceux du Président SIDI EL MOKHTAR et du Premier Ministre Mauritanien en ce qu’ils comportaient d’hommages à la France et à son Chef ont soulevé des applaudissements dont la spontanéité ne fait aucun doute.

Dans les autres centres de la MAURITANIE les fêtes de l’Indépendance ont été célébrées dans des conditions qui sont encore mal connues. On sait seulement que tout s’est bien passé partout, même à ATAR où pourtant on aurait pu s’attendre à des manifestations de mauvaise humeur de l’opposition nahdiste.

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Les derniers invités repartis, M. MOKTAR OULD DADDAH a dû être de nouveau absorbé par les nombreux problèmes qui se posent à lui sur les plans extérieur et intérieur.

Du point de vue extérieur, la première question à résoudre est celle de l’admission de la République Islamique à l’O.N.U. Certes, la thèse marocaine n’a pas recueilli l’adhésion des Nations Unies. Mais il reste encore à savoir – et c’est là une affaire quelque peu différente – si la candidature Mauritanienne rencontrera la faveur du Conseil de Sécurité. Sans attendre que ce Conseil se soit prononcé, le Premier Ministre, accompagné d’une délégation d’une vingtaine de membres, a quitté NOUAKCHOTT le 30 Novembre pour DAKAR, d’où il repartira pour NEW-YORK dans la nuit du 2 au 3 décembre.

Un autre problème, qui ne paraît pas près d’être résolu, est celui des relations frontalières de la MAURITANIE et du SOUDAN. Le 17 Novembre, un nouvel incident est venu aggraver la tension entre les deux Etats. Trois Maures s’étant présentés à TIEKKI pour y reprendre de jeunes servantes en fuite ont été maîtrisés par les serviteurs du village et conduits aux autorités soudanaises de NARA. Informés du fait, les hommes de leur campement ont monté contre les serviteurs récalcitrants une expédition punitive qui a fait huit morts et une vingtaine de blessés.

Le village et le puist de TIEKKI, qui appartiennent à la fration émirale des OULAD MAHMOUD, se trouvent en MAURITANIE, à six ou sept kilomètres au nord de la fronitère, toutefois les terrains de cultures dépendant du village s’étendent jusqu’au SOUDAN. Il semble que la bagarre ait eu lieu en territoire soudanais.

Venu sur les lieux, M. FADALA KEITA, Commandant du Cercle de NARA, y a rencontré M. MOHAMED LEMINE SAKHO, Chef du poste administratif de RAS-EL-FIL dont dépendent les ULAD MAHMOUD, qu’accompagnaient le Chef de Brigade de Gendarmerie de NEMA et le Chef Général des OULAD MAHMOUD, AHMED OULD MOKHTATR. M. FADIALA KEITA s’est fait remettre le Chef Général AHMED OULD MOKHTAR qu’il a emmené à NARA pour l’entendre. Celui-ci n’est toujours pas revenu en MAURITANIE, ce qui n’a pas manqué de mécontenter les Maures du HODH.

Cette affaire, la plus importante de celles qui ont troublé les confins soudano-mauritaniens depuis le début de l’année, est survenue à un moment particulièrement inopportun. Le Gouvernement Soudanbais recevait en effet, au même moment, en visite officielle à BAMAKO, les Présidents NKRUMAH et SEKOU TOURE, et l’annonce de l’événement n’aura pas manqué de produire sur les invités Ghanéens et Guinéens un effet assez fâcheux. Peut-être même est-ce pour cette raison que le Chef du Gouvernement du GHANA, qui devait tout d’abord assister en personne aux Fêtes de NOUAKCHOTT, a renoncé à faire personnellement le voyage et a désigné à sa place un membre du Parlement, M. SALIFOU YAGOUBOU.

M. MODIBO KEITA a pour sa part écrit aussitôt au Président MOKTAR OULD DADDAH une lettre de protestation dans laquelle, après quelques considéraions sur l’incapacité pour la MAURITANIE Indépendante d’affirmer son autorité sur certains de ses ressortissants, il menaçait de remettre en question les rapports entre les deux Pays si de tels incidents venaient à se reproduire et annonçait qu’il supprimait l’envoi d’une délégation Malienne à NOUAKCHOTT pour les fêtes du 28 Novembre. Maître MOKTAR OULD DADDAH a prudemment répondu que les renseignements en sa possession ne correspondaient pas exactement aux faits invoqués par le Premier Soudanais, et proposé une rencontre à l’échelon des Ministres des Affaires Etrangères après les Fêtes de l’Indépendance. Nullement apaisé par cette réponse, le Chef du Gouvernement Soudanais a rétorqué qu’une rencontre de ce genre ne saurait être envisagée « tant que la MAURITANIE n’aurait pas rendu les cinquante enfants qui avaient enlevés lors de l’affaire TIEKKI ».

Comme on a pu le remarquer, des conflits incessants entre le MALI et la République Islamique relèvent tout autant du domaine intérieur mauritanien que du domaine extérieur, car ils prennent leur source dans le malaise qui affecte les rapports entre les « maîtres », basés dans le HODH, et les « serviteurs », installés sur des terrains de culture situés au SOUDAN.

C’est là un problème d’ordre social qui ne sera pas facilement résolu. Et il y en ad’autres, comme celui – qui n’est pas spécial à la République Islamique – de l’accession des jeunes élites aux postes de responsabilité – magistrature de Droit musulman, Adlinistration des Circonscriptions et de certains Services – déjà pourvus de titulaires dont l’instruction laisse à désirer, ou comme celui – propre à la MAURITANIE, celui-là – de l’antagonisme entre Guerriers et Marabouts, ou encore comme celui – particulièrement aigu dans ce pays – des rapports entre jeunes progressistes et Chefs Traditionnels.

A propos de toutes ces questions naissent des mécontentements qui se cristallisent dans le seul parti d’opposition vraiment organisé, la NAHDA, et l’on voit tout de suite comment le MAROC ou le MALI peuvent en profiter. C’est ainsi que l’enquête ouverte à la suite de l’assassinat du Député OULD OBEID, qui a abouti à l’arrestation d’un suspect, laisse supposer que si RABAT est sans doute à l’origine de l’attentat – ne serait-ce que par l’action de sa propagande et ses exhortations à la violence – l’homme de main a pu être d’autant plus facile à trouver que, sur le plan strictement local, il y avait certains comptes à régler qui n’avaient rien à voir avec la politique étrangère.


Pour l’Envoyé Exceptionnel et Plénipotentiaire
et par délégation,
le Premier Conseiller,

Henri BERNARD


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Synthèse Générale n° 12
Période du 1er au 31 Décembre 1960.

SECRET – n° 18

Dans l’euphorie de l’Indépendance et fort de très nombreuses marques de sympathie reçues à cette occasion de la part de nombreux Etats, le Gouvernement de la République Islamique, faisant preuve d’une confiance excessive, malgré de prudentes mises en garde, s’était persuadé que l’admission de la Mauritanie à l’O.N.U. ne serait qu’une formalité.

On imagine aisément la déception du Président MOKTAR OULD DADDAH à qui le message KROUCHTCHEV du 28 Novembre cité dans la précédente synthèse avait donné de faux espoirs.

La nouvelle du veto russe parvenue en Mauritanie avec une rapidité remarquable a produit chez les partisans du Gouvernement une violente irritation et, d’une façon générale, un certain mépris pour le MAROC qui en a été bénéficiaire.

A la demande du Président MOKTAR et pour prévenir toute interprétation tendancieuse, le Chef du Gouvernement par intérim ; M. AMADOU DIADIE SAMBA DIOME a prononcé un discours dans lequel, après avoir dénoncé la « politique de chantage » de la RUSSIE Soviétique et vitupéré écet impérialisme plus odieux encore que celui qu’il prétend combattre », il a souligné que l’indépendance était un fait acquis et que le veto soviétique n’y pouvait rien changer ; il a rappelé que c’est à une majorité écrasante que l’admission de la R.I.M. aux Nations Unies avait été proposée.

Cet évènement a quand même longuement défrayé la chronique. Le Ministre des Travaux Publics a beau dire que ce « geste inamical constituait pour la Mauritaanie un certificat de bonnes vie et mœurs », la déception n’en a pas été moins vive dans la population.

Le Premier Ministre qui s’était attardé à NEW-YORK, avait rendu au Président EISENHOWER, le 12 Décembre, une visite au cours de laquelle, dans un entretien privé « de nombreux problèmes ont été abordés ».

De retour à PARIS, le 13 Décembre, le Président MOKTAR avait fait, dans une interview concernant principalement le MAROC et le veto soviétique, les commentaires qui s’imposaient. Cependant ce sont plutôt ses déclarations sur le conflit algérien qui ont retenu l’attention, car, ayant affirmé par deux fois que « c’est à ceux qui se battent de se mettre d’accord », ces affirmations équivalent implicitement à éliminer l’O.N.U. du règlement de l’affaire algérienne.

Il semble toutefois qu’il ait voulu considérer le F.L.N. comme le seul organisme représentatif des partisans de l’ALGERIE Indépendante.

A son retour de BRAZZAVILLE, le Premier Ministre s’est dit satisfait et réconforté de la vigueur avec laquelle les onze états d’expression français ont affirmé leur solidarité avec la Mauritanie et, dans ses déclarations à la Presse et à la Radio, il a manifesté un intérêt apparemment primordial pour « l’appel lancé de BRAZZAVILLE à tous les Chefs d’Etat Africains de toutes expressions pour une rencontre en 1961 où seraient examinés tous les problèmes se posant à l’Afrique et se rapportant à la Paix ».

En réalité, ce qui le préoccupe actuellement, c’est de maintenir la cohision de son Etat, de résister aux attaques marocaines et d’obtenir, en Mars prochain, l’entrrée de la Mauritanie à l’O.N.U. Il voit, dans ce dernier objectif, une consécration nécessaire et une condition, non pas peut-être indispensable, mais en tout cas très importante de la pérennité de la Nation Mauritanienne.

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Sur le plan de la politique intérieure, il est noter que les dirigeants du parti NAHDA, récemment dissous, avaient adressé au Secrétaire Général de l’O.N.U. un télégramme dans lequel « ils approuvaient sans réserve l’accession de la Mauritanie à l’Indépendance et à la souveraineté nationale » et « recommandaient…. A tous les Gouvernements représentés à l’O.N.U., MAROC compris, de reconnaître la R.I.M. et de prononcer unanimement son admission aux Nations Unies ».

Avant de faire parvenir aux Nations Unies un tel message il fallait sans doute que les dirigeants de la NAHDA et, à leur tête, leur Président M. BOUYAGUI fussent bien persuadés du succès du Président MOKTAR. Cette démarche n’a peut-être été de leur part qu’une erreur de tactique mais dans ce cas il leur sera malaisé de reconsidérer leur position actuelle.

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On a vu, dans la précédente synthèse, combien la situation à la frontière du MALI devenait préoccupante. A la suite du dernier incident, M. MODIBO KEITA avait annulé l’envoi d’une Représentation aux Fêtes de l’Indépendance, mais il n’avait pas pour autant repoussé l’idée d’une conférence Soudano-Mauritanienne.

Cette conférence s’est tenue à NIORO en présence des Ministres de l’Intérieur et du SOUDAN, MM. SIDI MOHAMED DEYINE et MADEIRA KEITA.

Les entretiens qui avaient débuté dans une atmosphère parfois passionnée ont abouti à la rédaction d’un communiqué optimiste mais évasif ne donnant aucune précision sur les mesures pratiques envisagées – si tant est qu’elles l’aient été – pour rétablir des relations pacifiques à la frontière soudano-mauritanienne.

Le problème reste entier. La tension entre les deus pays pourrait encore saggraver si le MALI autorisait le MAROC – comme le bruit en a couru – à installer un Consulat à NARA. L’ouverture d’un Consulat marocain à proximité d’une zone frontière en effervescence constituerait un réel danger pour la République Islamique de Mauritanie.


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Du fait de l’absence prolongée du Chef de Gouvernement, les ministères ont réduit leur activité et toute l’attention s’est portée sur les travaux de la Commission des Finances et de l’Assemblée Nationale.

Le 16 Décembre, la Commission avait entendu le traditionnel exposé du Ministre des Finances sur les perspectives, les moyens et les buts du prochain budget.

La discussion des crédits affectés à l’Assemblée Nationale devait fournir aux députés l’occasion de mettre pour la première fois en application le principe d’austérité recommandé par la Commission d’Enquête Financière, pour réduire le train de vie de l’Etat.

C’est ainsi qu’, tout d’abord, été opéré un abattement de 15% sur les soldes, indemnités et frais de représentation des Parlementaires et des Ministres, les crédits de matériel subissant des amputations sensibles.

Ainsi les membres de l’Assemblée se sont-ils efforcés de donner aux-mêmes l’exemple de l’économie et de transposer dans les faits des intentions maintes fois exprimées par les dirigeants mauritaniens et des recommandations que le Comité Directeur du P.R.M. venait de leur rappeler au cours de ses réunions des 16 et 18 Décembre.

Il est permis de penser que le vote du Budget en séance plénière ne soulèvera pas de discussions passionnées, les différents Ministères ayant été frappés avec une égale sévérité.

Pour l’Envoyé Exceptionnel et Plénipotentiaire
et par délégation,
le Premier Conseiller,

Henri BERNARD



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mardi 23 novembre 2010

lecture chrétienne du Coran - sourate 60 L'éprouvée . versets 10 à 13


soir du mardi 23 Novembre 2010

Je continue de lire-méditer la sourate 60 – L’éprouvée. Islam et Eglise catholique ont en commun d’être caricaturés selon des préceptes et recommandations – « la morale sexuelle » à entendre le Vatican depuis Paul VI jusqu’à ce qui semble une atténuation ou un réalisme justifiés avec Benoît XVI, la place de la femme et la question conjugale dans l’Islam selon des faits divers, parfois dramatiques, les coups de fouet au Nigeria, la condamnation à la lapidation en Iran, la polygamie avouée chez des immigrés en Europe ou des Français musulmans – qui sont accessoires par rapport à la révélation qu’ils sont l’ambition et pour mission de propager.

Lorsque des croyantes qui ont émigré, viennent à vous, éprouvez-les. – Dieu connaît parfaitement leur foi. 10 La question est bien posée. L’homme éprouve mais sans certitude propre. Le système de dédommagement est le même qu’il s’agisse de femmes musulmanes ou non musulmanes. Pas de distinction pécuniaire selon la confession religieuse. Le Code civil, dans ses versions napoléoniennes, prévoyait certainement – dans le régime dotal – des dispositions analogues. Le Coran va loin puisqu’il prescrit des indemnisations même si quelqu’une de vos épouses s’enfuit chez les incrédules puis qu’à votre tour, vous l’emportiez sur eux, donnez en compensation à ceux dont les épouses sont parties, ce qu’ils avaient dépensé pour leur entretien 11. Sans doute, est-ce supposer une société où l’épouse – pas seulement la femme – est un bien. Mais un bien qui n’est pas fongible, et une personne libre de sa foi religieuse.

Au passage, la relation du croyant à Dieu : Dieu aime ceux qui sont équitables 8. Dieu connaît parfaitement leur foi 10. Dieu est celui qui sait, il est sage 10. Craignez Dieu en qui vous croyez ! 11. Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux 12.

En fait, le croyant est exhorté à ne se tromper si sur ses alliés, ni sur son épouse. La probation humaine de celle-ci est peu contraignante, elle ressortit du Décalogue juif (les dix commandements adoptés aussi par les chrétiens) : elles n’associeront rien à Dieu, elles ne voleront pas, elles ne se livreront pas à l’adultère, elles ne tueront pas leurs propres enfants, elles ne commettront aucune infâmie… 12. MMB rend autrement cette dernière prescription : attribuer à leurs maris la paternité d’enfants illégitimes 12. Le texte induit aussi un rite ou une formalité – sociale ? religieuse ? – que je ne sais pas : le Prophète reçoit l’allégeance de ces croyantes, une introduction dans la communauté ? Hypothèse donc de nouvelles venues, des croyantes qui ont émigré 10

Fin de la sourate : essentielle. Le critère de la foi… le croyant se reconnaît – chrétien, musulman – en ce qu’il professe la résurrection : Dieu est courroucé par ceux qui désespèrent de la vie future comme les incrédules désespèrent des hôtes des sépulcres (Masson – Pléiade) qui n’ont nul espoir en la vie de l’Au-delà, tout comme les mécréants n’ont nul espoir en la résurrection des enterrés (trad. MMB =Mohamed El Moktar Ould Bah). Le chrétien n’espère pas, il croit. Ce n’est pas de l’aléatoire ; la récapitulation de la foi chrétienne qui n’est pas un texte d’évangile, mais un travail de l’Eglise, s’intitule par ses premiers mots, le Credo latin. Jésus, ressuscitant Lazare, pose à Marthe la question de sa foi en la résurrection : mais alors ce n’est pas de la même qu’il s’agit, c’est la résurrection au dernier jour, que l’Islam appelle celui du rassemblement. L’exceptionnalité chrétienne est que la résurrection du Christ, in tempore, gage ces résurrections ultimes. Le Coran rend avec force l’horreur de la condition mortelle, l’état du mort, constaté par les survivants, ceux-là conviés à espérer malgré ce qu’ils constatent. La résurrection de Lazare a le même réalisme : mais, Seigneur, il sent déjà.

Construction du Coran. Le sujet, apparemment accessoire, est enseigné à l’occasion d’un autre apparemment bien plus en vue. Ces confidences – sur Dieu, ou sur nous – discrètes sont décisives. Elle sont le bien commun de tous les croyants. Leur foi commune : Dieu est celui qui se suffit à lui-même (Masson) Il est bien suffisant 6 (MMB). Traduction sans doute approchée quel que soit l’exégète et qui ouvre une discussion dogmatique, puisque Dieu n’est Dieu que créateur, miséricorde et amour : cela suppose bien autrui, même pour Dieu quoiqu’en Lui.